Nations unies. Réaffirmation historique du caractère juridiquement contraignant des droits à l’eau et à l’assainissement

DÉCLARATION PUBLIQUE

Index AI : IOR 40/018/2010

1er octobre 2010

Amnesty International salue l’adoption par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies d’une résolution qui affirme que le droit à l’eau potable et à l’assainissement découle du droit à un niveau de vie suffisant. Cette résolution réaffirme concrètement que le droit à l’eau et à l’assainissement est implicitement inscrit dans plusieurs traités relatifs aux droits humains, notamment le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), auquel 160 États sont parties, et la Convention relative aux droits de l’enfant, ratifiée par presque tous les États du globe, et qu’il est par conséquent juridiquement contraignant.

Il s’agit de la première résolution du Conseil des droits de l’homme qui reconnaît le droit à l’eau et à l’assainissement. Cette résolution s’inscrit dans le droit fil de la déclaration du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, qui a reconnu que le droit à l’eau – à l’instar des droits à la nourriture et à un logement décent – découlait du droit à un niveau de vie suffisant inscrit dans l’article 11 (1) du PIDESC. En outre, la résolution du Conseil affirme que le droit à l’assainissement découle également du droit à un niveau de vie suffisant.

En juillet 2010, l’Assemblée générale a adopté une résolution qui « reconnaît que le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit fondamental, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme » (A/RES/64/292 du 28 juillet 2010). La résolution du Conseil des droits de l’homme s’appuie sur celle de l’Assemblée générale et va un peu plus loin en précisant que les droits à l’eau et à l’assainissement sont légalement contraignants.

Au total, 178 États de toutes les régions du globe ont déjà reconnu les droits à l’eau et à l’assainissement en une ou plusieurs occasions dans une déclaration ou résolution internationale. Les gouvernements ne peuvent nier qu’ils sont légalement tenus de garantir ces droits. Cette résolution renforcera la capacité des personnes qui en sont privées à exiger des gouvernements qu’ils rendent des comptes.

Amnesty International déplore que le Royaume-Uni ait décidé de se dissocier du consensus formé autour de cette résolution. Elle l’exhorte à revenir sur cette décision dès que l’occasion s’en présentera et à reconnaître le droit à l’assainissement. Par ailleurs, Amnesty International regrette la déclaration qu’a fait le Guatemala avant l’adoption de la résolution selon laquelle le droit à l’eau potable et à l’assainissement doit être conforme au droit national en vigueur et ne relève pas de la compétence des tribunaux au niveau international. Cette position n’est pas tenable d’un point de vue légal.

Amnesty International invite tous les États qui ne l’ont pas encore fait à reconnaître publiquement et à mettre en œuvre les droits à l’eau et à l’assainissement. Tous les États doivent prendre des mesures afin de les intégrer pleinement dans leurs textes de loi, leurs politiques et leurs pratiques. Ils doivent veiller à mettre en place des recours en cas de violations de ces droits au niveau national et international. Enfin, tous les États doivent devenir parties aux mécanismes internationaux de recueil des plaintes pour violations de ces droits, notamment au Protocole facultatif se rapportant au PIDESC.

Synthèse sur la résolution du Conseil des droits de l’homme

1. La résolution A/HRC/15/L.14 du Conseil des droits de l’homme constitue non seulement un fondement légal pour les droits à l’eau et à l’assainissement, mais reconnaît également qu’ils sont inextricablement liés au droit au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint, ainsi qu’au droit à la vie et à la dignité.

2. Le droit à l’eau et à l’assainissement a été reconnu par 178 États dans au moins une déclaration ou résolution internationale, notamment lors de l’Assemblée générale de l’ONU en juillet 2010, lors du 1er sommet Afrique-Amérique du Sud en 2006, lors du 1er sommet Asie-Pacifique pour l’eau en 2007, lors de la 3e conférence d’Asie du Sud sur l’assainissement (SACOSAN III) en 2008 et lors de l’actuelle session du Conseil des droits de l’homme le 30 septembre 2010.

3. Seuls le Canada et les Tonga n’ont pas reconnu à la fois le droit à l’eau et le droit à l’assainissement. Le 30 septembre, dans le cadre de l’actuelle session du Conseil des droits de l’homme, les États-Unis ont admis que le droit à l’eau potable et à l’assainissement émanait du PIDESC.

4. Dix pays ont reconnu le droit à l’eau, mais pas encore celui à l’assainissement dans une déclaration régionale ou internationale. Il s’agit de l’Albanie, l’Autriche, Belize, Malte, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Suède, Trinité-et-Tobago, la Turquie et le Turkménistan.

5. Amnesty International déplore que le Royaume-Uni ait décidé de se dissocier du consensus formé autour de cette résolution et ait refusé de reconnaître le droit à l’assainissement. Il a justifié sa position en expliquant qu’aucun accord international ne précise ce que recouvre ce droit et que l’assainissement n’est pas clairement défini au niveau international. Amnesty International regrette la position du Royaume-Uni sur le droit à l’assainissement. L’absence de définition clairement admise à l’échelon international ne l’a pas empêché de proclamer à maintes reprises son engagement envers l’Objectif du Millénaire pour le Développement n° 7 C, qui vise à réduire de moitié le pourcentage de la population n’ayant pas d’accès durable à l’eau potable et à un système d’assainissement de base.

6. En devenant partie au PIDESC et au PIDCP, le Royaume-Uni a reconnu un éventail de droits qui n’ont pas de définition commune au niveau international et s’est engagé à les respecter. Il s’agit notamment du droit de ne pas être soumis à une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant, du droit à la nourriture, du droit de prendre part à la vie culturelle, du droit à l’autodétermination, du droit à la protection de la loi contre les immixtions dans sa vie privée, sa famille, sa maison, sa correspondance et contre les attaques abusives contre son honneur et sa réputation. La teneur contraignante de ces droits, entre autres, est dûment élaborée au fil du temps par les organes indépendants chargés de veiller à l’application des traités, dans le cadre de la mise en œuvre du mandat que leur ont confié les États.

