Moldavie. Des militants de la société civile risquent d’être arrêtés

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Les militants de la société civile ne doivent pas être tenus pour responsables des émeutes qui se sont produites au lendemain d’une action de protestation pacifique de la jeunesse le 6 avril à Chisinau, la capitale moldave, a déclaré Amnesty International ce mercredi 8 avril. S’ils étaient déclarés coupables, ils pourraient être condamnés à des peines allant jusqu’à huit ans de prison.

Amnesty International considère qu’ils ont exercé leur droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique ; s’ils étaient arrêtés pour avoir organisé une réunion pacifique après en avoir informé les autorités, Amnesty International les considèrerait comme des prisonniers d’opinion.

« Les autorités moldaves ont obligation de protéger le droit à la liberté d’expression et de réunion, a déclaré Nicola Duckworth, directrice du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

« Elles doivent distinguer entre ceux qui sont soupçonnés d’avoir commis des actes passibles du pénal et ceux qui ont exercé leur droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique. »

Le 6 avril, un groupe de militants de la société civile – composé d’Elena Zgardan, Natalia Morari, Artur Gurãu, Ion Tãrnã, Ghenadie Brega et de plusieurs autres personnes – a informé les autorités de la tenue d’une manifestation de plusieurs centaines de personnes sur la place de la Grande assemblée nationale, autour du monument d’Étienne le Grand, près des bâtiments gouvernementaux, dans le centre de Chisinau. Leur intention était de célébrer une « journée de deuil » après la proclamation des résultats des élections législatives qui se sont déroulées en Moldavie le 5 avril. Ce rassemblement silencieux avait été annoncé sur des sites de réseaux sociaux, par SMS et par le bouche à oreille. Natalia Morar a déclaré à Amnesty International que les organisateurs n’attendaient pas plus de 300 jeunes et qu’ils avaient été surpris de voir plus de 10 000 personnes, parmi lesquelles les dirigeants de tous les principaux partis d’opposition. Les organisateurs du rassemblement ont demandé à tout le monde de partir à 20h00, mais les dirigeants politiques présents sur place ont continué à parler à la foule jusqu’à 20h30 avant de donner rendez-vous à tous le lendemain matin à 10h00. La foule s’est ensuite dispersée pacifiquement.

Le rendez-vous prévu du 7 avril a dégénéré en violences. Ce jour-là, le bureau du procureur général a publié un communiqué de presse annonçant que les organisateurs et participants de la « journée de deuil » avaient violé les dispositions de la loi relatives aux réunions en ne respectant pas l’ordre public, en faisant participer des mineurs, en encourageant l’ivresse et en endommageant des transports publics. Le communiqué de presse citait nommément Ghenadie Brega.

Amnesty International s’inquiète des informations qui lui sont parvenues concernant un recours excessif à la force par des policiers après les émeutes du 7 avril. Valentina Cusir, députée indépendante, se trouvait près de la rue principale de Chisinau vers minuit le 7 avril. Elle a déclaré à Amnesty International avoir vu des policiers frapper cinq jeunes gens qui avaient tenté de renverser un kiosque. Elle a décrit la façon dont plusieurs policiers donnaient des coups de pied dans un homme « comme s’ils jouaient au football ». Elle a été témoin de plusieurs passages à tabac et vu que des policiers tiraient en l’air pour intimider les manifestants. Valentina Cusir a déclaré avoir été insultée par un policier qui a crié « Emmenez-la aussi, la pute ! ». Il l’avait empoignée par les bras et lorsqu’elle a résisté le policier l’a poussée à terre et l’a traînée pendant environ 200 mètres avant de la laisser partir. Elle souffre de contusions et de tuméfactions aux bras et au dos et peut-être d’une commotion cérébrale due à sa chute, lorsque sa tête a heurrté le trottoir.

Amnesty International comprend qu’il est de la responsabilité de la police de protéger les biens et de garantir l’ordre public. L’organisation exhorte cependant les autorités à enquêter de manière approfondie et indépendante sur les allégations de recours excessif à la force par des policiers. Les personnes détenues doivent également être promptement inculpées d’une infraction dûment reconnue par la loi ou remises en liberté et avoir la possibilité de consulter un avocat, voir un médecin et informer leurs familles de leur détention.

Complément d’information

Quinze mille personnes se sont rassemblées le 7 avril sur la Place de la Grande assemblée nationale et ont défilé de la place au palais présidentiel et au parlement. À midi, les violences ont commencé. Après un face à face pacifique entre policiers et manifestants sur les marches des deux bâtiments, la foule a commencé à forcer les lignes des policiers. Des délégués d’Amnesty International ont vu des objets jetés par la foule contre le palais présidentiel qui était gardé par la police anti-émeutes ; des bouteilles en verre et en plastique, des pierres, des œufs, des morceaux de bitume et de ciment ont notamment été lancés. Selon certaines allégations, les violences auraient été provoquées par des policiers en civil au sein de la foule. Bien qu’en nombre important, les policiers anti-émeutes se sont finalement retirés et les manifestants ont pris d’assaut les deux bâtiments. Des bureaux ont été saccagés, des incendies allumés, des meubles et des papiers jetés par les fenêtres. Les deux bâtiments sont restés en grande partie sans surveillance le reste de la journée.

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