Mongolie. Impunité et injustice ont fait suite aux émeutes meurtrières de juillet

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI
 vendredi 18 décembre 2009

Le gouvernement de la Mongolie n’a pas réagi de manière efficace aux atteintes aux droits humains perpétrées pendant et après l’émeute de juillet 2008 sur la Place Sukhbaatar à Ulaantar, écrit Amnesty International dans un rapport qu’elle rend public ce vendredi 18 décembre, en déplorant que ces événements n’aient débouché que sur de l’impunité et de l’injustice.

Le rapport d’Amnesty International décrit comment pendant la période des émeutes des centaines de personnes ont été conduites dans des centres de détention de la police où elles sont restées jusqu’à 72 heures dans des cellules surpeuplées, sans eau ni nourriture. Des personnes ont été frappées en détention et pendant les interrogatoires par des policiers qui voulaient leur extraire des aveux.

Plus de 700 personnes soupçonnées d’infractions commises pendant les émeutes ont été arrêtées et il y a eu au moins une centaine d’arrestations supplémentaires au cours des semaines qui ont suivi.

Un an après les événements, l’étendue des enquêtes réalisées est plutôt limitée. Aucun compte n’a été tenu des allégations d’actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements en détention ni de celles faisant état d’une utilisation excessive et inutile de la force par les policiers.

« Les enquêtes sur les allégations de violations des droits humains ont été retardées, ignorées ou bâclées, a déclaré Roseann Rife, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International. Un an après les émeutes, les autorités n’ont demandé de comptes à personne pour les violations des droits humains commises et aucune victime n’a obtenu justice. »

Les poursuites engagées contre dix policiers et quatre responsables des forces de l’ordre soupçonnés d’avoir utilisé des balles réelles pendant l’émeute, ou d’avoir autorisé une telle utilisation, ont été retardées par les accusés et leurs avocats pendant plus de sept mois et n’ont repris qu’au début du mois de novembre 2009. Le dossier est en cours de lecture par les proches des victimes et leurs avocats.

« Le gouvernement de la Mongolie n’a pas enquêté sérieusement sur les allégations selon lesquelles des personnes détenues après les troubles auraient été soumises à des tortures et à d’autres mauvais traitements, et il n’a pas ouvert non plus d’enquête sur les personnes soupçonnées d’avoir utilisé, ou donner l’ordre d’utiliser, des balles réelles », a déclaré Roseann Rife.

La Mongolie n’a pas respecté les obligations internationales selon lesquelles elle est tenue de prendre des mesures législatives, judiciaires, administratives et autres pour empêcher que des violations des droits humains ne soient commises, déférer à la justice les personnes soupçonnées d’être responsables de ces agissements et veiller à ce que les victimes bénéficient de réparations conformes aux normes internationales.
Le secret entourant les opérations de la police et des autres services responsables de l’application des lois nuit à la réputation de ces instances en suscitant peur et défiance. De tels sentiments perdureront tant que les autorités ne prendront pas des mesures concrètes pour que des enquêtes indépendantes aient lieu, pour que les personnes soupçonnées d’infractions impliquant des violations des droits humains fassent l’objet de poursuites en justice et pour que des réformes soient menées afin d’éviter que de tels événements ne se reproduisent.


Complément d’information

Amnesty International appelle le gouvernement de la Mongolie à :

 veiller à ce que l’unité du Bureau du procureur général chargée des enquêtes bénéficie des ressources et du soutien nécessaires pour être en mesure de soumettre rapidement des agents de l’État à des enquêtes indépendantes, impartiales et exhaustives sur toute allégation d’infraction incluant des violations des droits humains ; le gouvernement doit également faire le nécessaire pour que les parties concernées par l’enquête ne puissent pas retarder de manière déraisonnable une procédure en cours et empêcher de ce fait que des affaires ne soient jugées ;

 veiller à ce que toute plainte ou information relative à des violations des droits humains fasse rapidement l’objet d’une enquête indépendante, impartiale et exhaustive et que des poursuites soient engagées contre toutes les personnes soupçonnées d’infractions ayant un lien avec ces violations. Les investigations devraient être menées par du personnel compétent, impartial et indépendant des personnes incriminées et des services dont celles-ci dépendent ;

 passer en revue les règlements, les lignes de conduite et les programmes de formation pour faire en sorte que le mode de fonctionnement de la police – en particulier l’utilisation de la force – lors de manifestations respecte les normes internationales relatives aux droits humains et en particulier le Code de conduite des Nations unies pour les responsables de l’application des lois et les Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois ;

 mettre en place des mécanismes qui permettent de recevoir les plaintes et de tenir informées les personnes concernées sur la progression des dossiers, et de faire en sorte que les personnes souhaitant porter plainte contre des responsables de l’application des lois puissent le faire sans en être empêchées d’une façon ou d’une autre. Les plaignants dont la plainte est jugée irrecevable devraient être informés par écrit et de manière claire et détaillée des raisons de cette décision ainsi que des moyens de faire appel ou de mettre en œuvre tout autre recours ;

 faire en sorte que les victimes d’infractions commises par des membres des forces de l’ordre aient des moyens d’obtenir réparation – sous forme d’indemnisation, de restitution, de réadaptation – assortis de garanties de non-répétition, conformément à ce que prévoient les normes internationales dans ce domaine.

Le 1er juillet 2008, des milliers de personnes ont participé à un mouvement de protestation sur la Place Sukhbaatar alors que des allégations faisaient état d’une fraude électorale massive. La manifestation était inattendue et les violences auxquelles elle a donné lieu également. Au moins neuf personnes ont été touchées par balle par la police, quatre en sont mortes et une cinquième personne est décédée intoxiquée par des fumées.
Le gouvernement a décrété l’état d’urgence pendant quatre jours à partir du 2 juillet 2008. C’était la première fois qu’une telle mesure était prise depuis la transition vers un système de gouvernement démocratique en 1990.

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