NÉPAL - Une crise des droits humains attisée par des exportations d’armes irresponsables

Index AI : ASA 31/051/2005

Amnesty International a révélé ce mercredi 15 juin 2005 que les armes et l’assistance militaire fournies au Népal par des pays tels que les États-Unis, l’Inde et le Royaume-Uni au mépris de leurs responsabilités, ont favorisé le meurtre, la torture, l’enlèvement et la « disparition » de milliers de civils.

L’organisation de défense des droits humains a demandé à ces gouvernements et à d’autres - dont la Belgique et l’Afrique du Sud, qui ont récemment apporté une assistance militaire, ainsi que la France, qui fournit des pièces indispensables aux hélicoptères assemblés et livrés par l’Inde - de ne pas reprendre les livraisons d’armes ni l’assistance militaire à destination du Népal, tant que les forces de sécurité n’auront pas fait la preuve qu’elles respecteront les droits humains.

Dans un nouveau rapport, Amnesty International met en avant les arguments qui militent en faveur de la suspension vers le Népal de tous les transferts d’armes, de logistique associée et de matériel relatif à la sécurité, susceptibles de servir à commettre de graves atteintes aux libertés fondamentales.

Ce rapport, intitulé Nepal : Military assistance contributing to grave human rights violations, braque tout particulièrement les projecteurs sur l’aide militaire, les transferts d’armes et la formation fournis aux forces armées népalaises par les gouvernements cités au cours du conflit armé qui oppose depuis neuf ans l’armée népalaise au Parti communiste népalais (PCN) maoïste. Il examine également les livraisons d’armes opérées par des entreprises privées et le rôle des gouvernements dans l’octroi de licences d’exportation permettant ces transactions.

Bien que des preuves accablantes attestent de l’utilisation par les deux parties au conflit de cette aide militaire pour tuer et enlever des civils, elle n’a été suspendue que récemment - et se poursuit dans certains cas.

« Le conflit étant sur le point de s’intensifier, il serait totalement irresponsable de continuer d’apporter une assistance militaire. Les armes ne doivent pas être exportées tant qu’elles risquent de servir à commettre de graves atteintes aux droits humains. Le passé nous a déjà démontré que ce sont les civils qui en pâtissent le plus », a déclaré Purna Sen, directrice du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

Voici les principales conclusions de ce rapport :

 L’exportation de 25 000 fusils d’assaut 5,56 mm (INSAS, Indian Small Arms Systems) de l’Inde vers le Népal, lors même que des éléments prouvent qu’ils ont servi à perpétrer de graves violations des libertés fondamentales ; 19 suspects maoïstes non armés ont par exemple été tués par les forces de sécurité népalaises en août 2003.

 La livraison par l’Inde d’hélicoptères de combat Lancer, produits sous licence de la société française Eurocopter ; l’Armée royale népalaise s’en sert pour attaquer des rassemblements de masse organisés par les maoïstes dans des villages, attaques se soldant fréquemment par la mort de civils.

 Le transfert depuis les États-Unis de 20 000 fusils d’assaut automatiques M16 destinés aux forces de sécurité népalaises et de plus de 23 millions d’euro en fonds militaires depuis 2001.

 La livraison par le Royaume-Uni d’avions Islander à décollage et atterrissage courts pour des besoins logistiques ; toutefois, aucun système de suivi jusqu’à l’utilisateur final ne garantit que ces avions ne seront pas par la suite équipés d’armements.

 L’octroi en 2001 par le Royaume-Uni de licences d’exportation pour diverses cargaisons d’armes légères, notamment 6 780 fusils d’assaut, en violation des dispositions du Code de conduite de l’Union européenne en matière d’exportation d’armements (1998).

 Une application incohérente du Code de conduite de l’Union européenne en matière d’exportation d’armements : la Belgique a vendu 5 000 mitrailleuses légères Minimi au Népal en 2002, alors que l’Allemagne avait précédemment refusé de fournir des armes analogues en invoquant des motifs relatifs aux droits humains.

 Une formation dispensée aux forces de sécurité népalaises par les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Inde, sans qu’une procédure de contrôle transparente ne soit mise en place en vue d’écarter toute personne contre laquelle il existe des charges suffisantes de violations flagrantes des droits humains.

 La livraison d’équipement de communication militaire au Népal par l’Afrique du Sud en 2003.

 L’incapacité des Nations unies à effectuer de manière indépendante un contrôle de sécurité sur les membres de l’Armée royale népalaise prenant part aux missions de maintien de la paix de l’ONU, en dépit d’informations selon lesquelles des soldats soupçonnés d’avoir participé à des exécutions extrajudiciaires ont été par la suite déployés dans le cadre de ces missions.

Amnesty International demande la suspension de toutes les livraisons d’armes et de toute assistance militaire à destination du Népal, jusqu’à ce que le gouvernement prenne des mesures concrètes afin de mettre fin aux violations des libertés fondamentales et de déférer les responsables présumés à la justice. Concrètement, le gouvernement népalais doit mettre en œuvre les recommandations de la Commission des droits de l’homme des Nations unies, inscrites dans sa résolution d’avril 2005. Il doit notamment mettre un terme aux arrestations arbitraires et aux « disparitions », faire la lumière sur le sort de tous les « disparus », modifier les textes législatifs relatifs à la sécurité, conduire dans les plus brefs délais des enquêtes indépendantes et impartiales sur toutes les allégations d’atteintes aux droits humains et traduire en justice tous les responsables présumés.

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter le Service Presse d’Amnesty International au 02 543 79 04 ou consulter les sites http://www.amnesty.be et http://www.amnesty.org.

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