Mozambique, Il faut ouvrir une enquête sur l’attaque contre le journal Canal

Mozambique bureaux Canal

Les attaques persistantes contre les journalistes au Mozambique ont pris une nouvelle tournure effrayante le 23 août avec l’incendie criminel d’un journal.

Le 23 août, un groupe de personnes non identifiées se sont introduites par effraction dans les locaux du journal hebdomadaire Canal de Moçambique, y ont déversé du carburant et y ont mis le feu en utilisant un cocktail Molotov, détruisant une grande partie des équipements, des meubles et des dossiers.

Cette attaque est intervenue quatre jours après la publication par ce journal d’une enquête sur les pratiques contraires à l’éthique présumées de personnes liées à la politique et de hauts responsables du ministère des Ressources minérales et de l’Énergie.

« L’attaque contre les locaux de Canal représente un tournant en ce qui concerne l’escalade de la répression contre les droits humains au Mozambique. Il s’agit d’une terrible attaque contre la liberté de la presse, et de la manifestation la plus extrême à ce jour des dangers croissants auxquels sont confrontés les journalistes au Mozambique. »

Canal avait également publié, le 11 mars 2020, un article intitulé « Le commerce de la guerre à Cabo Delgado », faisant état de l’existence présumée d’un contrat illégal secret entre le ministère de la Défense, le ministère de l’Intérieur et des entreprises exploitant le gaz naturel dans la province mozambicaine de Cabo Delgado. Selon cet article, les deux ministères ont fourni des services à ces entreprises, mais le paiement de ces services a été déposé sur le compte personnel du ministre de la Défense de l’époque, Atanásio Salvador Ntumuke, au lieu d’être remis au ministère de la Défense.

« L’attaque contre les locaux de Canal représente un tournant en ce qui concerne l’escalade de la répression contre les droits humains au Mozambique. Il s’agit d’une terrible attaque contre la liberté de la presse, et de la manifestation la plus extrême à ce jour des dangers croissants auxquels sont confrontés les journalistes au Mozambique, a déclaré Deprose Muchena, directeur du programme Afrique de l’Est et Afrique australe à Amnesty International.

« Les autorités doivent diligenter sans délai une enquête indépendante, impartiale et transparente sur cette attaque, et déférer les responsables présumés à la justice.

Dénonciation de la corruption

Le nouveau rapport d’Amnesty International, intitulé Media freedom in ashes : Repression of freedom of expression in Mozambique [1], expose des informations sur plusieurs cas récents de journalistes qui ont été arrêtés pour des motifs politiques, et sur des cas des journalistes harcelés et victimes de graves attaques. Un grand nombre des cas présentés dans le rapport concernent des journalistes et des chroniqueurs qui ont été attaqués à la suite de la publication d’articles ou de commentaires portant sur la corruption et le détournement de fonds publics.

Le directeur de Canal de Moçambique, Fernando Veloso, et son rédacteur en chef, Matias Guente, ont été inculpés le 18 juin 2020 de « violation du secret d’État » et de « conspiration contre l’État » en raison de l’article du 11 mars intitulé « Le commerce de la guerre à Cabo Delgado ».

Le jour de l’incendie criminel des locaux de Canal, le journaliste d’investigation Armando Nenane a été arrêté parce qu’il n’aurait pas respecté la règlementation relative au COVID-19. Son arrestation a eu lieu à la suite de la publication d’un article, sur le site d’actualités Moz24h.co.mz, dans lequel il expliquait avoir déposé de l’argent sur le compte bancaire personnel de l’ancien ministre de la Défense afin de vérifier les informations publiées par le journal Canal le 11 mars.

Cet article a déclenché contre lui un mouvement de fureur sur les réseaux sociaux, et certains sympathisants du parti au pouvoir ont demandé qu’il soit poursuivi en justice pour « violation du secret d’État ». Armando Nenane a été maintenu en détention pendant 25 heures au 9e commissariat de police de Maputo à la suite de son arrestation, le 23 août.

Le 25 juin 2020, la police a également arrêté et placé en détention le journaliste de Carta de Mocambique Omardine Omar. Omardine Omar enquêtait sur des allégations selon lesquelles la police demandait des dessous-de-table aux personnes accusées d’avoir violé la règlementation sur l’état d’urgence liée au COVID-19.

Selon des témoins, la police a attaqué Omardine Omar au 7e commissariat d’Alto Maé et a tenté de le forcer à signer une déclaration dans laquelle il s’incriminait lui-même. Il a été remis en liberté sur ordre du parquet le 28 juin. Cependant, le 30 juin, le tribunal de Ka Mpfumo à Maputo l’a condamné à 15 jours d’emprisonnement ou à une amende d’un montant équivalant à 200 dollars des États-Unis pour « désobéissance civile ».

« Il est affligeant de constater qu’Omardine Omar a été condamné dans une affaire qui relève manifestement d’une injustice vindicative. Nous ne le répéterons jamais assez : le journalisme n’est pas un crime », a déclaré Deprose Muchena.

Une succession d’attaques

Des journalistes, des chercheurs, des universitaires et d’autres personnes encore ayant critiqué le gouvernement mozambicain ont fait l’objet de manœuvres de harcèlement et d’intimidation, d’enlèvements et été soumis à la torture au cours des dernières années.

Le 7 avril 2020, Ibraimo Mbaruco, présentateur et journaliste pour une radio locale dans le district de Palma de la province de Cabo Delgado, a été soumis par l’armée à une disparition forcée. Le 5 janvier 2019, Amade Abubacar et Germano Adriano, deux autres journalistes d’une radio locale du district de Macomia dans la province de Cabo Delgado, ont été enlevés par la police alors qu’ils interviewaient des personnes déplacées à l’intérieur du pays.

Le 27 mars 2018, Ericino de Salema, avocat et journaliste, a été enlevé par des hommes armés non identifiés qui l’ont très violemment frappé, lui cassant les jambes et les bras, après qu’il eut exprimé à la télévision des critiques au sujet du gouvernement.

Le 23 mai 2016, Jaime Macuane, professeur de science politique et d’administration publique à l’université Eduardo Mondlane, a été enlevé et emmené dans un endroit isolé dans les environs de Maputo, où il a été très violemment frappé, subissant des fractures aux bras et aux jambes, après qu’il eu critiqué le gouvernement à la télévision.

Le 2 mars 2015, Gilles Cistac, avocat constitutionnaliste et enseignant à l’université Eduardo Mondlane, a été tué par balle en plein jour à Maputo, après qu’il eut publiquement exprimé ses opinions au sujet de la Constitution de la République du Mozambique.

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