NATIONS UNIES - Réforme : le projet de Document final ne reconnaît pas la primauté des droits humains

Index AI : IOR 40/013/2005

New York — Amnesty International demande à tous les gouvernements de renforcer les dispositions relatives aux droits humains, vagues et sans engagement réel, figurant dans le projet de Document final pour le sommet de haut niveau de septembre 2005, et rendu public ce vendredi 3 juin. Les chefs d’État qui se réuniront à New York doivent saisir cette chance historique de réforme des Nations unies pour s’assurer que les droits humains prennent la place qui leur revient : celle de l’un des trois piliers des Nations unies. La primauté accordée aux droits humains par la Charte des Nations unies l’exige.

Tous les membres des Nations unies sont dans l’obligation de mettre la promotion et le respect des droits humains au cœur de la vision proposée par le document : celle d’un monde dont les habitants vivront dans la dignité, délivrés de la pauvreté et de la peur. Le document reconnaît qu’il ne saurait y avoir de développement sans sécurité, ni de sécurité sans développement, et que ni l’un ni l’autre ne peuvent exister sans respect des droits humains ; Amnesty International approuve ce point de vue. Ce principe doit inspirer et guider la préparation de tout le document, et sous-tendre les décisions prises au sommet de septembre. Ces principes doivent se traduire par des actions claires et précises, fondées sur les obligations des États relatives aux droits humains, et conduisant à des progrès appréciables.

Amnesty International exprime sa profonde déception en constatant que le projet de document ne reflète pas la détermination des États membres à s’engager fermement pour la promotion et la protection des droits humains. De fait, ce projet affaiblit même, par endroits, les obligations déjà existantes. Cette régression est d’autant plus malvenue que le Secrétaire général et d’autres responsables de haut rang des Nations unies ont souligné à plusieurs reprises la nécessité d’une « ère d’application » et de mesures concrètes pour mettre en œuvre les engagements en faveur des droits humains. Par exemple, le document reconnaît la nécessité de mettre pleinement en œuvre les normes relatives aux droits humains (63), mais n’expose pas comment les États le feront. Le document ne reprend pas non plus les termes plus fermes utilisés dans la Déclaration du millénaire et présente des insuffisances, quand il demande aux États d’adhérer à de simples « principes » de respect des droits humains et de l’état de droit dans la lutte contre le terrorisme - au lieu de leur demander de protéger les droits humains proprement dits (59).

Amnesty International approuve la décision du projet de promouvoir la Commission des droits de l’homme pour en faire un conseil des droits humains permanent, comme le proposait le secrétaire général des Nations unies. Amnesty International estime que ce conseil devrait devenir un organe principal des Nations unies, plutôt qu’un organe subsidiaire de l’Assemblée générale. Ce serait la meilleure manière d’exprimer le caractère essentiel des droits humains dans la Charte des Nations unies. Amnesty International se félicite de la décision de préserver les points forts de la Commission, notamment le système de procédures spéciales et le rôle des ONG défini par la Charte. Toutefois, les gouvernements doivent prendre des mesures supplémentaires, nécessaires à l’efficacité, la transparence et l’autorité du conseil des droits humains, et pour éviter la politisation excessive qui a affecté la Commission (87-88).

Amnesty International se félicite également de l’engagement de renforcer le Haut-commissariat aux droits de l’homme par l’accroissement de ses ressources, issues du budget ordinaire (65). Cette aspiration doit à présent se traduire par l’engagement ferme et mesurable de doubler les ressources générales du Haut-commissariat au cours des cinq prochaines années.

Sur le sujet de l’impunité, l’affirmation de la nécessité de coopérer avec la Cour pénale internationale est bienvenue, mais les chefs d’État doivent demander à tous les États de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui s’apprête à recevoir sa centième ratification. Il faut également demander au Conseil de sécurité d’utiliser les pouvoirs que lui confère la Charte des Nations unies pour déférer des affaires à la Cour.

En outre, le Document final doit :

 Réaffirmer et prendre en compte les réalisations de la communauté internationale dans le domaine de la création de normes relatives à la promotion et la protection des droits humains, notamment la Déclaration du Millénaire, la Déclaration et Programme d’action de Beijing, ainsi que les Déclaration et Programme d’action de Vienne ;

 reconnaître que pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement et de nombreux autres objectifs du Document final, il faut que les hommes et les femmes bénéficient de tous les droits humains ;

 souligner que les droits humains doivent être au cœur des Nations unies ;

 prendre la résolution que les membres permanents du Conseil de sécurité s’abstiendront, comme le propose le Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement, d’utiliser leur veto en cas de génocide ou de violations des droits humains à grande échelle ;

 rappeler que les droits humains constituent des obligations juridiques ancrées dans la Charte des Nations unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme, les traités fondamentaux et autres instruments juridiques relatifs aux droits humains, et que l’état de droit exige des États membres qu’ils prennent des mesures efficaces pour mettre en œuvre toutes leurs obligations relatives aux droits humains ;

 demander que le haut-commissaire aux droits de l’homme joue un rôle plus actif dans les délibérations du Conseil de sécurité et la commission de consolidation de la paix, dont la création a été proposée ;

 manifester clairement le consensus international existant selon lequel toute mesure prise par un État pour combattre le terrorisme doit respecter ses obligations définies par le droit international, en particulier le droit humanitaire et relatif aux droits humains et aux réfugiés (54) ;

 renforcer les dispositions relatives à la participation des organisations non gouvernementales et de la société civile dans le domaine du développement, de la sécurité et des droits humains, en acceptant d’approfondir le dialogue avec elles, et de suivre les recommandations formulées par le Groupe de personnalités chargées par le Secrétaire général d’examiner les liens entre l’Organisation des Nations Unies et la société civile (Panel Cardoso) (102) ;

 renforcer l’accord mentionné dans le document en vue d’élaborer un instrument international à valeur juridique contraignante destiné à réglementer l’identification, la circulation et la vente illicite d’armes légères, en intégrant dans ce texte le transfert de ces armes (51) ;

 reconnaître les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays comme la norme internationale fondamentale pour la protection des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, et s’engager à promouvoir l’intégration de ces principes dans les textes de loi nationaux et les pratiques nationales ;

 prendre une résolution afin de renforcer les règles relatives à la responsabilité au sein des Nations unies, en demandant aux États membres de suivre une politique de « tolérance zéro » de l’exploitation sexuelle par le personnel des Nations unies.

Complément d’information

Le projet de Document final a été présenté à l’Assemblée générale par son président, ce vendredi 3 juin. Les chefs d’État se réuniront à New York en septembre 2005 pour adopter un Document final étudiant la mise en œuvre de la Déclaration du millénaire de 2000, en se fondant sur le rapport du Secrétaire général Dans une liberté plus grande : développement, sécurité et respect des droits de l’homme pour tous (A/59/2005), de mars 2005.

Amnesty International s’explique en détail sur la nécessité d’un Conseil des droits humains dans un rapport qu’elle a rendu public en avril 2005 sous le titre De la Commission des droits de l’homme au Conseil des droits de l’homme. Le défi d’une transformation (index AI : IOR 40/008/2005).

Les références entre parenthèses renvoient aux paragraphes du projet de Document final.

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter le Service de presse d’Amnesty International au 02 543 79 04 ou consulter les sites http://www.amnesty.be et http://www.amnesty.org.

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