NIGÉRIA - Déclaration commune sur la peine de mort

Index AI : AFR 44/015/2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

Tandis que la Conférence nationale sur la réforme politique au Nigéria se prépare à reprendre ses travaux la semaine prochaine, Amnesty International a condamné les recommandations soumises par son Comité chargé de la réforme judiciaire et juridique, qui préconise que les mineurs ayant commis des crimes atroces puissent être exécutés.

La déclaration d’Amnesty International a reçu le soutien de la Nigerian Coalition on Death Penalty Abolition (NCDPA, Coalition nigériane pour l’abolition de la peine de mort), du Human Rights Law Service (HURILAWS, Service juridique spécialisé en droits humains) et du Legal Resources Consortium.

Présidé par le Prince Bola Ajibola, haut-commissaire (ambassadeur) du Nigéria, le Comité chargé de la réforme judiciaire et juridique propose dans son rapport final au chapitre 10, recommandation 7 : « La peine capitale et les graves châtiments corporels doivent être réservés uniquement aux jeunes qui se sont livrés à des crimes odieux, tels que le vol à main armée et le sectarisme. » Cela est d’autant plus grave que ces propositions risquent d’influer sur la nouvelle Constitution nigériane.

Amnesty International a fait observer que cette recommandation n’est pas compatible avec les obligations juridiques qui incombent au Nigéria au titre de l’article 37-a de la Convention relative aux droits de l’enfant, de l’article 6-5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et de l’article 5-3 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, instruments que le Nigéria a ratifiés. En vertu du droit international, les tribunaux ne doivent pas condamner à mort des personnes âgées de moins de dix-huit ans au moment des faits qui leur sont reprochés - et ce quel que soit leur âge au moment du procès ou de la condamnation.

En outre, cette recommandation vient contredire les avis favorables à un moratoire sur toutes les exécutions émanant du Groupe national d’étude sur la peine de mort, créé à l’initiative du président Obasanjo et inauguré par le ministre fédéral de la Justice en octobre 2003. Dans son rapport final, dont Amnesty International a pris connaissance, ce groupe d’étude préconise que toutes les exécutions soient suspendues jusqu’à ce que le système judiciaire nigérian puisse garantir des procès équitables et une procédure régulière. Comme le précise ce rapport : « Un système susceptible de prendre une vie doit tout d’abord rendre justice. »

Enfin, cela va à l’encontre des évolutions encourageantes que connaissent l’Afrique de l’Ouest et le monde entier en faveur de l’abolition de la peine capitale. Le Sénégal, notamment, a aboli ce châtiment en décembre 2004.

Amnesty International partage les préoccupations que les recommandations du Comité chargé de la réforme judiciaire et juridique ont soulevées parmi les organisations de la société civile nigériane, dont la NCDPA, le HURILAWS et le Legal Resources Consortium. L’organisation de défense des droits humains exhorte le gouvernement du Nigéria à se conformer au droit international en abolissant la peine capitale pour tous les crimes commis par des mineurs. Ce gouvernement doit en outre adopter une position progressiste sur cette question et abolir ce châtiment pour tous les crimes.

Selon Amnesty International, la peine de mort viole le droit à la vie et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. Dans son application au Nigéria, elle bafoue également le droit de ne pas être victime de discrimination, la liberté d’expression et d’association et le droit au respect de la vie privée. En effet, elle peut être prononcée en vue de condamner des comportements sexuels au titre des nouvelles lois pénales fondées sur la charia adoptées depuis 1999. S’opposant de manière inconditionnelle à l’usage de la peine capitale dans tous les cas et pour tous les crimes, l’organisation de défense des droits humains mène actuellement une campagne en faveur de l’abolition en Afrique de l’Ouest.

Complément d’information

Le 21 février 2005, le président Obasanjo a inauguré la Conférence nationale sur la réforme politique, qui a pour but de définir comment développer les principes et la pratique démocratiques au sein de la République fédérale du Nigéria. Présidée par le juge Niki Tobi, cette Conférence débat des questions suivantes : les réformes constitutionnelle, politique, électorale, judiciaire et juridique, les réformes de la police, du système pénitentiaire et de la société civile, le renforcement de la consultation et du consensus, et la réforme de la structure du gouvernement et de la conduite des affaires publiques. Se déroulant à Abuja, cette Conférence réunit plusieurs centaines de délégués, dont des représentants des 36 États de la Fédération, des dignitaires religieux, des dirigeants traditionnels, des partis politiques et des syndicats. Toutefois, les organisations de défense des droits des femmes ont dénoncé la représentation non proportionnelle des femmes au sein de cette Conférence. Après une interruption, les délégués reprendront leurs travaux le 11 juillet pour les délibérations finales.

Toujours inscrite dans le recueil de lois nigérian, la peine de mort n’est pas prohibée par la Constitution de 1999 de la République fédérale du Nigéria. Sa section 33-1 autorise la peine capitale, sans préciser d’exception pour les mineurs âgés de moins de dix-huit ans : « Chacun jouit du droit à la vie et nul ne sera privé intentionnellement de sa vie, excepté dans le cadre de l’application d’une peine prononcée par un tribunal pour une infraction pénale dont il a été reconnu coupable au Nigéria. » [traduction non officielle] Le Code pénal (Penal Code) applicable dans les États du Nord depuis 1959, le Code criminel (Criminal Code) applicable dans les États du Sud depuis 1961 et les lois pénales fondées sur la charia prévoient tous la peine capitale pour un éventail d’infractions pénales.

La Nigerian Coalition on Death Penalty Abolition (NCDPA, Coalition nigériane pour l’abolition de la peine de mort) est une coalition d’ONG, d’organismes médiatiques, d’organisations professionnelles et de particuliers, engagés en faveur de l’abolition de la peine capitale au Nigéria et de la réforme de la justice pénale. Human Rights Law Service (HURILAWS, Service juridique spécialisé en droits humains) est un groupe qui milite en faveur des droits humains et du développement.

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter le Service Presse d’Amnesty International au 02 543 79 04 ou consulter les sites http://www.amnesty.be et http://www.amnesty.org

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