Massacre au Salvador : 30 ans de lutte pour que justice soit rendue

Trente ans après l’une des pires atrocités commises pendant la guerre civile qui a ensanglanté le Salvador, les survivants et les familles des victimes poursuivent leur lutte en faveur de la justice.

Au moins 767 personnes du village d’El Mozote et des hameaux environnants ont été massacrées par les forces gouvernementales entre le 11 et le 13 décembre 1981.

Même au regard de ce qui s’est passé durant la guerre civile salvadorienne, cet événement est des plus choquants. La plus jeune victime était un bébé de trois mois ; la plus âgée, un homme de 105 ans.

Avant d’être tués, nombre de femmes et d’hommes ont été torturés, et ont notamment subi des violences sexuelles. Certains enfants ont été poignardés ou matraqués à mort.

Pourtant, jusqu’à présent, personne n’a été poursuivi pour ces agissements. Ovidio Gonzales, avocat au sein d’une organisation de défense des droits humains représentant les familles des victimes et les survivants, a déclaré à Amnesty International que les ravages psychologiques étaient énormes.

« Les survivants et les proches des victimes souffrent encore de traumatismes, ils revivent tout ce qui s’est passé lors du massacre, a-t-il expliqué.

« Parmi ceux qui ont perdu des proches, beaucoup souffrent de séquelles psychologiques. Les dépouilles de leurs proches ne leur ont pas été restituées, ce qui les empêche de faire leur deuil, et ils ne savent pas où ils sont enterrés. Certains ont toujours peur, peur que quelque chose leur arrive, bien que la guerre soit désormais terminée. »

En 1993, un rapport des Nations nuies a identifié de nombreux responsables présumés du massacre. Une semaine après sa publication, la Loi d’amnistie générale pour la consolidation de la paix a été promulguée, protégeant les auteurs du massacre et privant de justice les victimes et leurs familles.

Près de 20 ans plus tard, cette loi est toujours en vigueur, bien que le gouvernement se soit engagé publiquement à prendre des mesures en vue de l’abroger.

Ce week-end, pour la première fois, le gouvernement salvadorien a présenté des excuses pour ce massacre et demandé pardon pour ce qu’il a qualifié d’« aveuglement de la violence étatique ».

« Nous saluons le fait que les autorités du Salvador aient enfin reconnu la responsabilité de l’État dans cet événement tragique, a indiqué Guadalupe Marengo, directrice adjointe du programme Amériques d’Amnesty International.

« Toutefois, ceux qui ont survécu à ce massacre, ainsi que les familles des victimes, attendent toujours que justice leur soit rendue et que des réparations leur soient octroyées. Les familles ont besoin de savoir ce qui est réellement arrivé à leurs proches. Elles ont besoin de voir les auteurs de ces crimes horribles rendre compte de leurs actes. Et elles ont le droit de bénéficier de réparations pour les préjudices qu’elles-mêmes subissent. »

Pour certains, le temps est désormais compté. Les deux derniers témoins du massacre d’El Mozote sont morts il y a peu. De nombreux proches des victimes vieillissent, et redoutent de ne pas connaître la vérité ni d’obtenir justice avant de mourir.

Leur souffrance a été qualifiée de torture par la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) et le Comité des Nations unies contre la torture.

« Il est grand temps que le Salvador suive l’exemple d’autres États de la région et abroge ses lois d’amnistie », a estimé Guadalupe Marengo.

Selon Ovidio Gonzalez, les familles ne renoncent pas. La semaine dernière, a-t-il affirmé, un comité représentant les victimes d’El Mozote a rencontré le président Carlos Mauricio Funes. « Ils lui ont dit qu’ils voulaient que justice soit rendue et que l’État devait prendre les mesures nécessaires. »

Quelque 75 000 personnes sont mortes durant la guerre civile qui a fait rage au Salvador de 1980 à 1992. La population a été victime d’atteintes aux droits humains généralisées, notamment d’homicides, de disparitions forcées et d’actes de torture.

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