Myanmar. La visite d’Hillary Clinton doit être appréciée à l’aune d’améliorations en termes de droits humains

La réussite de la visite de la secrétaire d’État américaine au Myanmar devra se mesurer à l’aune de la réponse immédiate des autorités concernant la mise en œuvre de réformes audacieuses et ambitieuses en matière de droits humains, a déclaré Amnesty International mardi 29 novembre.

Jeudi 1er décembre, Hillary Clinton entamera une visite de deux jours au Myanmar ; il s’agit de la visite de plus haut niveau d’un responsable américain depuis plus de 50 ans.

« La situation du Myanmar en termes de droits humains s’est légèrement améliorée sous certains aspects, mais s’est gravement détériorée par ailleurs, a indiqué Benjamin Zawacki, spécialiste du Myanmar au sein d’Amnesty International.

« La visite de la secrétaire d’État américaine représente clairement un défi à relever pour le gouvernement du Myanmar, qui doit prendre des mesures audacieuses et constructives, et notamment libérer une bonne fois pour toutes tous les prisonniers d’opinion encore derrière les barreaux et mettre fin aux atrocités dont sont victimes les civils issus de minorités ethniques.  »

Le Myanmar a relâché au moins 318 prisonniers politiques en 2011, mais plus d’un millier sont toujours incarcérés, dont de nombreux prisonniers d’opinion. Leur libération ne doit pas s’inscrire, selon les termes de plusieurs représentants du gouvernement, dans le cadre d’un « processus », mais doit s’avérer immédiate et inconditionnelle.

Dans plusieurs régions où vivent des minorités ethniques, notamment dans des zones des États kayin, kachin et chan où le conflit a repris ou s’est intensifié au cours de l’année écoulée, l’armée du Myanmar continue de bafouer les droits fondamentaux des populations civiles de manière généralisée et systématique.

« Hillary Clinton doit faire très clairement savoir aux autorités qu’elle n’attend rien de moins que la libération de tous les prisonniers politiques et la protection des civils issus de minorités ethniques  », a souligné Benjamin Zawacki.

Depuis longtemps, les États-Unis prônent la mise en place d’une commission d’enquête internationale sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité dont seraient victimes les civils issus de minorités ethniques. Aux termes de l’article 445 de la Constitution du Myanmar, les représentants du gouvernement responsables de violations des droits humains commises par le passé bénéficient de l’immunité de poursuites.

« Hillary Clinton doit réitérer la détermination des États-Unis à mettre sur pied une commission internationale pour faire respecter l’obligation de rendre des comptes au Myanmar, si les autorités ne mettent pas fin à des décennies d’impunité », a estimé Benjamin Zawacki.

Les précédents gouvernements du Myanmar se sont félicités des visites de gouvernements étrangers et d’organisations internationales, les présentant comme une preuve d’avancées en termes de droits humains ou de concessions aux préoccupations en la matière.

« Les États-Unis ne doivent pas laisser le Myanmar présenter abusivement la visite d’Hillary Clinton comme une récompense – et non comme un défi. Ils font un pari, dont le résultat dépend grandement de leur propre détermination à réclamer des progrès sur le plan des droits humains au Myanmar », a estimé Benjamin Zawacki.

Complément d’information sur les prisonniers politiques

Un débat a actuellement lieu sur le nombre de prisonniers politiques incarcérés au Myanmar et sur la définition des prisonniers politiques et des prisonniers d’opinion.

Ko Ko Hlaing, haut conseiller politique du président Thein Sein, aurait déclaré le 19 octobre qu’il restait « environ 600 » prisonniers d’opinion au Myanmar. Toutefois, dans une interview accordée au magazine Irrawaddy huit jours plus tard, il a reconnu qu’il ne disposait pas de « chiffres exacts ». Les différences sont grandes entre les chiffres du gouvernement et ceux avancés par des groupes de l’opposition à ce sujet.

Ko Ko Hlaing a également déclaré que ces écarts dépendaient sans doute « de la définition que l’on donne des prisonniers d’opinion et des prisonniers de droit commun. »

Le 21 novembre, le président du Myanmar Thein Sein a été cité dans Democratic Voice of Burma comme ayant récemment déclaré : « Beaucoup de gens sont en prison parce qu’ils ont violé la loi, donc en appliquant le terme [prisonnier d’opinion] à un seul groupe, nous nous montrerons injustes envers les autres. »

Amnesty International a déjà fait part de ses craintes quant au fait que de nombreux prisonniers politiques, dont certains sont membres de groupes armés d’opposition, risquent de relever de la catégorie des « criminels de droit commun » dans le cadre du système carcéral du pays.

L’organisation invite le gouvernement du Myanmar à préciser quels prisonniers il considère comme politiques, en convoquant une commission chargée de concilier les écarts en termes de chiffres et de définitions. Afin de garantir que tous les prisonniers politiques soient identifiés, les autorités du Myanmar doivent convier la Ligue nationale pour la démocratie (NLD) à intégrer cette commission, et demander et recevoir l’aide des Nations unies.

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