L’attentat de Lahore qui a coûté la vie à huit personnes s’inscrit dans une vague de violences qui témoigne d’un mépris total pour la vie humaine, a déclaré Amnesty International le 23 février 2017.
Au cours des deux dernières semaines, une série d’attentats revendiqués par divers groupes armés a fait plus de 120 morts et de nombreux blessés, ce qui soulève de vives préoccupations quant à la protection de la vie humaine.
« Toutes les personnes soupçonnées d’être impliquées dans cette vague de violence doivent être jugées dans le cadre de procès équitables devant des tribunaux civils, excluant tout recours à la peine de mort, a déclaré Nadia Rahman, chargée de campagne pour le Pakistan à Amnesty International.
« Les autorités du Pakistan ont le devoir de protéger la vie de tous les citoyens dans le pays, tout en respectant le droit international et les normes internationales. Recourir à des méthodes cruelles et inhumaines ne permettra pas de résoudre les causes profondes du problème et risque de perpétuer le cycle de la violence. »
L’attentat de Lahore survient une semaine après que 80 personnes ont été tuées au célèbre sanctuaire de Lal Shahbaz Qalandar à Sehwan, dans la province du Sind. Les villes ciblées précédemment étaient notamment Lahore, Quetta, Peshawar et Dera Ismaïl Khan.
Après l’attentat de Sehwan, les autorités pakistanaises ont affirmé avoir tué 100 « terroristes ». Aucune information n’a été divulguée sur une éventuelle enquête pénale, sur les personnes ciblées, sur leur rôle dans les attentats et sur la raison pour laquelle elles n’ont pas été jugées dans le cadre de procès équitables.
« Les victimes de ces attentats méritent une vraie justice, et non une campagne de vengeance menée en leur nom », a déclaré Nadia Rahman.
L’attentat de Lahore intervient alors que l’armée pakistanaise a annoncé une nouvelle offensive, l’Opération Radd ul-Fasaad, et que la force paramilitaire des Rangers s’est vu conférer des pouvoirs spéciaux pour opérer à Lahore et dans d’autres régions du Pendjab.
Amnesty International appelle les autorités à veiller à ce que les opérations de sécurité se déroulent dans le respect des obligations qui incombent au Pakistan au titre du droit international.
Elle a recensé des crimes de droit international et des violations des droits humains imputables aux troupes paramilitaires à Karachi – des personnes placées en détention arbitraire, soumises à la torture et d’autres mauvais traitements, privées de la possibilité de consulter un avocat et de bénéficier de soins médicaux et des garanties d’un procès équitable.
« Les injustices constatées à Karachi ne doivent pas se répéter à Lahore ni dans d’autres régions du pays », a déclaré Nadia Rahman.
Le Parlement du Pakistan débat actuellement de propositions visant à réactiver la compétence des tribunaux militaires pour juger des civils, leur mandat de deux ans ayant expiré le 7 janvier.
Amnesty International estime que la compétence pénale des tribunaux militaires, au Pakistan comme partout ailleurs, ne doit s’appliquer qu’aux membres de l’armée jugés pour manquement à la discipline militaire et ne doit pas s’étendre aux atteintes aux droits humains ni aux crimes de droit international.
Conformément au droit international, Amnesty International s’oppose à l’utilisation de tribunaux militaires pour juger des civils. Avec d’autres organisations, elle a recensé une longue liste de violations des droits humains qui en découlent, notamment les « aveux » forcés, les procédures opaques, les exécutions et les procès iniques.
« Le gouvernement a la responsabilité de protéger la vie des citoyens et de prendre les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité, mais les tribunaux militaires ne sont pas la solution, a déclaré Nadia Rahman.
« Le seul moyen de faire face aux atteinte aux droits humains est de mettre en œuvre la justice, la vérité et les réparations, et non de commettre de nouvelles violations. »