Communiqué de presse

Mexique. Les familles de personnes « disparues » méritent mieux que de simples promesses

Les « disparitions » sont devenues monnaie courante au Mexique parce que les autorités les tolèrent et refusent de sévir contre les responsables, a déclaré Amnesty International à l’occasion de la diffusion d’une nouvelle synthèse à ce propos, mardi 4 juin.

Le fait que des membres du gouvernement se soient engagés à mettre un terme aux « disparitions » et à retrouver les victimes est important, mais ne signifiera rien pour les familles si cela ne débouche pas sur des résultats concrets permettant d’en finir avec l’impunité et de déterminer où se trouvent les victimes.

Le document intitulé Confronting a nightmare : Disappearances in Mexico évoque les nombreuses disparitions continuant à survenir dans le pays, tandis que le gouvernement s’efforce de brider les groupes criminels organisés. Il s’agit souvent de disparitions forcées, c’est-à-dire attribuables à des représentants de l’État.

Le gouvernement fédéral a admis qu’au moins 26 000 disparitions ont été signalées ces six dernières années. La semaine dernière, le ministre de l’Intérieur a affirmé que le chiffre réel était bien inférieur, malgré l’absence d’enquêtes approfondies.

« Même si des enquêtes exhaustives établissent que toutes les disparitions signalées ne sont pas le résultat d’enlèvements perpétrés par des criminels et des représentants de l’État - il n’est plus possible de passer sous silence cette réalité choquante », a souligné Rupert Knox, spécialiste du Mexique à Amnesty International.

« Ces chiffres illustrent l’un des principaux défis se posant au gouvernement d’Enrique Peña Nieto sur le terrain des droits humains : la nécessité de mettre fin à la crise des disparitions, de retrouver la trace des victimes et d’amener les responsables présumés à rendre des comptes – qu’il s’agisse de criminels ou de représentants de l’État. »

La synthèse revient par ailleurs sur le combat mené par les familles afin d’obtenir vérité, justice et réparations face à l’inaction de l’État, qui a permis à un climat d’impunité de se développer et qui continue à exposer des citoyens à un risque de disparitions nouvelles.

Cette impunité s’est traduite par les menaces, la réprobation sociale et les mauvais traitements subis par des familles ne sachant plus que faire pour retrouver leurs proches disparus. Face à la collusion ou à l’inertie, elles ont dû mener leurs propres enquêtes, souvent au péril de leur vie.

Des expériences telles que celle de la mère d’Israel Arenas Durán sont représentatives de ce combat. Israel Arenas Durán a disparu alors qu’il se trouvait aux mains de la police des transports de l’État du Nuevo León, dans le nord du pays, le 17 juin 2011. Quand sa mère s’est présentée devant l’enquêteur chargé de ce cas afin de lui demander où se trouvait son fils, le fonctionnaire a réclamé qu’une voiture de patrouille vienne la chercher et l’éloigne de son bureau « parce qu’il ne voulait pas que nous exigions une enquête ».

Bien que le gouvernement mexicain ait désormais partiellement reconnu l’ampleur du problème des disparitions dans le pays, il n’a pas encore admis que des représentants des autorités, au niveau fédéral, des États et municipal, aient joué un rôle dans un grand nombre de ces cas. L’implication de fonctionnaires dans ces affaires en fait des disparitions forcées, ce qui constitue une violation du droit international.

L’absence systématique d’enquêtes dignes de ce nom est également une atteinte au droit international et a limité les occasions de retrouver des disparus. En outre, la négligence des autorités a comme par hasard masqué le nombre de cas, notamment ceux dans lesquels les autorités sont impliquées.

« Les mesures mises en place jusqu’à présent par le gouvernement – notamment la publication de données sur les disparitions, les rencontres avec les familles et les engagements en faveur de la création d’une unité spéciale de recherche des disparus – sont bienvenues, mais insuffisantes », a poursuivi Rupert Knox.

« Les actions isolées promises par le gouvernement fédéral ne vont pas assez loin pour remédier aux manquements systématiques des autorités fédérales et de l’État, ni lutter contre l’implication directe et indirecte de fonctionnaires dans les disparitions forcées. La nomination de 12 enquêteurs au sein de la nouvelle unité spéciale de recherche censée traiter des milliers de cas est loin d’être un exemple convaincant de l’engagement total, des ressources et de la volonté politique requis pour faire face à cette crise nationale.

« Il est essentiel que le gouvernement regarde ce cauchemar en face, en faisant participer les victimes et les groupes de défense des droits humains à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une politique publique, qui doit être appliquée par les autorités au niveau fédéral et de tous les États, afin de garantir une réaction efficace à cette crise. »

Des représentants d’Amnesty International participeront à une conférence organisée par des parents de disparus, dans la ville de Saltillo (nord du pays) entre les 5 et 7 juin, afin de dégager et de promouvoir des mesures permettant de lutter contre les disparitions.

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