Déclaration publique
Index AI : AFR 38/004/2008 (Document public)
ÉFAI
Amnesty International s’inquiète de la pratique persistante en Mauritanie qui consiste à recourir à la torture en vue d’obtenir des « aveux » – notamment de personnes accusées d’entretenir des liens avec des groupes islamistes.
En mai 2008, une quarantaine de personnes accusées d’être impliquées dans des attentats terroristes armés, qui seraient le fait de membres d’Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), ont été maintenues en détention au secret pendant plus de vingt jours. Certaines ont été torturées.
D’après Amnesty International, ces actes de torture ont eu lieu en vertu des dispositions d’une loi antiterroriste qui autorise de graves atteintes aux droits humains.
Au cours d’une mission de recherche effectuée en Mauritanie en février 2008, les délégués d’Amnesty International ont été informés par d’anciens détenus de l’existence de la torture du « jaguar ». L’un de ces anciens prisonniers l’a décrite en ces termes : « Pendant l’interrogatoire, ils m’ont attaché les mains sous les genoux, ont placé une barre de métal sous mes genoux et m’ont suspendu au plafond dans la position du ‘ jaguar ’. Ensuite, ils ont commencé à me frapper. »
Certains détenus ont également été privés de sommeil et brûlés avec des cigarettes.
Les détenus victimes de torture ont porté plainte auprès du procureur et dénoncé le traitement qu’ils avaient subi. Toutefois, à la connaissance d’Amnesty International, celui-ci n’a pris aucune mesure contre les auteurs présumés de ces actes.
L’Ordre national des avocats (ONA) de Mauritanie et l’Association mauritanienne des droits de l’homme ont condamné publiquement ces pratiques. Pourtant, le gouvernement s’est abstenu de toute réaction publique face à ces allégations.
Au cours d’une audience accordée à la délégation d’Amnesty International en janvier 2008, le président mauritanien Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi a assuré que la torture n’était plus tolérée en Mauritanie depuis son accession au pouvoir.
Complément d’information
La loi mauritanienne autorise à maintenir en détention pendant quinze jours toute personne accusée de « crimes ou délits contre la sécurité intérieure ou extérieure de l’État », inculpation la plus courante contre les personnes accusées de liens avec des groupes terroristes présumés. Cette période de détention déjà excessive n’a pas été respectée dans l’affaire concernant les islamistes présumés interpellés en mai 2008. Détenus au secret pendant plus de vingt jours, ils n’ont pas été autorisés à voir leur famille ni à consulter leur avocat – en violation de la loi.
Ces pratiques sont contraires aux dispositions du Code de procédure pénale, révisé en 2007 après l’arrivée du nouveau gouvernement au pouvoir, qui interdit d’infliger des « mauvais traitements physiques ou moraux » à toute personne placée en détention et précise que la famille du prisonnier doit être informée de son arrestation « dans les meilleurs délais ». Pour des infractions liées à la sécurité, la période de détention consécutive à l’arrestation ne doit pas dépasser quinze jours.
Amnesty International a engagé le président mauritanien Sidi Ould Cheikh Abdallahi à donner des instructions claires aux forces de sécurité afin de mettre un terme à toute pratique assimilable à des actes de torture ou à d’autres formes de mauvais traitements.
En outre, l’organisation a demandé que toute personne soupçonnée d’avoir maltraité ou torturé des détenus soit immédiatement suspendue de ses fonctions et qu’une enquête judiciaire indépendante soit ouverte sans délai afin de déférer à la justice les responsables présumés.