NATIONS UNIES - SOMMET MONDIAL 2005 (NEW-YORK, 14-16 septembre) - Les gouvernements doivent surmonter les obstacles et se mettre d’accord sur des dispositions fermes en matière de droits humains dans le Document final

Index AI : IOR 41/058/2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

À quelques jours de l’ouverture du Sommet mondial 2005, Amnesty International exhorte les gouvernements à régler les derniers différends et à achever la mise au point d’un texte fort qui place véritablement les droits humains sur le même plan que le développement et la sécurité, pour en faire l’un des trois piliers des Nations unies.

Les gouvernements qui affichent depuis longtemps un bilan préoccupant en matière de droits humains ou ne s’engagent guère en faveur de la protection de ces droits ne doivent plus être autorisés à faire obstacle à la majorité des États membres qui souhaitent que ce Sommet débouche sur un meilleur système de défense des droits fondamentaux de la personne humaine. Les dirigeants de la planète ne doivent pas décevoir les millions d’hommes et de femmes pour qui ce Sommet représente une occasion historique de conférer aux droits humains une autorité et des ressources accrues afin de garantir la protection efficace de ces droits. Amnesty International se félicite que le projet de document en cours de négociation, présenté le 6 septembre par le président de l’Assemblée générale, propose toute une série de dispositions visant à promouvoir et protéger les libertés fondamentales. Toutefois, le texte doit être sensiblement renforcé et ne doit en aucun cas affaiblir les obligations existantes en matière de droits humains.

Voici la position d’Amnesty International sur les aspects clés de ce texte en matière de droits humains.

1) Le Conseil des droits de l’homme

Le succès du Sommet mondial se mesurera à sa capacité à mettre sur pied un nouvel organe de protection des droits humains de haut niveau, le Conseil des droits de l’homme, chargé d’examiner et de traiter efficacement de la question de tous les droits humains dans tous les pays du globe. Capable de se réunir à tout moment de l’année, ce Conseil doit être érigé en tant qu’organe principal des Nations unies. Il convient de ¬parvenir sans plus tarder à un accord sur les caractéristiques du mandat de ce nouveau Conseil qui lui permettront réellement de faire progresser la protection des droits humains. Le texte doit être débarrassé de ses crochets et inclure les éléments suivants :

 une évaluation périodique de la façon dont les États s’acquittent de leurs obligations en matière de droits humains et de leurs engagements au titre du droit international, notamment de la Charte des Nations unies et de la Déclaration universelle des droits de l’homme ou DUDH (paragraphe 146 d, entre crochets) ;

 la responsabilité d’examiner toute question ou situation relative aux droits humains, y compris les situations urgentes ou celles qui sont continues, et de faire des recommandations à ce sujet (paragraphe 146 e, entre crochets) ;

 l’engagement des membres du Conseil de se conformer aux normes les plus élevées en matière de droits humains et de faire l’objet d’une évaluation au cours de la première année de leur mandat de membre du Conseil des droits de l’homme (paragraphe 147 b, entre crochets).

Si les gouvernements n’érigent pas le Conseil des droits de l’homme en organe principal de l’ONU, ils doivent tout au moins convenir d’examiner dans un délai de cinq ans s’il doit le devenir (partie du paragraphe 145 entre crochets).

Le Conseil des droits de l’homme devra être ouvert à tous les membres de l’ONU qui contribuent à la promotion et à la protection des droits humains. Il faut supprimer la proposition visant à exclure du Conseil les États soumis à des sanctions ou aux investigations d’une Commission d’enquête (partie du paragraphe 147 a entre crochets), car c’est un obstacle inutile sur la voie d’un accord. En revanche, l’élection des membres du Conseil par l’Assemblée générale à la majorité des deux tiers pourrait favoriser la qualité des membres du Conseil.

Par ailleurs, il faut lever l’ambiguïté du paragraphe 146-f et indiquer clairement que les dispositions et les pratiques concernant la participation des ONG mises en place par la Commission des droits de l’homme aux termes de l’article 71 de la Charte des Nations unies constituent sans conteste un atout, qui doit être assumé plutôt que reconsidéré par le Conseil des droits de l’homme.