7. L’experte indépendante des Nations unies chargée d’examiner la question des obligations en rapport avec les droits humains qui concernent l’accès à l’eau potable et à l’assainissement a soumis au Conseil des droits de l’homme une définition de l’assainissement en termes de droits humains dans son premier rapport annuel au Conseil (A/HRC/12/24). Elle a précisé que l’assainissement englobait la collecte, le transport, le traitement et l’évacuation ou la réutilisation des excréments humains, ainsi que la promotion connexe de l’hygiène.

8. Le manque de clarté quant à la teneur précise du droit à l’assainissement ne saurait servir à justifier le refus de reconnaître la dimension essentielle de ce droit sur laquelle il ne peut y avoir de litige. Le droit à l’assainissement signifie que les gens ne doivent pas se trouver contraints de déféquer en plein air, dans un seau ou dans un sac en plastique. Les femmes et les jeunes filles ne doivent pas avoir à choisir entre aller aux toilettes publiques ou être exposées à des violences sexuelles. Elles ne doivent pas être contraintes, parce qu’il n’y a pas de toilettes à l’école, de choisir entre l’éducation et la dignité. Les enfants ne doivent pas se retrouver dans une situation où l’absence de sanitaires adaptés ou d’informations sur l’hygiène les met en danger de succomber à des crises de diarrhée. Affirmer que les gouvernements ne sauraient avoir de comptes à rendre devant la loi pour de telles situations parce qu’il n’existe pas de consensus international sur des définitions témoigne d’un mépris flagrant de la notion d’urgence.

9. Amnesty International est également préoccupée par la déclaration qu’a fait le Guatemala avant l’adoption de la résolution selon laquelle le droit à l’eau potable et à l’assainissement doit être conforme au droit national en vigueur. Cette position est inadaptée, car c’est le droit national qui doit s’aligner sur le droit international reconnu, conformément aux traités relatifs aux droits humains comme le PIDESC auxquels le Guatemala est partie.

10. Le Guatemala a aussi déclaré que l’adoption de la résolution ne générait aucun droit qui relève de la compétence des tribunaux au niveau international. Pourtant, un État ne peut s’appuyer sur aucun fondement pour prétendre qu’un droit inscrit dans un traité international ne relève pas de leur compétence. L’adoption par l’Assemblée générale de l’ONU du Protocole facultatif se rapportant au PIDESC en décembre 2008 a confirmé que tous les droits inscrits dans le PIDESC peuvent faire l’objet d’un recours en justice à l’échelon international. Tous les États qui ne l’ont pas fait doivent par conséquent ratifier le PIDESC et son Protocole en vue de garantir que chacun jouisse du droit à réparation au niveau international en cas de violations de ses droits économiques, sociaux et culturels.

11. Amnesty International note que la résolution mentionne le droit à l’eau potable, plutôt que le droit à l’eau. Le terme « eau potable » fait référence à de l’eau propre à être consommée, quelle que soit son utilisation, que ce soit pour laver, pour la chasse d’eau des toilettes ou pour l’agriculture. Cependant, le terme « eau potable » peut être compris de manière erronée dans la pratique comme faisant référence uniquement à de l’eau destinée à un usage personnel. Les futures résolutions des Nations unies doivent par conséquent faire référence au droit à l’eau ou au droit à l’eau salubre plutôt qu’au droit à l’eau potable.

12. Amnesty International se félicite que la résolution A/HRC/15/l.14 réaffirme que c’est aux États qu’incombe au premier chef la responsabilité de garantir le plein exercice de tous les droits humains, et que le fait de déléguer la fourniture de services d’approvisionnement en eau potable ou de services d’assainissement à un tiers n’exonère pas l’État de ses obligations en matière de droits humains. Il importe que la résolution demande aux États d’adopter et de mettre en œuvre des cadres réglementaires efficaces pour tous les fournisseurs de services, conformément aux obligations des États en rapport avec les droits humains, et d’assurer la participation active, libre et authentique des communautés locales concernées et des parties prenantes intéressées. Amnesty International demande aux États de garantir qu’un cadre réglementaire efficace et un processus participatif de prise de décision soient mis en place dès le départ, avant que la fourniture de services d’approvisionnement en eau potable ou de services d’assainissement ne soit déléguée à un prestataire non étatique.

13. La résolution n’énumère pas toutes les exigences du droit international concernant la fourniture par des prestataires non étatiques de services d’eau potable ou d’assainissement. Aussi est-il primordial que les États agissent conformément à leurs obligations précisées dans l’Observation générale n° 15 : Le droit à l’eau adoptée par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, dans le deuxième rapport annuel de l’Experte indépendante (A/HRC/15/31) et dans le rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, concernant la portée et le contenu des obligations pertinentes en matière de droits humains ayant trait à l’accès équitable à l’eau potable et à l’assainissement (A/HRC/6/3).

La campagne Exigeons la dignité menée par Amnesty International vise à mettre fin aux violations des droits humains qui génèrent et aggravent la pauvreté dans le monde. Cette campagne mobilise des sympathisants dans le monde entier pour demander que les gouvernements, les grandes entreprises et les détenteurs du pouvoir écoutent la voix de ceux qui vivent dans la pauvreté et reconnaissent leurs droits pour mieux les protéger. Pour en savoir plus, rendez-vous sur les pages du site Exigeons la dignité.

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