« Aung San Suu Kyi a tenté de minimiser la gravité des crimes commis contre la population rohingya. Elle est s’est même abstenue de les nommer ou de reconnaître l’ampleur des violences commises. Ces dénégations sont délibérées, décevantes et dangereuses, a déclaré Nicholas Bequelin, directeur régional à Amnesty International.
« L’exode de plus de 750 000 personnes chassées de leurs habitations et du pays n’est rien d’autre que le résultat d’une campagne orchestrée de meurtres, de viols et de terreur. Laisser entendre que l’armée “n’a pas pu faire clairement la distinction entre les combattants et les civils” défie l’entendement. De même, il serait illusoire de croire que les autorités du Myanmar peuvent aujourd’hui enquêter en toute indépendance et poursuivre les personnes soupçonnées de crimes relevant du droit international, en particulier quand ces personnes sont des militaires haut gradés, qui bénéficient d’une impunité totale depuis des décennies.
« Si Aung San Suu Kyi cristallise aujourd’hui l’attention, n’oublions pas que cette affaire est avant tout une question de justice pour la population rohingya, notamment pour les 600 000 personnes qui se trouvent toujours dans l’État d’Arakan, où elles risquent d’être la cible de nouveaux crimes et ont besoin d’une protection de toute urgence. Sans oublier les centaines de milliers de réfugié·e·s qui ne peuvent pas retourner au Myanmar – car malgré les affirmations d’Aung San Suu Kyi le 11 décembre, la situation est loin d’être suffisamment sûre pour permettre un tel retour.
« La Cour et la communauté internationale doivent passer rapidement à la question de la protection des Rohingyas et de la prévention de nouvelles atrocités. Cela implique notamment d’ordonner au Myanmar de lever les restrictions discriminatoires, de garantir l’accès à l’aide humanitaire et de coopérer pleinement à toute enquête internationale. »
Complément d’information
Aung San Suu Kyi, conseillère d’État du Myanmar et cheffe de facto de l’État, dirige la délégation de son pays à la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye (Pays-Bas), où elle doit répondre d’une accusation de violation par le Myanmar de ses obligations aux termes de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide. La CIJ a été saisie par la Gambie le 11 novembre 2019.
Le 11 décembre, le Myanmar répondait pour la première fois aux accusations de la Gambie devant la Cour. La Gambie a demandé à la CIJ d’ordonner au Myanmar de prendre des mesures conservatoires pour protéger les droits des Rohingyas et empêcher tous les actes susceptibles de s’apparenter ou de contribuer au crime de génocide contre cette population, en attendant les audiences officielles dans cette affaire.
L’enquête menée par Amnesty International a identifié 13 hauts responsables, dont le maréchal Min Aung Hlaing, chef d’état-major des armées, qui mériteraient de faire l’objet d’une enquête et d’être poursuivis en justice pour des crimes contre les Rohingyas.