Communiqué de presse

Monténégro. Pas de justice pour les disparus

Amnesty International est très préoccupée car un tribunal monténégrin n’a pas pu statuer correctement, la semaine dernière, sur la culpabilité ou l’innocence d’anciens policiers et représentants gouvernementaux accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité envers des réfugiés bosniaques (on appelle « Bosniaques » les Musulmans bosniens) ayant fui le conflit en Bosnie-Herzégovine.

Le tribunal n’a pas considéré que le conflit en Bosnie-Herzégovine était de nature internationale. Il n’a pas non plus admis que les crimes commis, s’ils étaient avérés, devaient être qualifiés de crimes contre l’humanité.

Le 21 novembre, pour la deuxième fois et malgré une révision des chefs d’accusation, une juridiction supérieure de Podgorica (Monténégro) n’a pas été en mesure de déterminer si neuf anciens représentants gouvernementaux et membres de la police, accusés de crimes de guerre pour avoir « déporté » plus de 80 Bosniaques entrés au Monténégro en 1992 pour chercher une protection contre les forces bosno-serbes, étaient ou non coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

Au lieu d’accorder cette protection aux réfugiés, la police monténégrine les a arrêtés et remis aux forces bosno-serbes.

Tous ces réfugiés ont été tués, ou presque. On ignore tout du sort et de la situation de 35 d’entre eux. Neuf personnes ont été envoyées dans un camp de détention à Fo ?a et ont survécu, mais 21 autres auraient été tuées dans ce camp. Les dépouilles de six autres personnes ont été exhumées et identifiées à Sremska Mitrovica et à Miljevina.

Les accusés ont été inculpés de l’arrestation illégale et de la « déportation » de ces réfugiés. Pour le tribunal, ces actes constituaient des crimes de guerre, et non des crimes contre l’humanité.

Bien que le tribunal monténégrin ait décidé que les accusés avaient arrêté illégalement des civils bosniaques, le juge présidant le tribunal a acquitté les accusés de crimes de guerre du fait qu’ils ne participaient pas au conflit en Bosnie-Herzégovine et n’étaient alliés à aucune des parties au conflit. Le tribunal a considéré à tort que ce conflit n’était pas de nature internationale, malgré une décision contraire de la cour d’appel rendue à la suite du premier jugement. Le tribunal a également décidé que les Bosniaques n’étaient pas des réfugiés.

Les proches de ces personnes ont maintenant le droit de faire appel de ces décisions.

Complément d’information

En mars 2011, neuf anciens policiers et représentants du gouvernement ont été acquittés alors qu’ils étaient accusés de crimes de guerre contre des civils. La raison de cet acquittement était qu’il n’y avait pas de conflit armé au Monténégro en 1992. Les neuf hommes étaient accusés de la
« déportation » de 83 civils bosniaques en 1992. Amnesty International a estimé que les charges retenues lors du premier procès reposaient sur une erreur de qualification du conflit armé en Bosnie-Herzégovine (qualifié de non international alors que sa dimension était effectivement internationale). De ce fait, l’accusation n’a pas pu invoquer la notion de crimes commis dans le contexte d’un conflit armé international.

L’accusation et les avocats représentant les mères de deux victimes ont fait appel du premier acquittement. Le 17 février 2012, la cour d’appel du Monténégro a estimé que l’affaire des « déportations » devait être rejugée, car le conflit armé en Bosnie-Herzégovine était de nature internationale. Dans sa jurisprudence, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie avait par ailleurs établi clairement que le conflit de 1992 était de nature internationale, de même que les tribunaux des pays constituant l’ex-Yougoslavie.

Le procureur n’a pas reconnu que la « déportation » des réfugiés constituait un crime contre l’humanité. Il s’agit donc d’une autre erreur juridique. Les recherches menées par Amnesty International ont en effet démontré que ces « déportations » ont été commises dans le cadre d’une attaque systématique contre les réfugiés bosniaques.

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