Communiqué de presse

Les mesures d’exception envisagées par la Grèce pour empêcher la grève des enseignants ne sont pas requises

Le recours à des mesures gouvernementales d’exception afin de bloquer une grève des enseignants en Grèce va à l’encontre des obligations internationales de ce pays en matière de droits humains, a déclaré Amnesty International.

Le syndicat national des enseignants du secondaire a proposé de mener une action d’une durée de six jours au moment des examens d’entrée à l’université, qui ont lieu à la fin de l’année scolaire et commencent cette année vendredi 17 mai.

Cette grève – soutenue semble-t-il par les syndicats locaux d’enseignants – serait un moyen de protester contre la décision, prise fin avril, d’augmenter le nombre d’heures de travail des enseignants. Les syndicats affirment que ce changement aura pour conséquences de nombreux licenciements et une dégradation de la qualité globale de l’éducation dans le pays.

Dans le but d’empêcher cette grève, les autorités grecques ont semble-t-il l’intention d’invoquer des lois d’exception afin de forcer les enseignants à continuer le travail. Ces enseignants risquent des poursuites pénales et encourent une peine d’au moins trois mois de prison s’ils ne s’exécutent pas – en cas d’inculpation, il est possible qu’ils soient immédiatement suspendus, voire qu’ils perdent leur emploi.

« Une interdiction générale imposée aux enseignants désirant faire grève, qui fait planer la menace de poursuites pénales et de peines de prison, est clairement inutile et disproportionnée, et bafouerait les obligations internationales de la Grèce en matière de droits humains », a indiqué Jezerca Tigani, directrice adjointe du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

« Les difficultés financières actuelles ne dispensent pas les gouvernements de l’obligation qui leur est faite de défendre les droits fondamentaux de tous. En particulier, les droits des travailleurs ne doivent pas être sacrifiés sur l’autel de la crise. »

Aux termes du droit grec, le gouvernement est habilité à mobiliser de force les travailleurs en temps de paix dans le cas d’un événement soudain qui requiert l’adoption de mesures urgentes, afin de faire face aux besoins du pays en matière de défense ou à des problèmes se posant avec acuité sur le plan social – par exemple, une catastrophe naturelle ou un risque de santé publique.

Lorsqu’il a annoncé qu’il invoquait cette disposition contre la grève des enseignants, le gouvernement a avancé que la mesure était nécessaire «  afin de prévenir des perturbations graves de la vie sociale et financière du pays, ainsi que pour maintenir l’ordre et préserver la santé des futurs étudiants à l‘université ».

Aux termes du droit international, la Grèce est tenue de respecter et de protéger le droit à la liberté d’association, qui recouvre le droit de former et de rejoindre un syndicat, ainsi que le droit de grève. Ces obligations sont inscrites dans des traités internationaux relatifs aux droits humains auxquels elle est partie. Ceux-ci incluent le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et la Convention n° 87 du Bureau international du travail (BIT) portant sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical.

Ces droits ne sauraient être limités que dans certaines circonstances très spécifiques, s’il peut être démontré que les restrictions sont nécessaires et proportionnelles à celles-ci, et qu’elles protègeront la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou les mœurs publiques, ou encore les droits et libertés d’autrui.

Il est possible dans ces cas-là de restreindre légèrement le droit de grève. Cela pourrait s’appliquer aux forces armées, à la police et à d’autres fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l’État. Pourraient également être concernés les travailleurs assurant des services essentiels – dont l’interruption éventuelle mettrait en danger la vie, la sécurité personnelle ou la santé de la population.

Des experts du BIT ont fait remarquer que le secteur de l’éducation ne constitue pas un service essentiel stricto sensu et, plus généralement, que toute restriction concernant les grèves doit être raisonnable et ne pas imposer de limitation substantielle aux syndicats.

Depuis 2010, les travailleurs grecs ont mené un certain nombre de grèves contre les mesures d’austérité, afin de protester contre des réductions de salaires draconiennes et des coupes importantes dans les programmes gouvernementaux.

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