Multiplication des homicides illégaux dans les territoires palestiniens occupés

Les forces israéliennes ont perpétré une série d’homicides illégaux de Palestiniens en recourant à une force meurtrière sans justification, a déclaré Amnesty International mardi 27 octobre, s’appuyant sur les résultats livrés par une mission de recherche en cours en Cisjordanie, notamment à Jérusalem-Est.

L’organisation a recueilli de nombreuses informations sur au moins quatre affaires lors desquelles les forces israéliennes ont délibérément abattu des Palestiniens qui ne représentaient aucune menace imminente pour la vie d’autres personnes, dans ce qui semble avoir constitué des exécutions extrajudiciaires. Dans certains cas, la personne abattue s’est vidée de son sang alors qu’elle gisait à terre, et n’a pas bénéficié d’une assistance médicale dans les meilleurs délais, ce qui est contraire à la prohibition de la torture et des autres formes de mauvais traitements. Depuis le 1er octobre, les forces israéliennes ont tué plus de 30 Palestiniens en Cisjordanie occupée et en Israël, soit à la suite d’une agression à l’arme blanche ou parce que les autorités israéliennes affirment qu’une attaque de ce type allait se produire.

« Les forces israéliennes font de plus en plus souvent recours illégalement à la force meurtrière, après une vague de récentes agressions à l’arme blanche par des Palestiniens contre des civils, des soldats ou des policiers israéliens en Israël et en Cisjordanie occupée  », a déclaré Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

« De nombreux éléments attestent qu’à mesure que les tensions se sont exacerbées, les forces israéliennes ont dans certains cas semblé avoir jeté le règlement aux orties et recouru à des mesures extrêmes et illégales. Elles paraissent de plus en plus enclines à employer une force meurtrière contre quiconque est perçu comme une menace, sans s’assurer que cette menace soit réelle.

« La force meurtrière ne doit être utilisée intentionnellement que si cela est absolument inévitable pour protéger la vie. Nous voyons pourtant de plus en plus les forces israéliennes bafouer les normes internationales en tirant pour tuer dans des situations où cela est injustifié. Les forces israéliennes doivent mettre fin à ces pratiques illégales et traduire en justice les responsables présumés. »

Lundi 26 octobre, les forces israéliennes ont abattu Saad Muhammad Youssef al Atrash, 19 ans, dans la vieille ville d’Hébron alors qu’il essayait de récupérer sa carte d’identité à la demande d’un soldat israélien. La police israélienne a qualifié les faits de tentative d’agression à l’arme blanche, mais une femme ayant été témoin des faits depuis son balcon a déclaré qu’il ne représentait aucun danger lorsqu’il a été abattu. Elle a expliqué qu’un des soldats avait demandé à voir les papiers du jeune homme, et qu’alors que celui-ci mettait la main dans sa poche pour en extraire sa carte, un autre soldat debout derrière lui a fait feu, l’atteignant au côté droit. Le témoin a déclaré que Saad Muhammad Youssef al Atrash a reçu six ou sept balles et a abondamment saigné pendant une quarantaine de minutes alors qu’il était à terre, et que les soldats ne lui ont apporté aucun soin. Elle a ajouté avoir vu les soldats amener un couteau et le placer dans la main du jeune homme tandis qu’il agonisait.

« Puis ils l’ont allongé sur une civière et l’ont poussé vers une ambulance mais ne l’ont pas monté à bord de celle-ci. À ce stade, il avait le teint très cireux et je pensais qu’il était mort. Ils l’ont laissé devant l’ambulance pendant 20 minutes supplémentaires avant de l’y mettre et de l’emmener », a déclaré le témoin.

Dimanche 25 octobre, non loin du lieu où Saad Muhammad Youssef al Atrash a été tué, la police israélienne des frontières a abattu Dania Jihad Hussein Ershied, 17 ans. Peu avant qu’elle ne soit tuée, elle était passée par un poste de contrôle équipé d’un détecteur de métaux et de deux portillons, entre lesquels les forces israéliennes enferment fréquemment les personnes qu’elles considèrent suspectes. À un autre poste de contrôle devant la mosquée Ibrahimi d’Hébron, elle a été appelée pour une seconde inspection par plus de cinq officiers, qui se sont mis à fouiller son sac et à lui crier de montrer son couteau.

Des coups de semonce ont été tirés à ses pieds, ce qui l’a amenée à reculer et lever les bras en l’air. Elle hurlait aux policiers qu’elle n’avait pas de couteau, et avait encore les bras levés lorsque la police a de nouveau ouvert le feu, tirant six ou sept fois sur elle.

Une photo de Dania Jihad Hussein Ershied montre un couteau par terre près de son corps, et un porte-parole de la police israélienne a affirmé qu’elle avait tenté de poignarder un membre de la police des frontières. Cependant, même si Dania Jihad Hussein Ershied avait un couteau en sa possession, les témoignages recueillis indiquent qu’elle ne représentait pas une menace pour les policiers israéliens lorsqu’elle a été abattue, et que son homicide était donc injustifié.

Amnesty International a recueilli des informations sur d’autres cas récents où les forces israéliennes ont recouru à une force meurtrière injustifiée en ouvrant le feu, dans ce qui pourrait constituer des exécutions extrajudiciaires.

Le 4 octobre, Fadi Alloun, 19 ans, d’Issawiyya à Jérusalem-Est, a été tué par balle par des policiers israéliens près de la vieille ville de Jérusalem, dans une autre exécution extrajudiciaire présumée. La police israélienne a déclaré qu’il avait un couteau dans la main lorsqu’il a été abattu, après avoir poignardé un Israélien de 16 ans qui a été légèrement blessé. Mais une vidéo le montre poursuivi par un groupe de civils israéliens avant que des policiers n’arrivent sur place et ne lui tirent dessus, postés à quelques mètres de lui, sans essayer de l’arrêter.

Hadeel al Hashlamoun a été abattue le 22 septembre à hauteur d’un poste de contrôle d’Hébron. Les forces israéliennes ont déclaré qu’elle essayait de poignarder un soldat lorsqu’elles ont fait feu sur elle à plusieurs reprises, mais deux témoins ont contredit cette version des faits. Amnesty International a précédemment estimé que les éléments recueillis indiquent qu’il s’agissait d’une exécution extrajudiciaire.

« Des soldats, des policiers et des civils israéliens ont réellement fait l’objet d’attaques et vu leur vie menacée ces dernières semaines. Mais des soldats lourdement armés et des policiers portant un gilet pare-balles se trouvant face à une possible agression à l’arme blanche ont le devoir d’utiliser une force proportionnée et graduelle pour arrêter les suspects avant de recourir à la force meurtrière », a déclaré Philip Luther.

« Malheureusement, les systèmes d’enquête en Israël favorisent depuis longtemps l’impunité dans les cas d’homicides illégaux de Palestiniens imputés aux forces israéliennes de sécurité. Si nous exhortons les autorités israéliennes à mener des enquêtes indépendantes et impartiales sur toutes ces affaires, les homicides intentionnels de Palestiniens dans les territoires palestiniens occupés sont de graves atteintes à la quatrième Convention de Genève, en vertu de laquelle tous les États parties peuvent exercer leur compétence universelle. »

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