Mexique : Torture et violences sexuelles contre des femmes détenues à San Salvador Atenco : deux années d’injustice et d’impunité

À l’approche du deuxième anniversaire des troubles de San Salvador Atenco, dans l’État de Mexico, aucune avancée significative n’a été constatée pour les victimes qui ont subi des violences sexuelles aux mains de la police les 3 et 4 mai 2006.

L’absence de justice dans ces graves affaires de torture témoigne du manque de volonté du gouvernement mexicain de mettre un terme à la torture et à la violence contre les femmes.

Comme la plupart des autres personnes arrêtées les 3 et 4 mai 2006, les 47 femmes appréhendées ces jours-là ont subi des tortures et d’autres mauvais traitements. Cependant, les cas les plus graves concernent 26 femmes qui ont porté plainte auprès de la Commission nationale des droits humains contre la police de l’État pour des violences sexuelles, dont des viols et d’autres formes d’agressions sexuelles, pendant leur transfert à la prison d’État de Santiaguito. À leur arrivée dans cette prison, ces femmes n’ont pas été immédiatement autorisées à bénéficier des examens médicaux nécessaires ni à signaler les actes dont elles avaient été victimes.

Des preuves médicales recueillies ultérieurement et des récits de témoins sont venus confirmer leurs allégations, mais l’enquête menée par les autorités de l’État n’a abouti qu’à l’inculpation de 21 policiers, dont 15 ont ensuite été mis hors de cause par les tribunaux. Seuls six policiers restent donc poursuivis : cinq pour abus de pouvoir et un pour actes libidineux. La faiblesse de ces charges est sans commune mesure avec la gravité des actes de torture commis ni avec le nombre de policiers et de fonctionnaires impliqués dans ces crimes, directement ou indirectement par négligence.

Les services de l’ancienne procureure spéciale chargée d’enquêter sur les violences contre les femmes ont mené une enquête fédérale parallèle, mais n’ont pas exercé directement leur compétence sur ces affaires ni engagé de poursuites contre les responsables.

Le procureur général de la République mexicaine doit prouver sa volonté d’obtenir justice en apportant tout son soutien au nouveau Bureau du procureur spécial chargé de la violence contre les femmes et de la traite des personnes (FEVIMTRA), afin que l’enquête aboutisse et que les responsables soient traduits en justice.

Ce Bureau doit prendre des mesures décisives pour mettre un terme à l’impunité dans ces affaires et faire en sorte que les responsables aient à rendre des comptes et que les femmes concernées reçoivent réparation comme il se doit.

Deux comités des Nations Unies, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et le Comité contre la torture, ont recommandé au gouvernement mexicain de veiller à ce que le procureur spécial mène une enquête exhaustive en vue de poursuivre les responsables, mais cette recommandation n’a pas été suivie pour l’instant.

Il est aussi important de rappeler que l’enquête spéciale menée par la Cour suprême du Mexique sur les événements de San Salvador Atenco n’est pas une alternative à la procédure judiciaire, mais simplement un moyen de clarifier les faits. Elle ne doit donc pas empêcher les poursuites judiciaires contre les responsables ni faire oublier les autres mesures à prendre de toute urgence.

Les autorités doivent immédiatement remplir leur obligation de respecter le droit des femmes à la justice et à des réparations, notamment en reconnaissant la gravité des actes de torture qu’elles ont subis.


Informations générales

Les 3 et 4 mai 2006, près de 2 500 policiers fédéraux, de l’État et municipaux ont pris part à une opération à Texcoco et à San Salvador Atenco, dans l’État de Mexico, pour mettre fin à des manifestations dirigées par une organisation paysanne locale, le Front des peuples pour la défense des terres (FPDT). Cette opération policière s’est soldée par l’arrestation de 207 personnes et la mort de deux civils. Elle a fait des dizaines de blessés parmi les manifestants et les policiers, et plusieurs policiers ont été pris en otage. Amnesty International a publié un rapport intitulé Violences contre les femmes et déni de justice dans l’État de Mexico (index AI : AMR 41/028/2006) sur les violences sexuelles subies par au moins 26 des femmes arrêtées ces jours-là.

Plus de 50 personnes restent poursuivies en lien avec les manifestations des 3 et 4 mai 2006 ; parmi elles, 13 sont toujours incarcérées. Amnesty International a dénoncé à plusieurs reprises les graves irrégularités de la procédure judiciaire, qui bafouent le droit des accusés à un procès équitable.

La Cour suprême du Mexique est en train de mener une enquête non juridictionnelle sur ces événements.

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