COMMUNIQUÉ DE PRESSE
ÉFAI -
8 décembre 2009
Les autorités népalaises doivent procéder dans les plus brefs délais à l’arrestation d’un officier renvoyé il y a quelques jours d’une mission de maintien de la paix des Nations unies déployée au Tchad, lorsqu’on a appris que cet homme était accusé d’avoir torturé à mort une jeune fille népalaise de quinze ans, a déclaré Amnesty International mardi 8 décembre.
Le commandant Niranjan Basnet est inculpé d’avoir tué Maina Sunuwar le 17 février 2004. La jeune fille est décédée alors qu’elle se trouvait aux mains de l’armée ; elle a été torturée à l’électricité et on lui a plongé la tête sous l’eau pendant son interrogatoire. Son corps a par la suite été exhumé dans une caserne où les Casques bleus népalais s’entraînent.
Au lieu de veiller à l’arrestation et à l’inculpation du commandant Basnet, l’armée népalaise l’a autorisé à continuer d’exercer ses fonctions (ce qui est contraire à la loi sur l’armée) et n’a pas à ce jour coopérer sur les enquêtes civiles.
Il a été établi il y a quelques jours qu’il faisait partie de la mission de maintien de la paix des Nations unies déployée au Tchad. L’ONU aurait depuis lors demandé au gouvernement népalais de le rapatrier vers son pays.
Le commandant Basnet figurait parmi les quatre militaires inculpés en 2008 du meurtre de Maina Sunuwar par le tribunal du district de Kavre. Les quatre hommes sont toujours en liberté.
Un tribunal militaire avait déclaré les trois autres soldats coupables en 2005, mais seules des charges mineures avaient été retenues contre eux après qu’il eut été conclu que le décès de la jeune fille découlait d’une « négligence » et non d’actes de torture délibérés. Ils ont été condamnés à des peines de six mois seulement d’emprisonnement, peines qu’ils n’ont pas purgées car le tribunal militaire a comptabilisé le temps où il leur avait été interdit de quitter la caserne pendant l’enquête.
« Nous craignons fortement que l’indépendance comme l’impartialité de ces procédures militaires n’aient pas été garanties, a affirmé Jonathan O’Donohue, qui travaille au programme Justice internationale d’Amnesty International.
« Le commandant Basnet doit faire l’objet de poursuites devant une juridiction civile pour son implication présumée dans l’homicide de Maina Sunuwar. S’il se trouve toujours au Tchad, le gouvernement népalais doit demander à la mission de l’ONU de l’arrêter et de veiller à ce qu’il soit rapatrié vers le Népal pour y être jugé », a-t-il ajouté.
Cette affaire fait partie des centaines d’homicides, de disparitions forcées et d’actes de torture imputables à l’armée népalaise, autant de violations sur lesquelles les autorités civiles et militaires continuent de fermer les yeux.
« Toutes les atteintes aux droits humains commises par des soldats ou d’autres personnes doivent faire l’objet d’une enquête et, lorsqu’il existe des éléments de preuve suffisants, les auteurs présumés doivent être poursuivis devant des juridictions civiles, a déclaré Jonathan O’Donohue.
« Justice doit être rendue aux victimes et à leurs familles. Il faut que la vérité sur le sort qui leur a été réservé soit divulguée et que des réparations complètes soient versées. »
Le commandant Basnet avait passé avec succès les procédures de contrôle interne relatives aux droits humains mises en place dans l’armée népalaise avant d’être désigné pour participer aux opérations de maintien de la paix des Nations unies.
« Le point le plus préoccupant, étant donné l’impunité qui règne au Népal et l’absence de système de contrôle efficace, c’est qu’il est probable que nombre d’autres auteurs de ces graves violations des droits humains sont actuellement déployés dans des missions de l’ONU chargées de protéger les civils », a conclu Jonathan O’Donohue.
Complément d’information
Pendant des années, l’armée népalaise a tenté de dissimuler aux proches de Maina Sunuwar la vérité sur le sort de la jeune fille et le lieu où se trouvait son corps.
Du fait des pressions exercées sur le plan national comme international, l’armée népalaise a mené des enquêtes viciées et engagé des poursuites entachées d’irrégularités à l’encontre de trois des accusés. Bien que le nom du commandant Basnet figure en bonne place dans le rapport remis par l’équipe chargée de l’enquête interne au sein de l’armée, il n’a pas été inculpé à ce stade de la procédure.
Le tribunal militaire a reconnu que Maina Sunuwar avait reçu des décharges électriques et avait été immergée pendant qu’on l’interrogeait, mais il a estimé que sa mort « ne découl[ait] pas de graves actes de torture infligés intentionnellement mais [que la jeune fille était] malheureusement décédée de manière accidentelle suite à l’utilisation, lors de son interrogatoire, de techniques répréhensibles résultant de négligence, de légèreté et d’irrationalité et en raison de sa faible constitution physique ».
Les trois soldats ont été déclarés coupables d’infractions mineures uniquement, par exemple le recours à des techniques d’interrogatoires dangereuses et le non-respect des procédures.
En septembre 2009, le tribunal du district de Kavre a ordonné que le commandant Basnet soit suspendu de ses fonctions militaires.
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