Amnesty International souscrit à la proposition de consultations menées par le président de l’Assemblée générale en vue de finaliser les modalités relatives au Conseil des droits de l’homme d’ici le 31 décembre 2005 (paragraphe 147). L’expérience a montré que l’autre option consistant à établir un « groupe de travail à participation non limitée » est synonyme de retard sans fin. Pour mener à bien ce processus, il importe que le président de l’Assemblée générale en assume la direction, que tous les États membres puissent y apporter leur contribution, que l’ouverture et la transparence prévalent pour toutes les parties intéressées, y compris les ONG, et qu’un délai assez proche soit fixé.

2) Financement du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme

Le second indicateur clé du succès du Sommet mondial permettra également de jauger la volonté des États de défendre les droits humains. Il s’agit de savoir s’il seront déterminés à renforcer le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme en doublant, voire triplant comme le propose Amnesty International, les ressources de son budget ordinaire, tout en s’engageant à doubler ses ressources totales au cours des cinq prochaines années. La proposition d’« accroître sensiblement les ressources » de son budget ordinaire est trop vague pour présenter un quelconque intérêt (paragraphe 112).

3) Pas de retour en arrière pour les engagements en matière de droits humains

Les obligations et les engagements actuels relatifs aux droits humains ne sauraient être amputés. Le 3e point du paragraphe 122 et le paragraphe 106 proposent que les gouvernements envisagent de mettre en œuvre les traités. C’est inacceptable. Les États sont tenus d’appliquer de bonne foi tous les traités auxquels ils sont parties. Ces paragraphes doivent inviter les États à « mettre en œuvre » les traités qu’ils ratifient. Le 3e point du paragraphe 122 doit exhorter tous les gouvernements à ratifier tous les traités relatifs aux droits humains et à la protection des civils.

D’autre part, le paragraphe 110 doit pleinement faire écho à la DUDH, qui dispose que chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la Déclaration, « sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ».

4) Intégrer la dimension de genre dans les droits humains

Constituant l’un des trois piliers des Nations unies, les droits humains doivent trouver leur place dans la planification et les activités de l’ensemble du système de l’ONU. Promouvoir l’intégration de la dimension de genre aux droits humains est une facette essentielle du Document final et il convient de supprimer les crochets du paragraphe 114 et du 3e point du paragraphe 157. Le constat primordial fait au paragraphe 9, selon lequel le développement, la paix et la sécurité, et les droits humains sont intimement liés et interdépendants, doit trouver ¬un écho dans l’ensemble du Document final.

5) Organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits humains

Amnesty International encourage les gouvernements à reconnaître dans le Document final la nécessité pour les organes créés en vertu d’instruments internationaux de fonctionner en tant que système cohérent et efficace, doté des ressources supplémentaires nécessaires.

6) Mettre fin à l’impunité

La Cour pénale internationale (CPI) s’étant désormais mise à l’œuvre, le Document final ne sera pas complet sans l’engagement de mettre un terme à l’impunité et un appel lancé à tous les États pour qu’ils coopèrent pleinement avec la CPI et les autres cours internationales. La Déclaration du Millénaire invitait déjà les États à signer et ratifier le Statut de Rome de la CPI. En outre, le Conseil de sécurité a sollicité cette année la pleine et entière coopération de tous les États avec la CPI, dans le cadre de sa première décision de saisir la Cour. Aussi faut-il supprimer les crochets du paragraphe 126.

7) Listes de sanctions

Les particuliers et les entités inscrits sur les « listes de sanctions » ne bénéficient d’aucune protection juridique. Il importe d’enlever les crochets du paragraphe 99 bis, et les gouvernements doivent s’engager à mettre en place un mécanisme efficace afin de garantir que les procédures permettant d’inscrire des particuliers sur ces listes ou de les en retirer remplissent les critères d’équité et de transparence correspondant aux garanties internationales des droits de la défense.

8) Transferts d’armes

Le texte doit engager à améliorer l’efficacité des contrôles sur les transferts d’armes légères. Il convient de supprimer les crochets du paragraphe 70-j et de le renforcer en faisant référence à un instrument juridiquement contraignant.

9) Terrorisme

Prendre pour cible de manière délibérée des civils constitue une grave atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux principes d’humanité les plus élémentaires. Ces actes ne sauraient en aucun cas être tolérés ni justifiés. Les termes « par des terroristes », actuellement mis entre crochets au paragraphe 73, doivent être supprimés. Aucun État, groupe armé ni particulier n’est au-dessus des lois. Amnesty International estime qu’il est essentiel que ce paragraphe sur le terrorisme s’applique à tous les actes de terrorisme quels qu’en soient les auteurs, y compris les États et leurs agents.

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