Mexique. Les autorités civiles doivent enquêter sur les violations graves et systématiques commises par l’armée.

Étude de cas

SYNTHESE DESTINEE AUX MEDIAS

ÉFAI-

mardi 8 décembre 2009


Saúl Becerra Reyes

Le 21 octobre 2008, selon des témoins oculaires, Saúl Becerra Reyes, trente-et-un ans, a été appréhendé par des soldats en même temps que cinq autres hommes dans une station de lavage automatique à Ciudad Juárez, dans l’État de Chihuahua.

Cinq jours plus tard, les cinq hommes, détenus dans une base militaire, ont été déférés au bureau du procureur général de la République et inculpés d’infractions liées aux stupéfiants et aux armes à feu. Les autorités, en revanche, n’ont jamais reconnu la détention de Saúl Becerra Reyes.

Plusieurs plaintes ont été déposées auprès des autorités au sujet de la disparition de Saúl Becerra Reyes mais aucune d’elles n’a été suivie d’investigations efficaces. Bien qu’un juge fédéral ait demandé sa comparution immédiate, les autorités civiles et militaires ont affirmé à maintes reprises qu’elles ignoraient tout du sort de cet homme.

Le corps de Saúl Becerra Reyes a été retrouvé en mars 2009. D’après son certificat de décès, il était mort le 22 octobre 2008 (soit le lendemain de son arrestation), des suites d’une hémorragie cérébrale liée à un traumatisme crânien. Aucune autopsie complémentaire n’a été pratiquée.

Le juge fédéral a transmis le dossier au bureau du procureur général de l’État de Chihuahua. L’homicide a donné lieu à une enquête pour infraction de droit commun, mais ces investigations n’ont pas porté sur l’implication présumée de l’armée.

25 policiers torturés

Entre le 21 et le 27 mars 2009, 24 hommes et une femme, tous membres de la police municipale de Tijuana, en Basse-Californie, ont été placés en détention arbitraire sur la base militaire du 28e bataillon d’infanterie de la 2e zone militaire de Tijuana, connue sous le nom d’Aguaje de la Tuna.

Ces 25 policiers ont été maintenus en détention sur cette base pendant quarante-et-un jours sans être présentés à une autorité judiciaire ni pouvoir consulter un avocat de leur choix. Le 7 mai, sans les avertir, les autorités les ont transférés dans une prison fédérale située à Tepic, dans l’État du Nayarit. Ils y ont été inculpés d’appartenance au grand banditisme et placés en détention provisoire.

Selon tous ces agents, au cours de leur détention sur la base, des militaires les ont continuellement soumis à des actes de torture et à d’autres formes de mauvais traitements pour qu’ils « avouent » des infractions pénales, donnent des informations compromettant d’autres policiers ou signent des déclarations qu’ils n’avaient pas lues.

« Ils m’ont bandé les yeux et attaché les mains avec du sparadrap ; le sparadrap me cisaillait la peau des mains, je ne sentais plus mes doigts ; ensuite ils m’ont enroulé dans une couverture et roué de coups sur tout le corps ; ils se sont mis à six pour me frapper pendant des heures, j’ai perdu toute notion du temps ; je me suis évanoui à six reprises, comme je ne voulais pas signer ce qu’ils voulaient ils ont continué à me frapper, je ne sais pas combien de temps cela a duré […] ils m’ont enlevé mes chaussures et m’ont mis les pieds dans un récipient plein d’eau, ensuite ils ont mis des câbles électriques et cela a duré des heures […] ils ont placé des câbles électriques sur mes testicules […] j’avais l’impression qu’ils allaient me tuer […] Je n’en pouvais plus, j’ai signé les yeux bandés. Aujourd’hui, je n’ai plus aucune sensation dans les doigts de ma main droite. »

Le 24 avril, des proches des policiers ont porté plainte auprès de la Commission nationale des droits humains (CNDH) à Tijuana, mais aucune mesure n’a été prise dans l’immédiat pour que les détenus reçoivent des visites ou pour empêcher qu’ils ne soient torturés à nouveau. Ce n’est que le 18 mai que des responsables de la CNDH de Mexico ont rendu visite aux détenus dans la prison de Tepic afin de recueillir des preuves de torture. L’enquête de la CNDH se poursuit.

Grâce à un recours en amparo (principe analogue à celui de l’habeas corpus, qui peut être invoqué en cas de détention arbitraire) formé à Tijuana, un tribunal fédéral a obtenu auprès d’un hôpital privé un dossier médical prouvant que l’un des détenus avait été soigné en urgence pour des blessures (notamment des fractures des côtes) infligées alors qu’il était entre les mains de l’armée.

Le 1er juin, des proches des victimes ont déposé une plainte pour torture et détention illégale auprès du bureau du procureur général de l’État de Basse Californie. Aucune information n’est disponible sur les progrès de l’enquête et il semble que les détenus n’aient pas fait l’objet d’examens médicaux exhaustifs ni indépendants.

Le rapport Mexico : Human rights violations by the military sera consultable à partir du 8 décembre 2009 à 17h00 TU sur le site www.amnesty.org.

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