Communiqué de presse

Myanmar. La commission sur les prisonniers ne doit pas se résumer à un rideau de fumée

La commission reformée par le gouvernement du Myanmar pour s’occuper des « affaires relatives aux prisonniers d’opinion » doit traiter les dossiers en attente, être globale, indépendante et transparente, et s’attaquer au nombre croissant d’arrestations à caractère politique, ont écrit Amnesty International et Human Rights Watch vendredi 6 février dans une lettre ouverte adressée au nouveau président de la commission.

Désignés en janvier 2015, les 28 membres de la commission chargée de réexaminer les dossiers des prisonniers d’opinion remplacent les 19 membres de la précédente commission formée il y a deux ans, le 7 février 2013, par décret présidentiel. Le nouveau président de la commission, le général Kyaw Kyaw Tun, est ministre adjoint de l’Intérieur ; son ministère est placé sous le commandement de l’armée du Myanmar et englobe les forces de police, la Section spéciale et le Département de l’administration pénitentiaire. L’ONG Association d’aide aux prisonniers politiques de Birmanie (AAPPB) a été exclue de la nouvelle commission, selon toute vraisemblance parce que Bo Gyi, son cofondateur, a par le passé critiqué les lacunes de cette instance.

En 2014, la commission ne s’est réunie qu’à trois reprises, ce qui faisait craindre qu’elle ne cesse de fonctionner dès que l’attention nationale et internationale se détournerait de la question.

« Il faut tout faire pour éviter que la nouvelle commission ne devienne une commission sans pouvoir, mise sur pied dans le but de détourner les critiques et de créer un rideau de fumée. Les enjeux sont trop importants : les élections générales sont prévues dans quelques mois, et la répression orchestrée par le gouvernement contre les militants pacifiques s’intensifie »
, a déclaré Richard Bennett, directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

« Le gouvernement du Myanmar affirme qu’il n’y a plus de prisonniers d’opinion dans ses geôles, mais c’est faux. Cette commission pourrait amorcer de véritables changements, si elle dispose d’un mandat fort et des ressources nécessaires, et fonctionne de manière indépendante. »

Amnesty International et Human Rights Watch sont préoccupées depuis longtemps par le fait que les autorités se servent fréquemment de lois, anciennes et nouvelles, pour arrêter et incarcérer des militants pacifiques et des défenseurs des droits humains. Il s’agit notamment de certaines sections du Code pénal, de la Loi relative aux réunions et aux processions pacifiques, de la Législation d’exception de 1950 et de la Loi relative aux secrets d’État. Ces textes sont formulés dans des termes très vagues, ce qui peut se traduire à la fois par une application excessive et discriminatoire de la loi. Le Myanmar doit les aligner sur les normes internationales relatives aux droits humains, pour que des citoyens cessent d’être incarcérés parce qu’ils exercent sans violence leurs droits humains. En 2014, le nombre d’arrestations motivées par des considérations politiques et d’inculpations a nettement augmenté.

En outre, Amnesty International et Human Rights Watch déplorent les mesures de harcèlement prises par le gouvernement à l’encontre d’anciens prisonniers d’opinion, qui se voient imposer des restrictions au droit de circuler librement et dans l’accès à l’emploi et à l’éducation.

Elles demandent au nouveau président de la commission de réitérer son engagement à trouver une solution à la détention prolongée de tous les prisonniers d’opinion, de débattre de l’abrogation des lois biaisées qui contribuent aux arrestations arbitraires et aux inculpations iniques, et de veiller à ce que la commission englobe des représentants de groupes de soutien aux prisonniers, puisse se rendre librement dans les prisons et consulter les documents pénitentiaires, se réunisse régulièrement et s’engage à travailler dans la transparence.

« En excluant la principale association de soutien aux prisonniers politiques de la commission soi-disant réformée, le gouvernement montre qu’il ne se sent pas poussé à collaborer avec la société civile sur une question essentielle de droits humains », a déclaré Brad Adams, directeur d’Human Rights Watch pour l’Asie. « Le gouvernement de Thein Sein doit prêter l’oreille à ses détracteurs, et non les arrêter au motif qu’ils exercent leurs droits fondamentaux. »

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