NATIONS UNIES : Exposé d’Amnesty International concernant les armes de petit calibre et les armes légères

Index AI : IOR 40/022/02

54e session de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme.
Point 6 de l’ordre du jour : Questions spécifiques se rapportant aux droits de l’homme

EXPOSÉ D’AMNESTY INTERNATIONAL
donné par Melinda Ching le 15 août 2002

Amnesty International se félicite du document de travail de Barbara Frey (E/CN.4/Sub.2/2002/39) dans lequel elle procède à l’examen préliminaire des violations des droits humains et du droit international humanitaire liées à la disponibilité et à l’utilisation abusive des armes de petit calibre et des armes légères. L’organisation accueille favorablement également l’adoption par la sous-commission de la résolution " La prévention des violations des droits de l’homme imputables à la disponibilité et à l’utilisation abusive d’armes légères " (E/CN.4/Sub.2/2002/L23).

Des cas très variés d’atteintes graves aux droits humains recensés par Amnesty International impliquent l’utilisation abusive délibérée ou inconsidérée d’armes de petit calibre et d’armes légères. Au cours des dix dernières années, l’organisation a recueilli des informations sur de très nombreux cas impliquant directement l’utilisation de telles armes. Il s’agit d’homicides illégaux, arbitraires et extrajudiciaires et de blessures injustifiées mais aussi d’enlèvements, de prises d’otage, d’arrestations massives et arbitraires, de disparitions forcées, de recrutements par la force, d’actes de torture, de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de viols, d’esclavage sexuel, de déplacements forcés de populations et de dissolutions violentes de réunions pacifiques.

Les déficiences en matière de formation à l’utilisation des armes à feu et de gestion de ces armes, ainsi que l’absence de système efficace de responsabilisation des personnes chargées de l’application des lois et du personnel militaire ont conduit à ce que ces derniers violent fréquemment les normes internationales relatives aux droits humains et le droit international humanitaire. Par ailleurs, les groupes armés d’opposition et les groupes de criminels tirent prétexte de ces violations pour commettre des atrocités, provoquant un accroissement des violences liées à l’emploi d’armes à feu et la désintégration de l’État de droit.

Des études ont montré que la prolifération des armes de petit calibre et des armes légères dans de nombreux pays avait contribué à la généralisation de leur emploi abusif. Dans les pays où de graves atteintes aux droits humains ainsi que des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ont été commis, le fait que les auteurs de tels actes aient pu se procurer facilement des armes de petit calibre et des armes légères a été un facteur déterminant de la poursuite des actes de violence contre les civils, accroissant la désorganisation des services responsables de l’application des lois et alimentant le cycle de l’impunité. L’approvisionnement et la dissémination de ces armes se font par le biais de marchés internationaux incontrôlables et d’innombrables marchés locaux.

La conférence sur le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects réunie en juillet 2001 à l’initiative de l’Assemblée générale des Nations unies a débouché sur un Programme d’action qui contient de nombreuses dispositions très utiles pour faire face à ce problème. Cependant, il manque aux mesures proposées un cadre normatif fondé sur le droit international existant. L’Assemblée générale avait convenu précédemment que l’expression " commerce illicite " faisait référence au commerce contraire au droit international ou au droit des pays concernés. Or, avant l’adoption du Plan d’action, quelques délégations officielles influentes ont obtenu que soit retirée de ce dernier toute référence à l’" usage abusif d’armes légères ". L’un des aspects les plus importants de l’illégalité – c’est à dire l’utilisation d’armes de petit calibre et d’armes légères en violation de la législation internationale relative aux droits humains et du droit international humanitaire – a ainsi été exclu des débats de la conférence et du Programme d’action des Nations unies dans ce domaine.

Amnesty International exhorte les gouvernements à adopter et appliquer les lois et règlements interdisant les transferts d’armes s’il ne peut pas être raisonnablement démontré que ces armes ne seront pas utilisées pour commettre de graves violations des droits humains, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre. Des mesures concrètes de contrôle et de surveillance de l’offre et de la demande pour de telles armes sont nécessaires pour mettre ceci en pratique. Après avoir discuté de ce problème avec de nombreux gouvernements, Amnesty International a dressé la liste des mesures suivantes qui sont, selon elle, indispensables pour assurer un contrôle réel du commerce des armes de petit calibre et des armes légères :

La transparence
Tout transfert d’armes de petit calibre et d’armes légères devrait être consigné sur un registre des transferts mondiaux déposé à l’ONU ; les transferts régionaux devraient pareillement être portés sur des registres régionaux ; les États devraient publier chaque année un rapport complet et détaillé sur les transferts d’armes, et il faudrait créer des systèmes permettant de marquer les armes de façon appropriée et fiable et de retrouver leur trace à tout moment.

Un système sans faille
Il faut, au plan national, enregistrer de façon rigoureuse les activités de chaque fabricant d’armes, de chaque courtier, de chaque transporteur et de chaque bailleur de fonds, même lorsque ceux-ci ne travaillent que par l’intermédiaire de " pays tiers ". Toute personne reconnue coupable d’infractions pénales tels que le blanchiment d’argent, le trafic d’armes ou des violences liées à l’emploi d’armes à feu devra être radiée du registre. Les autorisations d’exportation, de transit et d’importation d’armes devront faire l’objet d’un contrôle strict au cas par cas et ne devront être accordées qu’à la condition que les transferts d’armes n’aboutissent pas entre les mains de personnes susceptibles de violer les principes internationaux en matière de droits humains et de droit humanitaire.

L’obligation de rendre des comptes
Les lois nationales doivent être mises en conformité avec le droit et les principes internationaux tels que les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois. Chaque Parlement national devra être informé à l’avance des transferts d’armes envisagés vers des pays vulnérables ainsi que des mécanismes de contrôle adoptés pour vérifier l’utilisation desdites armes.

Amnesty International recommande aux États membres d’appliquer les mesures ci-dessus pour renforcer le Programme d’action des Nations unies. Elle demande aussi instamment à la Commission des droits de l’homme d’apporter son soutien, lors de sa 59e session, au projet de la Sous-Commission de nommer Barbara Frey au poste de Rapporteur spécial et de lui donner les moyens de poursuivre son travail en menant une étude exhaustive sur les aspects de ce problème qui touchent aux droits humains.

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