Nicaragua. Il faut que la Cour constitutionnelle se prononce sur la légalité de la nouvelle loi sur l’avortement

COMMUNIQUE DE PRESSE

ÉFAI-
6 novembre 2009

Amnesty International a déploré le 6 novembre que la Cour suprême nicaraguayenne tarde à rendre sa décision quant à la légalité de nouvelles lois pénales sur l’avortement entrées en vigueur en 2008.

La Cour devait se prononcer en mai 2009 sur la constitutionnalité d’une interdiction totale de l’avortement y compris lorsque la vie d’une femme ou d’une jeune fille enceinte est menacée ou que la grossesse est le fruit d’un viol ou de l’inceste.

« Tant que cette interdiction totale sera en place, des victimes de viol et d’inceste – dont certaines sont elles-mêmes des enfants – seront contraintes de donner naissance », a déclaré Kerrie Howard.

«  Des femmes et des jeunes filles enceintes se voient privées de soins médicaux vitaux, et des professionnels de la santé sont poursuivis pour avoir fait leur métier.

«  La vie de nombreuses femmes et jeunes filles dépend de la décision de la Cour, a ajouté Kerrie Howard.

« Nous sommes très préoccupés par cette incertitude et par le fait que la Cour continue à repousser sa décision. »

Tout retard dans la justice est un déni de justice. Des femmes meurent au Nicaragua parce que la Cour manque à son devoir consistant à respecter leurs droits.

Depuis l’adoption de cette interdiction, quatre comités d’experts des Nations unies chargés du suivi de l’application des traités ont fait savoir au gouvernement nicaraguayen qu’elle constituait une infraction à l’obligation qui est faite aux autorités de protéger les droits des femmes et des jeunes filles.

Selon des chiffres officiels, 33 femmes et jeunes filles sont mortes au cours de leur grossesse depuis le début de l’année 2009, contre 20 sur la même période en 2008. Amnesty International estime que ces chiffres sont en-deçà de la réalité, le gouvernement lui-même ayant reconnu que le taux de mortalité maternelle était sous-évalué.

Le 27 juillet 2009, l’organisation a publié une étude intitulée Interdiction totale de l’avortement au Nicaragua : la santé et la vie des femmes en danger, les professionnels de la santé passibles de sanctions pénales, consacrée aux implications en termes de droits humains du refus de pratiquer l’avortement lorsque la vie ou la santé de la femme ou de la jeune fille est en péril, y compris lorsqu’elle a été victime d’inceste ou de viol.

Dans un des appels adressés par Amnesty International à la chambre constitutionnelle de la Cour suprême du Nicaragua, l’organisation exhortait cette dernière à se prononcer de toute urgence sur la légalité et la constitutionnalité de cette loi, conformément aux règles et procédures en usage dans cette Cour.


Informations générales

Au Nicaragua, le Code pénal révisé prévoit des peines d’un à deux ans d’emprisonnement pour les femmes et les jeunes filles qui sollicitent une interruption de grossesse et d’un à trois ans pour les professionnels de santé qui prodiguent des soins liés à l’avortement. Seuls 3 % des pays du monde ont adopté l’interdiction absolue de l’avortement.

Aux termes de cette législation, les femmes et les jeunes filles qui font une fausse couche sont elles aussi passibles de sanctions, car il s’avère bien souvent impossible de faire la différence entre un avortement spontané ou provoqué. Des procureurs trop zélés se sont appuyés sur cette loi pour poursuivre des femmes ayant connu le traumatisme physique et psychologique d’une fausse couche.

Cette nouvelle loi entre en conflit avec les règles et protocoles obstétriques définis par le ministère nicaraguayen de la Santé, qui prescrivent l’avortement thérapeutique dans certains cas précis. Le Code pénal ne prévoit aucune exception.

Lors de la mission effectuée à l’occasion du lancement du rapport intitulé Interdiction totale de l’avortement au Nicaragua : la santé et la vie des femmes en danger, les professionnels de la santé passibles de sanctions pénales (27 juillet, AMR 43/004/209), des délégués d’Amnesty International ont rencontré des jeunes filles – dont certaines n’avaient pas plus de douze ans – qui, après avoir subi des violences sexuelles aux mains de parents proches ou d’amis de la famille, ont été obligées de mener à terme la grossesse en ayant résulté – donnant ainsi naissance dans de nombreux cas à leur propre frère ou sœur – parce qu’aucune autre solution n’était à leur portée.

Des obstétriciens, des gynécologues et des médecins de famille au Nicaragua ont indiqué à Amnesty International qu’en vertu de ce nouveau Code pénal, ils ne sont plus en mesure de prodiguer légalement des soins efficaces à des femmes et des jeunes filles enceintes atteintes de maladies potentiellement mortelles, en raison des risques qu’encourt le fœtus. Le nouveau Code pénal prévoit des sanctions pénales pour le personnel soignant qui prodigue des soins à une femme ou une jeune fille enceinte souffrant de maladies telles que le cancer ou de graves troubles cardiaques, si ce traitement est contre-indiqué en cas de grossesse et risque de nuire à la santé de l’embryon ou du fœtus ou de causer sa mort.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit