Six journalistes ont été tués en moins d’un mois au Mexique, ce qui met en évidence l’incapacité des autorités à garantir la liberté d’expression en protégeant les professionnels des médias contre les menaces et les violences pour qu’ils puissent faire leur travail.
Le 18 mai, le corps mutilé de Marco Antonio Ávila García, 39 ans, reporter spécialisé dans les affaires criminelles, a été retrouvé dans un sac poubelle au bord d’une route dans l’État de la Sonora, dans le nord-ouest du pays. La veille, il avait été enlevé à une station de lavage de voitures à Ciudad Obregón, où il résidait et travaillait pour deux organes de presse.
Quelques jours seulement avant la mort de Marco Ávila, un ancien journaliste a été retrouvé mort dans le coffre de sa voiture, dans la ville de Cuernavaca, dans le centre du Mexique ; deux semaines auparavant, les corps mutilés de trois journalistes ont été découverts dans l’État de Veracruz, à l’est. Le 28 avril, une correspondante de l’hebdomadaire d’information Proceso a également été retrouvée assassinée chez elle à Xalapa, dans l’État de Veracruz.
Cette nouvelle vague d’homicides devrait retentir comme une sonnette d’alarme pour les autorités mexicaines qui doivent faire davantage en vue de protéger les journalistes, en danger simplement parce qu’ils font leur travail, a déclaré Rupert Knox, chercheur sur le Mexique à Amnesty International.
« Il est rare que les autorités identifient ou traduisent en justice les responsables d’attaques visant des journalistes, ce qui crée un climat de peur et de vulnérabilité parmi ceux qui ont encore assez de courage pour continuer à exercer leur profession. Il est essentiel que des enquêtes complètes et impartiales soient menées sans délai sur chacune de ces affaires, notamment en faisant usage des nouveaux pouvoirs fédéraux d’investigation, afin de garantir que les tueurs comparaissent devant les tribunaux. »
D’après un porte-parole du procureur de l’État de la Sonora, la police a trouvé un message signé par un cartel du crime organisé près du corps de Marco Ávila, mais le contenu de ce message n’a pas été révélé.
Le 13 mai, quelques jours seulement avant que Marco Ávila ne soit enlevé et tué, l’ancien journaliste René Orta Salgado a été retrouvé mort dans le coffre de sa voiture, étranglé, à Cuernavaca, au sud de la capitale Mexico. Il avait quitté au mois de janvier le quotidien El Sol pour lequel il travaillait.
Le 3 mai, la police a retrouvé les dépouilles de trois photographes et d’une employée d’un journal à Boca del Río, dans l’État de Veracruz, au bord du Golfe du Mexique, à l’est du pays.
Les trois photographes – Guillermo Luna, Gabriel Huge et Esteben Rodríguez – étaient spécialisés dans l’actualité policière et criminelle. Leurs noms figuraient sur une liste de personnes à abattre diffusée en 2011 par une bande criminelle organisée. Irasema Becerra, qui travaillait au sein du service administratif d’un journal et était la compagne de Guillermo Luna, a également été retrouvée morte.
Quelques jours auparavant, le 28 avril, Regina Martínez, correspondante de la revue Proceso, a été tuée dans la capitale de l’État de Veracruz, Xalapa. Elle avait elle aussi enquêté sur les réseaux criminels et la corruption dans la sphère politique.
Ces derniers homicides s’inscrivent dans la vague de violence ciblant les journalistes qui déferle sur tout le Mexique, dans le contexte de la lutte que mène le gouvernement contre les groupes criminels organisés, qui a fait plus de 50 000 morts au cours des cinq dernières années.
D’après la Commission nationale des droits humains du Mexique, 81 journalistes ont été tués dans le pays depuis 2000 et 14 ont « disparu ». Les responsables présumés n’ont quasiment jamais été déférés à la justice.
Les graves risques encourus par les journalistes ont amené certains médias à cesser tout simplement de couvrir l’actualité liée au crime organisé. C’est notamment le cas du journal El Mañana, publié dans la ville de Nuevo Laredo, à la frontière nord du pays, qui a annoncé sa décision de s’autocensurer, ses bureaux ayant été criblés de balles au mois de mai.
Le 14 mai, un groupe de quatre experts sur la liberté d’expression des Nations unies et de la Commission interaméricaine des droits de l’homme a publié une déclaration exhortant les autorités mexicaines à prendre rapidement des mesures afin de contrer la menace qui pèse sur les journalistes et les défenseurs des droits humains.
Par ailleurs, Amnesty International leur a demandé à maintes reprises de faire davantage pour garantir la protection de la liberté d’expression, notamment en appliquant la nouvelle loi sur la protection des défenseurs des droits humains et des journalistes. Adoptée par le Parlement fédéral en mars, elle doit encore être ratifiée par le président mexicain.
Les réformes de la Constitution autorisant la tenue d’enquêtes fédérales sur les crimes contre les journalistes doivent également être mises en œuvre.
Les autorités fédérales et celles des États du Mexique doivent redoubler d’efforts pour protéger les journalistes et les défenseurs des droits humains et mettre fin aux homicides ciblés, qui représentent une grave menace pour la liberté d’expression, a estimé Rupert Knox.
« La nouvelle loi n’aura aucune valeur, si elle ne s’accompagne pas d’efforts soutenus et concertés sur le terrain en vue de protéger les professionnels des médias et les défenseurs des droits humains, qui sont de plus en plus pris pour cibles au Mexique. »