Mexique. Il faut geler les fonds de l’Initiative de Mérida dans l’attente du respect des conditions relatives aux droits humains

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI
5 août 2009

Amnesty International a exhorté ce mercredi 5 août le Congrès américain à mettre de côté, comme il s’y était engagé, 15 % des fonds devant être alloués au Mexique dans le cadre de l’initiative de Mérida jusqu’à ce que le gouvernement mexicain ait respecté ses obligations en matière de droits humains. L’organisation a déclaré que le gouvernement mexicain n’avait pas suffisamment enquêté sur les violations des droits humains commises par les forces de sécurité ni engagé suffisamment de poursuites contre les auteurs présumés de ces agissements.

« Donner de l’argent et du matériel à l’armée mexicaine sans contrôler étroitement l’usage qu’elle en fera peut favoriser une escalade des atteintes aux droits humains, a déclaré Susan Lee, directrice d’Amnesty International pour les Amériques. L’aide devrait contribuer essentiellement à la prévention des violations, à l’amélioration des enquêtes et au bon fonctionnement de la justice. »

Cet appel intervient au moment où, aux États-Unis, le Département d’État s’apprête à remettre au Congrès un rapport sur le respect par le Mexique des conditions requises en matière de droits humains pour déterminer le montant devant être attribué à ce pays dans le cadre de l’Initiative de Mérida.

Depuis 2006, plus de 2 220 plaintes concernant des violations des droits humains – disparitions forcées, homicides, torture – attribuables à l’armée mexicaine ont été déposées auprès de la Commission nationale des droits humains (CNDH). En 2008, pas moins de 1 230 cas ont été signalés, ce qui représente une augmentation de plus de 600 % depuis 2006. Les victimes et leurs proches renonçant souvent à porter plainte par peur des représailles, le nombre réel de violations est sans doute encore plus élevé.

Parmi les cas soumis à la Commission figure celui de Saúl Becerra dont le corps a été retrouvé en mars 2009. Il avait disparu après avoir été appréhendé par quatre militaires le 21 octobre 2008 à Ciudad Juárez, dans l’État de Chihuahua.

Figure également parmi ces cas celui de Carlos Guzmán Zúñiga et José Luis Guzmàn Zúñiga dont on est sans nouvelles depuis qu’ils ont été arrêtés lors d’une opération conjointe de la police et de l’armée à Ciudad Juárez en novembre 2008. Les autorités affirment que les deux hommes n’ont pas été arrêtés et de ce fait aucune enquête n’a été ouverte sur cette affaire.

Selon le ministère mexicain de la Défense, seuls 65 militaires ont fait l’objet d’enquêtes disciplinaires ou criminelles devant les tribunaux militaires au cours des trois dernières années, et on ne peut pas savoir si certains, ou aucun, d’entre eux ont été reconnus coupables. Les juridictions militaires ont systématiquement renoncé à déférer à la justice des membres de l’armée responsables de graves violations des droits humains.

Le Congrès des États-Unis a, par ailleurs, demandé à être informé de la progression de l’enquête sur l’homicide dont a été victime le vidéo-journaliste Brad Will le 27 octobre 2006. Ce cas n’a toujours pas été élucidé de manière satisfaisante.

L’enquête menée par le Bureau du procureur général du Mexique a conduit à l’arrestation d’un homme en octobre 2008. Mais les éléments de preuve sur lesquels se fondaient les poursuites ont été discrédités par des expertises approfondies menées par la CNDH et l’organisation américaine Physicians for Human Rights.

« Il apparaît clairement que le Mexique ne remplit pas les conditions que le Congrès avait fixées pour autoriser le transfert de fonds, a déclaré Susan Lee. Non seulement les responsables de graves atteintes aux droits humains n’ont pas été déférés à la justice, mais encore le nombre de cas de violations augmente de manière alarmante. »

Complément d’information

L’Initiative de Mérida est un programme de coopération et d’assistance en matière de sécurité par le biais duquel les États-Unis fournissent au Mexique et au reste de l’Amérique centrale équipement, formation et assistance technique pour soutenir les opérations de maintien de l’ordre.

En juin 2008, le Congrès des États-Unis avait indiqué que 15 % des fonds attribués au Mexique par les États-Unis dans le cadre de l’Initiative de Mérida seraient tributaires du respect de certaines conditions fondamentales en matière de droits humains, à savoir :

 les violations des droits humains commises par des membres de l’armée ou de la police devaient faire l’objet d’enquêtes, donner lieu à des poursuites en justice et être jugées par des instances juridiques civiles ;

 la justice ne devait pas utiliser d’aveux obtenus sous la torture ou d’autres formes de mauvais traitements ;

 la société civile devait être régulièrement consultée pour pouvoir émettre des recommandations sur la mise en œuvre de l’Initiative de Mérida ;

 transparence et responsabilisation au sein de la police devaient être améliorées et un mécanisme indépendant être mis en œuvre pour dénoncer les abus.

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