NÉPAL - Les dirigeants de trois organisations de défense des droits humains appellent à des sanctions ciblées

Index AI : ASA 31/019/2006

(Genève) Le roi Gyanendra du Népal, ainsi que les plus hauts fonctionnaires et chefs militaires népalais devraient être interdits d’entrée dans les autres pays et leurs avoirs personnels en dehors du pays devraient être gelés, ont déclaré Amnesty International, Human Rights Watch et la Commission internationale de juristes. Les trois organisations ont lancé cet appel au cours d’une rencontre internationale à Genève, organisée à l’initiative du gouvernement suisse pour évaluer le bilan du Népal en matière de droits humains.

Le roi Gyanendra a pris les pleins pouvoirs le 1er février 2005. De graves violations des droits humains se sont produites depuis, sous sa responsabilité et celle de ses collaborateurs ; des milliers d’opposants ont été arrêtés arbitrairement, des détenus soumis à des actes de torture et mauvais traitements et de sévères restrictions ont été imposées à la liberté de parole et de réunion. L’armée continue de bafouer le droit international humanitaire et relatif aux droits humains dans sa guerre contre les insurgés maoïstes.

Selon les organisations, les sanctions devraient viser les personnes directement responsables de la mise en place ou de l’application de politiques portant atteinte aux droits humains ; sont concernés le roi Gyanendra, son bras droit le vice-président du conseil des ministres Tulsi Giri, son ministre de l’Intérieur Kamal Thapa, son ministre de la Justice Niranja Thapa et son ministre de l’Information Srish Shamsher Rana. Les sanctions devraient également concerner les officiers en charge de la sécurité au plus haut niveau, comme le chef d’état-major de l’armée le général Pyar Jung Thapa, l’inspecteur général de la police Shyam Bhakta Thapa et l’inspecteur général de la force de police armée Shahabir Thapa.

« Le coût humain du conflit au Népal est catastrophique : il y a eu des morts, des « disparus », des femmes ont été agressées et violées, des enfants enlevés et enrôlés comme combattants et les opposants au régime sont arrêtés et enfermés, a déclaré Irene Khan, secrétaire générale d’Amnesty International. Le gouvernement du roi Gyanendra semble indifférent aux souffrances de son peuple. C’est maintenant à la communauté internationale de faire pression, au moyen de sanctions ciblées qui auront un impact direct sur le roi et son entourage. »

Pour les trois organisations de défense des droits humains, les sanctions ne devraient être levées que lorsqu’il apparaîtra clairement que le gouvernement du Népal a satisfait aux exigences énoncées par la Commission des droits de l’homme des Nations unies, dans sa résolution 2005 sur le Népal.

Les plus gros fournisseurs d’aide militaire au Népal - l’Inde, les États-Unis et le Royaume-Uni - ont déjà suspendu leurs transferts d’aide militaire létale au gouvernement du Népal. Les armées étrangères, celles de l’Inde, des États-Unis et du Royaume-Uni en particulier, devraient dire clairement qu’elles ne procèderont pas à des échanges normaux avec l’Armée royale népalaise tant qu’une amélioration notable du bilan de ce pays en matière de droits humains n’aura pas été constatée.

« Des sanctions visant le roi et les personnalités au sommet de la hiérarchie de l’État sont nécessaires pour faire cesser les graves atteintes aux droits humains qui se produisent au Népal et contraindre les dirigeants à un changement d’attitude, a déclaré Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch. Le gouvernement du roi Gyanendra a montré qu’il ne cèderait à la pression internationale que si ses intérêts étaient en jeu. »

Des atteintes aux droits humains ont été perpétrées par le gouvernement tout au long de l’année dernière, en dépit des efforts menés sur place par le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies et malgré la résolution forte, adoptée par la Commission des droits de l’homme des Nations unies le 20 avril 2005, demandant avec insistance au gouvernement du Népal de mettre un terme aux arrestations arbitraires et exécutions extrajudiciaires, à la torture et aux mauvais traitements et de lever l’impunité accordée aux membres des forces de sécurité responsables d’atteintes aux droits humains.

Le non-respect affiché des droits humains par le gouvernement népalais a pris un tour encore plus menaçant à la veille des manifestations en faveur de la démocratie, annoncées du 6 au 9 avril. Des membres de la police et de l’armée, sous les ordres directs du souverain, ont fait un usage excessif de la force en réponse aux manifestations qui se déroulaient dans tout le pays. Au moins six personnes ont été tuées et des centaines d’autres ont été blessées. Les autorités ont arrêté des milliers de manifestants. Plus de 800 sont toujours détenus au titre de la Loi relative à la sécurité publique, beaucoup n’ont pu contacter ni leur famille ni un avocat.

« Le Népal est en situation de double crise - avec d’une part le conflit armé et d’autre part le conflit autour de la question de la démocratie, a déclaré Nicholas Howen, secrétaire général de la Commission internationale de juristes. En balayant toute idée de démocratie et en cherchant à étouffer toute protestation ou dissension légitimes, le roi refuse à son peuple l’espace démocratique dont il a besoin pour décider de son avenir et résoudre le conflit pacifiquement. Il est temps pour la communauté internationale d’intensifier ses efforts. »

La dernière répression politique n’a fait qu’accentuer la crise, pourtant déjà grave, en matière de droits humains. La guerre civile qui sévit au Népal depuis une dizaine d’années a coûté la vie à des milliers de civils, contraint des centaines de milliers de personnes à fuir de chez elles et limité l’accès de tous à la nourriture, aux services de santé et à l’éducation. Les deux parties au conflit ont commis des violations flagrantes du droit international humanitaire et relatif aux droits humains. Les trois organisations ont renouvelé leurs appels répétés au Parti communiste népalais (maoïste) pour qu’il mette un terme aux pratiques condamnées par la Commission des droits de l’homme en 2005. Les organisations ont mis en garde contre le fait qu’une crise humanitaire combinée à une crise des droits humains aurait des implications au niveau de la sécurité régionale.

Les groupes de défense des droits humains ont lancé un appel au Conseil de sécurité des Nations unies pour qu’il inscrive à son ordre du jour la crise des droits humains au Népal et impose un régime global de sanctions ciblées à l’égard des plus hauts responsables népalais. Ils ont invité les voisins du Népal et ses principaux donateurs, l’Inde, la Chine, le Japon, l’Union européenne et les États-Unis en particulier, à œuvrer ensemble à la mise en place immédiate de sanctions.

Les organisations ont rappelé que les responsables présumés de violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains devaient être tenus pour responsables et passibles de poursuites pénales à titre individuel.

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