Mozambique, six policiers condamnés pour avoir tiré sur des protestataires

  • Ces condamnations ont été prononcées à la suite de coups de feu tirés près du Parc national de Banhine en 2020
  • Les victimes sont en droit d’obtenir des réparations à la mesure de la gravité des crimes commis

Amnesty International et le Centre pour la démocratie et les droits humains (CDD) du Mozambique ont salué la condamnation de six policiers déclarés coupables par le tribunal de district de Mabalane d’avoir tiré sur six personnes près du Parc national de Banhine le 3 novembre 2020.

En 2021, Amnesty International a demandé une enquête approfondie sur cette fusillade, et cela a conduit le gouvernement à engager des poursuites judiciaires qui ont abouti à cette récente condamnation [1]. Le tribunal a conclu – sur la base d’aveux, de rapports d’experts et de tests balistiques – que les coups de feu tirés par les policiers étaient disproportionnés et inappropriés, constituant une violation des droits humains.

« Ce verdict représente une étape importante dans la quête de justice pour les victimes de ces événements tragiques »

Cependant, Amnesty International et le CDD sont préoccupés par le fait que les réparations prévues par le tribunal pour les victimes ne sont pas à la hauteur de la gravité des crimes commis. Au lieu de peines d’emprisonnement, le tribunal a ordonné que chaque policier verse une amende de 16 500 meticals mozambicains (environ 200 livres sterling) aux victimes. Cette amende symbolique est inquiétante, car le tribunal risque, en ne réagissant pas de manière adéquate face à la gravité des violations, d’envoyer un message d’impunité.

« Ce verdict représente une étape importante dans la quête de justice pour les victimes de ces événements tragiques, a déclaré Khanyo Farisè, directrice régionale adjointe de la recherche pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International.

« Cependant, si la décision du tribunal représente un pas en avant vers la justice pour les victimes, l’indemnisation octroyée à ces dernières ne correspond pas aux souffrances qu’elles ont endurées.

« L’utilisation d’armes de guerre, telles que des AK-47, à des fins de contrôle des foules est inacceptable et constitue une violation flagrante des droits humains »

« Les réparations doivent toujours être adéquates, efficaces, rapides et proportionnées à la gravité des violations et du préjudice subis. Nous sommes solidaires des victimes qui ont fait appel, et nous exhortons le tribunal à réexaminer les réparations afin de s’assurer qu’elles sont conformes aux normes internationales relatives aux droits humains. »

Adriano Nuvunga, directeur du Centre pour la démocratie et les droits humains du Mozambique, a déclaré : « L’utilisation d’armes de guerre, telles que des AK-47, à des fins de contrôle des foules est inacceptable et constitue une violation flagrante des droits humains. Bien que le verdict de culpabilité constitue une avancée positive, nous craignons que la peine de trois mois d’emprisonnement avec sursis et les amendes ne respectent pas suffisamment les exigences de reddition de comptes et de justice pour les victimes.

« L’impunité dans les cas de violences policières doit être activement contestée et les autorités doivent être amenées à rendre totalement compte de leurs agissements. Il est essentiel que les autorités mozambicaines prennent des mesures énergiques pour prévenir de tels faits à l’avenir et qu’elles s’engagent fermement en faveur des droits humains et de la dignité de toutes les personnes. »

Le 18 juillet 2024, le tribunal de district de Mabalane, dans la province de Gaza, a condamné six agents de l’Unité d’intervention spéciale, liée au commandement provincial de la police de la République du Mozambique (PRM) à Gaza, à une peine de trois mois d’emprisonnement et à une amende. Les fonctionnaires concernés – Paulo Dimétrio, Celso Matusse, Jaime Maússe, Afonso Xavier, Jaime Simbine et Moisês Maricoa, tous membres de la 13e brigade de la PMR – ont été déclarés coupables de lésions corporelles involontaires. La décision du tribunal souligne clairement que l’utilisation de fusils AK-47 n’est pas justifiée dans les situations de contrôle des foules, affirmant que « ceux qui tirent avec ce type d’arme le font dans le but de tuer ».

Complément d’information

Le 3 novembre 2020, des gardes forestiers du parc national, agissant avec le soutien de l’unité d’intervention spéciale de la police dans la ville de Xai Xai, ont mené une opération contre ce qui a été décrit comme des activités de production illégale de charbon de bois dans le Parc national de Banhine et à proximité, dans la province de Gaza.

Au cours de cette opération, les gardes forestiers et les policiers ont brûlé des fours à charbon de bois et arrêté plus de 20 personnes. Lorsque les villageois ont eu connaissance de cette opération, ils ont décidé d’aller parler immédiatement aux gardes forestiers. Pour arrêter les véhicules des gardes forestiers et de la police, ils ont bloqué la route menant au parc avec de gros rondins. D’après les personnes interrogées, lorsque les gardes forestiers et les policiers ont arrêté leurs véhicules, quatre hommes de la communauté se sont dirigés vers eux, les mains vides et tenues en l’air. Selon ces personnes, des gardes forestiers et des policiers ont alors ouvert le feu soudainement, touchant six hommes.

À la suite de ces tirs, Amnesty International a interrogé 26 personnes, dont des victimes et des témoins, des représentants des habitants et du gouvernement, ainsi que des personnes participant à la gestion du Parc national de Banhine. Amnesty International a également examiné des documents officiels publiés par le gouvernement mozambicain et d’autres organisations, des rapports d’hôpitaux locaux et des articles de médias, ainsi que des publications universitaires, et elle a appelé à l’ouverture d’une enquête exhaustive.

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