Communiqué de presse

Mexique. Il faut enquêter sur de nouveaux éléments tendant à prouver qu’un ordre de l’armée a conduit au massacre de 22 personnes

Les autorités civiles mexicaines doivent enquêter de toute urgence sur un document militaire récemment divulgué, qui semble indiquer que l’homicide de 22 personnes en juin 2014 n’était pas dû aux affrontements entre des soldats et un gang criminel, mais résultait de l’ordre qui avait été donné de « descendre des criminels », a déclaré Amnesty International.

« L’existence de cet ordre est révélée alors que le Mexique traverse la plus grave crise des droits humains de son histoire récente, qui se traduit par des milliers de morts et de personnes disparues. Il est essentiel que le président Enrique Peña Nieto condamne publiquement cet acte et s’engage en faveur du respect des droits humains en ordonnant sans délai la tenue d’une enquête approfondie et indépendante, par une instance civile, sur la manière dont les forces armées mettent en œuvre la politique de sécurité du gouvernement », a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques d’Amnesty International

Le 30 juin 2014, des soldats ont tué 22 personnes, membres présumés d’une bande armée à Tlatlaya, dans l’État de Mexico. Les autorités militaires ont affirmé que les victimes avaient été tuées dans des échanges de coups de feu avec des hommes armés. Cependant, la Commission nationale des droits humains (CNDH) et la commission d’enquête spéciale du Congrès ont conclu séparément que la plupart des victimes n’étaient pas mortes lors de cet affrontement, comme l’avait affirmé le ministère de la Défense, mais avaient été abattues alors qu’elles ne représentaient plus de menace pour les soldats.

Le 2 juillet, des organisations mexicaines de défense des droits humains ont dévoilé l’ordre qui avait été donné avant l’opération. Le 11 juin 2014, le 102e régiment d’infanterie a donné l’ordre suivant : « Les troupes mèneront des opérations d’envergure durant la nuit et réduiront leurs activités durant la journée, afin de descendre les criminels pendant la nuit, car c’est à ce moment-là que la plupart des crimes sont commis. »

Les opérations menées par l’unité militaire dans la région de Tlatlaya au moment du massacre s’appuyaient sur cet ordre. Après l’opération du 30 juin, les soldats ont fait leur rapport en indiquant qu’ils avaient « descendu » 22 criminels.

Dans cette affaire, il ne fait aucun doute que le terme « descendre » (abatir en espagnol) veut dire « tuer ». Plusieurs documents militaires relatifs à cette affaire utilisent le terme dans ce sens précis. La même terminologie a été employée à maintes reprises dans ce sens au fil des ans, dans de nombreux communiqués de presse de l’armée. Amnesty International n’a pas relevé une seule occurrence où « descendre » des personnes ne signifiait pas les tuer. Il y a des motifs raisonnables de croire que cet ordre de l’armée a encouragé des exécutions extrajudiciaires.

« Des propos généraux invitant à respecter les normes relatives aux droits humains figuraient également dans ce document, mais les termes utilisés dans la partie cruciale semblent indiquer que les soldats avaient reçu l’ordre de tuer les criminels présumés », a déclaré Erika Guevara-Rosas.

Amnesty International demande la tenue d’une enquête impartiale, indépendante et efficace sur les membres de l’armée impliqués dans le massacre de Tlatlaya. Cette enquête doit englober tout commandant ou toute personne au sein de la chaîne de commandement qui savait ou aurait dû savoir que les forces armées commettaient ou allaient commettre de tels crimes, et qui n’a pris aucune mesure pour prévenir ou stopper ces agissements, ou pour soumettre l’affaire aux autorités civiles compétentes aux fins d’enquête et de poursuites.

Depuis des années, Amnesty International recense des affaires impliquant les forces armées mexicaines dans des exécutions extrajudiciaires de civils, des disparitions forcées, des actes de torture, des détentions arbitraires, des violences sexuelles, ainsi que des crimes relevant du droit international et des violations des droits humains.

Le gouvernement mexicain a choisi de nier toute implication dans ces agissements ou de les présenter comme des actes isolés, imputables à des individus agissant de leur propre chef. Cette dernière révélation jette de sérieux doutes sur cette présentation des faits, et doit inciter les autorités civiles à diligenter une enquête fiable sur les actions, les stratégies et les politiques de l’armée.

Le gouvernement mexicain doit veiller à ce que tout ordre similaire soit immédiatement annulé, et faire en sorte que les forces armées soient déchargées des fonctions ordinaires de maintien de l’ordre – détentions, investigations et interrogatoires notamment.

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