Nigeria : Amina Lawal : le double langage du gouvernement nigérian

Index AI : AFR 44/022/02

À l’approche des élections présidentielles, législatives et dans les États,
prévues en 2003, et à l’heure où l’attention internationale se tourne vers
Abuja, où doit se tenir l’élection de Miss Monde en décembre, Amnesty
International s’inquiète de ce qu’aucune date n’a encore été fixée pour
l’examen de l’appel interjeté en août 2002 devant la haute cour d’appel
islamique de Katsina par Amina Lawal, condamnée à mort.

L’organisation craint que les déclarations contradictoires des autorités du
pays et des États au sujet des Nigérians condamnés à mort, comme Amina
Lawal, par des tribunaux du nord du pays en application de codes pénaux se
fondant sur la charia (droit musulman), n’entraînent une nouvelle
détérioration des droits fondamentaux de ces personnes.

" Le gouvernement fédéral semble délibérément tenir deux discours
contradictoires : un pour le public nigérian, et un pour le public
international. En effet, malgré les assurances du président Obasanjo, le
gouvernement n’a toujours pas pris de mesures efficaces pour garantir que
les nouvelles lois pénales islamiques soient conformes à la Constitution
nigériane et aux obligations du pays aux termes des instruments
internationaux relatifs aux droits humains. "

" L’argument selon lequel les États de la fédération ont le droit d’adopter
leurs propres codes pénaux n’est pas recevable car ces codes contiennent des
dispositions contraires aux normes relatives aux droits humains. Or, ces
normes doivent être respectées dans tout le pays, tant au niveau fédéral
qu’au niveau des États ", a déclaré Amnesty International.

Le président Obasanjo, qui a affirmé à plusieurs reprises son opposition à
l’application de la peine de mort dans son pays, a déclaré lors d’une
apparition en public le 1er octobre 2002 : " …nous ne pouvons pas imaginer
ou envisager qu’un Nigérian soit exécuté par lapidation […] cela n’est
jamais arrivé. Et j’espère que cela n’arrivera jamais ".

Le 20 août 2002, le ministre de la Justice, Kanu Agabi, a annoncé que son
gouvernement allait contester la décision d’un tribunal islamique de
débouter Amina Lawal de son appel ; il a ajouté que " la condamnation à mort
d’Amina […] soulevait un certain nombre de questions importantes en termes
de droit et de pratique, qui méritaient l’attention de la Cour d’appel ".

Cependant, le 4 novembre, le ministre des Affaires étrangères nigérian, Sule
Lamido, aurait défendu le recours à la charia en général, évitant de se
prononcer précisément sur le problème de l’adoption et de la mise en
application des nouveaux codes pénaux, qui sont à l’origine d’un changement
radical dans la manière dont la charia est appliquée au Nigéria. Ces
nouveaux codes pénaux remettent sérieusement en question la Constitution
nigériane et les obligations du Nigéria aux termes du droit international
relatif aux droits humains, notamment de la Convention contre la torture et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (PICDP) et de la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

" Le délai très long entre la condamnation d’Amina Lawal et l’audience en
appel, pour laquelle une date n’a toujours pas été fixée, a pour conséquence
qu’aujourd’hui encore cette femme vit avec l’inquiétude d’être exécutée ", a
déclaré Amnesty International.

" La vérité est que, malgré l’indignation largement exprimée par la
communauté internationale, Amina Lawal, Ahmadu Ibrahim, Fatima Usman, Yunusa
Rafin Chiyawa et Sarimu Mohammed risquent toujours l’exécution, et que des
peines cruelles, inhumaines et dégradantes, telles que la flagellation et
l’amputation, sont prononcées régulièrement par des tribunaux islamiques
dans le nord du Nigéria ", a ajouté l’organisation de défense des droits
humains.

Complément d’information
Depuis 1999, plusieurs États du nord du Nigéria ont progressivement mis en
place des lois pénales basées sur la charia. Ils ont ainsi ouvert la porte à
l’application de la peine de mort, de la torture et d’autres châtiments
cruels, inhumains et dégradants.
La Constitution nigériane garantit le droit à la vie, le droit de ne pas
subir de torture ni de châtiments cruels, inhumains et dégradants et le
droit à un procès équitable. Par ailleurs, le Nigéria est partie à la
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants et au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques. Ce pacte protège le droit à la vie et stipule que, dans les
pays qui n’ont pas aboli la peine de mort, une sentence de mort ne peut être
prononcée que pour " les crimes les plus graves ". Cette disposition a été
interprétée par différents organes des Nations unies, tels que la Commission
des droits de l’homme, comme une obligation pour les États " de veiller à ce
que la notion de "crimes les plus graves" ne s’entende que des crimes
intentionnels ayant des conséquences fatales ou extrêmement graves et à ce
que la peine de mort ne soit pas imposée pour des actes non violents "
(résolution 2002/77 de la Commission des droits de l’homme, paragraphe 4-c)

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