MEXIQUE : Justice et sécurité pour les femmes de Ciudad Juárez

Index AI : AMR 41/032/02

Plus de 200 femmes ont été tuées depuis 1993 à Ciudad Juárez, dans l’État de Chihuahua. Elle méritent que justice leur soit rendue et toutes les femmes qui vivent et travaillent dans cette ville ou aux alentours méritent d’être protégées contre la violence, a déclaré aujourd’hui Amnesty International.

Cette déclaration arrive au moment où des femmes du monde entier se réunissent à Guadalajara, au Mexique, pour le Forum international de l’AWID (Association pour les droits et le développement des femmes), du 3 au 6 octobre.

En 1998, la Comisión Nacional de Derechos Humanos (CNDH, Commission nationale des droits humains) avait transmis une recommandation aux autorités demandant l’ouverture d’enquêtes exhaustives et efficaces pour éclaircir les circonstances dans lesquelles s’étaient produits les meurtres de femmes à Ciudad Juárez. La recommandation demandait également que tous les responsables soient traduits en justice et que les fonctionnaires qui avaient manqué à leur devoir en ne menant pas d’enquête sur ces affaires fassent l’objet d’investigations et soient sanctionnés.

« Malgré les années écoulées depuis la recommandation de la CNDH, malgré de nouveaux meurtres et l’avis favorable donné à cette recommandation par les mécanismes interaméricains et ceux des Nations unies, les autorités n’ont pas totalement rempli leurs obligations : de ce fait, les victimes et leur famille n’ont pas obtenu réparation et la population de Ciudad Juárez continue de vivre dans la peur », a ajouté Amnesty International.

Présentées par les autorités comme une solution à ces affaires, les arrestations n’ont pas mis fin aux meurtres. Entachées d’irrégularités, marquées par des abus, elles ont miné la confiance des familles de victimes et de la collectivité.

« Pour que les responsables soient traduits en justice et pour prendre des mesures propres à empêcher de nouveaux meurtres, les autorités mexicaines – tant au niveau fédéral qu’à celui de l’État – ont l’obligation de mener dans les meilleurs délais des enquêtes exhaustives et impartiales sur cette violence récurrente exercée contre les femmes », a précisé Amnesty International.

« Ces mesures doivent être transparentes et efficaces si l’on veut mettre fin à ces meurtres répétés et faire en sorte que le système judiciaire inspire confiance », a également déclaré Amnesty International.

« Il ne suffit pas que les différentes agences et autorités chargées des enquêtes se lavent les mains de leurs responsabilités et déclarent qu’elles n’ont pas compétence pour traiter ces affaires. Des meurtres aussi horribles et récurrents appellent une réaction conjuguée de toutes les institutions concernées, au niveau fédéral et de l’État, afin de montrer que ces crimes ne peuvent être tolérés et ne le seront pas », a souligné Amnesty International.

En janvier 2002, dans un courrier adressé aux autorités mexicaines, Amnesty International demandait des informations sur l’état d’avancement des enquêtes en cours. L’organisation insistait sur la nécessité d’ouvrir immédiatement des enquêtes exhaustives et impartiales, et sur la responsabilité qu’avaient les institutions de garantir la sécurité des personnes vulnérables. Les réponses reçues à ce jour, loin d’être satisfaisantes, font douter de l’engagement pris par les autorités de mettre fin à la tragédie des neuf dernières années et de rétablir les victimes et leur famille dans leur dignité.

Beaucoup de femmes tuées ou « disparues » à Ciudad Juárez étaient des migrantes vivant dans des communautés marginalisées, sans le soutien d’aucune structure familiale bien souvent, et travaillant dans l’industria maquiladora, c’est-à-dire dans les usines installées par des compagnies américaines et d’autres compagnies étrangères pour exploiter une main d’œuvre bon marché et des tarifs douaniers favorables à proximité de la frontière avec les États-Unis.

« Ces affaires mettent en lumière le lien qui existe entre la mondialisation de l’économie et la violence infligée aux femmes. Alors que la mondialisation a créé des ouvertures économiques pour les femmes dans certaines régions, une pauvreté accrue et une banalisation du travail ont conduit des milliers de femmes à migrer en quête d’un emploi. Souvent, elles se retrouvent dans des situations qui les exposent à l’exploitation, à la violence et aux exactions. Et la protection du système judiciaire leur est refusée », commente Amnesty International.

« Le message doit être clair : la violence exercée contre les femmes doit être combattue à la racine. Toutes les affaires de violence doivent être suivies d’enquêtes exhaustives, les responsables doivent être jugés et il faut prendre des mesures pour remédier aux causes de la vulnérabilité des femmes », a conclu l’organisation de défense des droits de l’homme.

Devant le rôle sans cesse croissant que jouent les acteurs économiques, notamment les multinationales qui investissent au Mexique, Amnesty International appelle les compagnies implantées dans ce pays à montrer l’exemple en matière de droits humains, à faire preuve de responsabilité sociale à l’égard des communautés qu’elles emploient et à instaurer des mesures appropriées et une protection adéquate pour garantir la sécurité de leurs employés.

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