MEXIQUE : Réformer le système judiciaire pénal et éradiquer la torture

Index AI : AMR 41/013/2003

Mexico — La torture occupe toujours une place prépondérante dans le système judiciaire pénal au Mexique. Elle continue d’être utilisée de manière systématique par les agents de l’État et préside à de nombreuses condamnations abusives, a déclaré Amnesty International ce jour, mardi 25 mars, à l’occasion de la publication d’un rapport sur les procès iniques et les condamnations arbitraires.

Ce nouveau rapport rend compte de plusieurs affaires pour lesquelles le droit de l’accusé à un procès équitable a été bafoué et le système de justice pénale n’a pas proposé de recours effectif.

« Ces affaires ne sont qu’un exemple de la pratique persistante qui consiste, au sein de la police, à torturer pour arracher des " aveux " concernant des crimes graves. Elles illustrent aussi le fait que les tribunaux retiennent ensuite ces " aveux " à titre de preuve, foulant ainsi aux pieds l’un des principes fondamentaux de la justice, a affirmé Rupert Knox, chercheur d’Amnesty International sur le Mexique.

« Le gouvernement fédéral a reconnu que la torture était monnaie courante. Pourtant, l’adoption de mesures concrètes qui permettraient d’éradiquer ce phénomène n’est pas inscrite à l’ordre du jour et ceux qui sont pris dans les rouages de cette justice perverse continuent de subir l’injustice au quotidien. »

Selon des informations reçues par Amnesty International, chaque étape de la procédure judiciaire est émaillée d’irrégularités et la procédure garantissant un procès équitable, conformément aux normes internationales ratifiées par le gouvernement mexicain, est constamment battue en brèche.

Divers facteurs contribuent à ce système judiciaire entaché de graves irrégularités :
 les détentions arbitraires ;
 le fait que les suspects ne sont pas présentés à un juge dans le délai prescrit par la loi ;
 une piètre assistance juridique ;
 des examens medico-légaux ne permettant pas d’apporter la preuve de la torture et effectués par des médecins rattachés au ministère public ;
 le manque de contrôle judiciaire de la procédure.

« Ces carences du système perpétuent à leur tour une culture de l’impunité dont jouissent les tortionnaires et encouragent le maintien de cette pratique inacceptable », a ajouté Rupert Knox.

Les affaires mises en lumière dans le rapport d’Amnesty International montrent à quel point il est difficile de contester les éléments de preuve obtenus sous la torture et de contraindre le système judiciaire pénal à reconnaître les violations perpétrées au nom de la justice.

L’une de ces affaires concerne les frères Enrique et Adrián Aranda Ochoa. Arrêtés en juin 1996, torturés par la police judiciaire durant plusieurs heures, ils avaient été acculés à signer des « aveux » sans être autorisés à les lire. On leur avait dit que s’ils ne les confirmaient pas devant le juge, leurs familles en subiraient les conséquences. Malgré des preuves médicales corroborant les allégations de torture, leurs « aveux » ont permis de les déclarer coupables et de les condamner à une peine de cinquante ans d’emprisonnement. Six ans plus tard, il n’a toujours pas été donné suite au mandat d’arrêt émis à l’encontre de l’un des policiers impliqués dans ces actes de torture, tandis que les deux frères attendent en prison qu’il soit statué sur leur ultime recours.

« Le droit à une réparation effective fonde un principe essentiel du droit international relatif aux droits humains. Priver de ce droit les personnes reconnues coupables à la lumière d’« aveux » extorqués sous la torture constitue une violation continue et alimente le cycle d’impunité et de violences », a souligné Rupert Knox.

Au vu de certaines affaires présentées dans le rapport, il est clairement établi que la torture est employée pour arracher des « aveux » et que les différentes autorités n’ont pas su faire face à l’injustice et aux violences endurées par les victimes. Si les actes de torture cités dans le rapport se sont produits lorsque les gouvernements précédents étaient au pouvoir, il incombe malgré tout aux autorités actuelles de veiller à ce que les victimes bénéficient de dédommagements concrets. Amnesty International continue néanmoins de recevoir des informations faisant état de torture, notamment sur un nombre croissant de cas recensés dans l’État d’Oaxaca et à Ciudad Juarez.

« Les autorités doivent sans plus tarder remédier au recours à la torture, mais aussi aux nombreuses condamnations pernicieuses qui en ont résulté. Ces affaires et toutes les affaires semblables doivent faire l’objet d’une révision indépendante, afin de prévenir de nouvelles injustices, a affirmé Rupert Knox.

« Le gouvernement actuel a libéré un certain nombre de prisonniers maintenus en détention dans la plus grande iniquité, faisant ainsi écho aux préoccupations de l’opinion nationale et internationale. Mais ce n’est pas suffisant. Il doit maintenant relever le défi qui consiste à garantir des réparations aux victimes de l’injustice et à s’attaquer aux racines du problème. »

Amnesty International, ainsi que d’autres organisations de défense des droits humains mexicaines et internationales, ont à maintes reprises mis le doigt sur les nombreuses carences du système judiciaire pénal - des stratégies de maintien de l’ordre aux autorités judiciaires, en passant par le rôle des services du ministère public et des avocats. Elles ont en outre proposé des solutions.

Le gouvernement actuel a pris de multiples engagements d’importance en vue de venir à bout de ces questions. La proposition de Reforma del Estado (réforme de l’État) et le programme d’assistance technique signé avec les Nations unies offrent un cadre décisif à l’élaboration et à l’adoption de politiques en la matière, au niveau de la fédération, des États et des municipalités.

« La mise en œuvre de ces mesures suppose non seulement détermination et clairvoyance de la part du pouvoir exécutif, mais aussi l’adhésion et le soutien de toutes les branches de l’État, a prévenu Rupert Knox.

« Afin de restaurer la confiance de l’opinion publique dans le système pénal, le gouvernement mexicain doit donner effet à une réforme profonde du système judiciaire, en ciblant tous les mécanismes qui favorisent les actes de torture et les mauvais traitements et contribuent à ce que les responsables présumés jouissent de l’impunité. »

Complément d’information

Ce document fait suite à une série de rapports publiés par Amnesty International dans le cadre de sa campagne de longue haleine contre la torture et l’impunité au Mexique. En 2001, l’organisation de défense des droits humains a notamment publié deux documents : Mexique. La justice trahie, Le recours à la torture au sein du système judiciaire (index AI : AMR 41/021/01), qui rendait compte de l’incapacité des autorités mexicaines à remédier efficacement à la pratique de la torture en vue de l’éradiquer, et tentait de comprendre quelles en étaient les principales raisons ; et Mexique. Justice pour les victimes de torture (index AI : AMR 41/008/01), qui recensait plusieurs cas de torture et de mauvais traitements mettant en évidence les questions majeures auxquelles le gouvernement devait faire face.

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