Index AI : ASA 31/009/2006
Dix années de guerre et d’instabilité politique ont fait de la situation des droits humains au Népal une des pires au monde et la communauté internationale a un rôle essentiel à jouer pour renverser cette tendance, a déclaré Amnesty International ce vendredi 10 février 2006.
« La population népalaise a déjà beaucoup trop souffert, a déploré la secrétaire générale de l’organisation Irene Khan. Si la communauté internationale et toutes les parties au Népal n’interviennent pas de toute urgence, une nouvelle génération grandira sans avoir connu autre chose qu’effusion de sang et conflit. »
Le niveau de violence a considérablement augmenté ces dernières semaines, la police ayant eu recours à une force excessive à l’encontre de ceux qui protestaient contre les élections municipales du 8 février, considérées par beaucoup comme une tentative du roi de légitimer son régime. De nouvelles violences sont à craindre alors qu’approche la date du dixième anniversaire de la guerre, le 13 février.
En plus des graves violations des droits humains commises dans tout le pays dans le cadre du conflit, le gouvernement a restreint les libertés individuelles les plus fondamentales tout au long de l’année qui vient de s’écouler, aggravant encore la situation. Selon des estimations fiables, au cours des dernières semaines, plus de 1 500 personnes ont été arrêtées pour avoir organisé des manifestations politiques, ou y avoir participé. Le 8 février, un manifestant a été abattu par la police.
Plus de 12 000 personnes sont mortes depuis que les maoïstes ont déclaré une « guerre populaire », le 13 février 1996. Des centaines d’autres ont « disparu », ont été torturées, enlevées, violées ou recrutées comme enfants soldats. Des centaines de milliers de personnes ont été contraintes de quitter leur domicile et d’aller vivre misérablement dans des logements provisoires.
« Tout au long de ces dix années de conflit, la situation des droits humains n’a fait qu’empirer, avec un nombre croissant de civils tués ou blessés et, pendant une période, le plus grand nombre au monde de "disparitions" signalées », a déclaré Irene Khan.
Amnesty International a demandé une fois encore au gouvernement népalais de faire le nécessaire pour que les forces de sécurité n’échappent plus à toute sanction en cas d’homicides ou d’autres violations des droits humains. Les auteurs présumés de tels agissements doivent être poursuivis, et justice doit être rendue à leurs victimes. L’organisation a également appelé les maoïstes à faire tout ce qui était en leur pouvoir pour que les civils soient épargnés.
« La communauté internationale a un rôle important à jouer pour empêcher que la situation des droits humains ne continue de se détériorer, a souligné Irene Khan. Il faut continuer d’exercer des pressions sur le gouvernement pour qu’il respecte les droits fondamentaux et ses obligations aux termes du droit international, en rétablissant en particulier les libertés fondamentales telles que le droit de manifester pacifiquement. »
La communauté internationale devrait reconsidérer la participation des forces népalaises aux opérations de maintien de la paix à l’étranger compte tenu du bilan déplorable de l’armée népalaise en matière de respect des droits fondamentaux sur son propre territoire. Amnesty International renouvelle la demande qu’elle avait faite en février 2005, à savoir que les gouvernements étrangers qui continuent de fournir des armes au Népal décrètent un embargo sur ces produits jusqu’à ce que la situation des droits humains dans ce pays se soit considérablement améliorée.
« Ce conflit dure depuis tellement longtemps qu’il peut facilement cesser de faire partie des préoccupations politiques internationales, mais par égard pour la population népalaise dont il constitue la réalité tragique quotidienne, le monde doit rester mobilisé et continuer d’exercer des pressions sur le gouvernement et les maoïstes », a conclu Irene Khan.
Complément d’information
Depuis que le roi Gyanendra s’est emparé du pouvoir le 1er février 2005, des restrictions aux libertés individuelles sont venues s’ajouter aux violences sanglantes engendrées par le conflit. En dépit des interventions de nombreuses parties - dont Amnesty International qui a rencontré le roi en février 2005 - des mesures ont été prises pour tenter de réduire au silence les médias nationaux normalement très dynamiques, et des défenseurs des droits humains ont été harcelés et arrêtés.
Au cours des dernières semaines, des centaines de personnes ont été arrêtées pour avoir organisé des mouvements de protestation politiques ou pour avoir participé à de tels mouvements. Les forces de sécurité ont réagi aux manifestations avec une violence excessive. De nombreux manifestants ont déclaré avoir été frappés et, le 8 février, le militant politique Umesh Chandra Thapa a été abattu par les forces de sécurité alors qu’il revenait d’une manifestation dans le district de Dang, dans l’ouest du Népal.
Cette suppression de toute critique ne permet plus au monde extérieur et même à la population népalaise d’être informés des atteintes aux droits humains perpétrées en dehors de la capitale.
Pendant deux années - 2003 et 2004 - le Népal a eu le taux le plus élevé au monde de « disparitions » signalées. À la suite des fortes pressions internationales, les informations faisant état de cas de « disparitions » ont considérablement diminué en 2005.
En mai 2005, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies a établi une mission de surveillance des droits humains au Népal.
Ces dix années de conflit ont également exacerbé le problème de la pauvreté au Népal. Le conflit, l’insécurité, et les « grèves » auxquelles appellent régulièrement les maoïstes ont empêché la population, déjà pauvre, de satisfaire son droit élémentaire à l’éducation, aux services de santé et à la nourriture.