Népal. Justice doit être rendue à Maina Sunuwar, torturée et tuée à 15 ans

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

17 février 2010 - ÉFAI

Ce mercredi 17 février, des organisations internationales et locales de défense des droits humains ont exhorté les autorités népalaises à cesser de faire obstruction à la comparution en justice de quatre militaires soupçonnés d’avoir torturé et tué une adolescente de 15 ans, Maina Sunuwar.

À l’occasion du sixième anniversaire de la mort de la jeune fille, ces organisations ont adressé une lettre ouverte au procureur général du Népal, le professeur Bharat Bahadur Karki, dans lesquelles elles l’appelaient à éliminer les obstacles empêchant la traduction en justice des militaires.

Ces hommes sont accusés d’avoir soumis Maina à un simulacre prolongé de noyade et à des décharges électriques de 220 volts qui ont entraîné sa mort. Enterré secrètement, son corps a par la suite été exhumé dans une caserne où les Casques bleus népalais s’entraînent.

« Les responsables politiques népalais parlent sans cesse de conduire le processus de paix à sa "conclusion logique", mais qu’y a-t-il de "logique" dans un processus de paix qui permet aux meurtriers présumés d’une jeune fille de rester en liberté ? Ou dans des organes chargés de faire respecter la loi qui ne respectent pas eux-mêmes les cours de justice ? », a déclaré Mandira Sharma, directrice de l’ONG népalaise Advocacy Forum.

L’envoi de la lettre ouverte coïncide avec la publication d’une analyse détaillée du cas de Maina Sunuwar par Advocacy Forum.

Ces deux documents mettent en lumière le fait que les autorités se sont abstenues de mener des investigations et des poursuites non seulement à l’encontre des responsables présumés du meurtre de Maina, mais aussi de centaines d’autres personnes soupçonnées d’avoir commis des violations au cours du conflit qui a opposé les autorités pendant une dizaine d’années aux Maoïstes, jusqu’en 2006.

Les organisations demandent justice pour la famille de Maina, une enquête menée par l’armée népalaise n’ayant débouché que sur la comparution en cour martiale de trois soldats pour des infractions disciplinaires mineures.

Bien que la Cour suprême ait statué, en septembre 2007, que cette affaire relevait de la justice civile et que des mandats d’arrêt aient été émis en janvier 2008 par le tribunal du district de Kavre, l’armée refuse de coopérer et la police n’a pas procédé à l’arrestation des suspects. L’armée népalaise refuse de livrer à la justice l’un des quatre suspects, le major Niranjan Basnet, afin qu’il soit jugé.

« Le fait que les personnes inculpées du meurtre de Maina ne soient ni arrêtées, ni présentées à un tribunal jette une lumière crue sur les dysfonctionnements qui affaiblissent depuis longtemps la justice népalaise. Cette inertie donne l’apparence d’une mascarade à l’engagement qu’ont pris les responsables politiques de faire face aux violations des droits humains et de mettre un terme à l’impunité dans le cadre du processus de paix. Les autorités doivent maintenant prendre les mesures nécessaires pour que les meurtriers présumés de Maina soient arrêtés et amenés à rendre des comptes devant une cour de justice », a déclaré Donna Guest, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

Détaché au Tchad avec la Mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT), le major Basnet a été rapatrié au Népal le 12 décembre 2009, ce qui a permis d’espérer qu’il serait arrêté. Toutefois, plus de deux mois plus tard, l’armée continue à le protéger et il n’a toujours pas comparu devant un tribunal.

« Un gouvernement qui confie à des milliers de soldats des tâches de maintien de la paix pour le compte des Nations unies doit prendre des mesures pour veiller à ce qu’aucun militaire soupçonné de graves violations des droits humains ne soit envoyé à l’étranger. Cela est indispensable, non seulement pour la réputation d’intégrité de l’armée népalaise, mais aussi pour la crédibilité du gouvernement et de sa politique vis-à-vis des violations des droits fondamentaux commises par le passé. », a déclaré Birendra Thapaliya, du Forum pour les droits humains et la démocratie (FOHRID).

Contrairement aux instructions données par le Premier ministre du Népal, la ministre de la défense, Bidhya Bhandari, a pris position publiquement en faveur d’un classement du dossier par la cour martiale. Toutefois, cette juridiction n’ayant pas poursuivi les accusés pour torture et meurtre, mais seulement pour les charges moins lourdes d’« indiscipline et non-respect des procédures », les militaires concernés n’ont pas encore été jugés pour le meurtre de Maina Sunuwar.

« Tirer du lit une jeune fille non armée de 15 ans et la torturer à l’eau et à l’électricité jusqu’à ce qu’elle en meure sont des agissements qui vont bien au-delà des infractions disciplinaires prises en compte par la Cour martiale. Les auteurs présumés de crimes aussi graves, qu’il s’agisse de représentants de l’État ou de Maoïstes, doivent être soumis à l’obligation de rendre des comptes devant un tribunal civil impartial et indépendant. », a déclaré Sushil Pyakhurel, président du réseau Accountability Watch Committee.

Le cas de Maina est emblématique de la situation des milliers de victimes à qui justice n’a pas été rendue et de l’impunité qui règne actuellement au Népal. Si l’armée népalaise est mise en cause dans le meurtre de Maina, des membres du Parti communiste unifié du Népal (maoïste) sont également impliqués dans de nombreuses affaires d’atteintes aux droits humains commises au cours du conflit, affaires qui n’ont pas davantage été élucidées.

« Le fait qu’une décision de la Cour suprême du Népal et des mandats d’arrêt en bonne et due forme ne soient pas respectés donne de ce pays l’image d’un État de non-droit. En garantissant l’exercice d’une voie de droit et la tenue d’un procès équitable devant un tribunal civil dans cette affaire, les autorités feront passer le message plus que nécessaire que tous sont égaux devant la loi, ce qui renforcera les bases du processus de paix au Népal. », a déclaré Roger Normand, directeur du Programme Asie-Pacifique de la Commission internationale de juristes.

Devi Sunuwar, la mère de Maina, espère que la résolution de cette affaire contribuera à mettre un terme à l’impunité qui gangrène le Népal.

« Aujourd’hui, six ans après le meurtre de Maina, je ressens une immense tristesse, non seulement pour la fille que j’ai perdue, mais aussi pour les milliers de mères, de pères, de frères et de sœurs dans ce pays qui luttent comme moi pour obtenir justice et retrouver la paix. », a-t-elle déclaré.

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