Communiqué de presse

Nigeria. Il faut mettre un terme aux homicides illégaux imputables à la Force d’intervention conjointe à Maiduguri

Amnesty International et d’éminentes organisations de défense des droits humains au Nigeria condamnent jeudi 14 juillet les violations des droits humains perpétrées par les forces de sécurité nigérianes dans l’État de Borno en réaction aux exactions commises par le groupe Boko Haram. Les forces de sécurité ont tué en toute illégalité des dizaines de personnes, et ont aussi agressé brutalement et placé en détention illégale de nombreux habitants.

Les organisations condamnent également le récent attentat attribué à Boko Haram, dans le nord du Nigeria. Plus de 140 personnes ont trouvé la mort lors de ces attaques depuis le mois de janvier, dont des membres des forces de sécurité.

Selon certaines informations, à la suite de l’attentat que Boko Haram a perpétré dans le secteur de Kaleri Ngomari Custain à Maiduguri le 9 juillet, les forces de sécurité nigérianes ont bouclé la zone, fouillé systématiquement chaque maison et usé de méthodes brutales et illégales contre la population.

Au moins 25 personnes auraient été abattues par la Force d’intervention conjointe (JTF). De nombreux hommes et jeunes garçons sont portés disparus. Selon des témoins, la JTF a incendié plusieurs maisons, forçant leurs occupants à s’enfuir. Elle a également roué de coups de nombreux habitants, dont des femmes et des enfants. Au moins 45 personnes auraient été blessées lors de ces opérations.

Les organisations demandent au gouvernement nigérian de mettre immédiatement fin aux violations des droits humains et aux homicides illégaux perpétrés par la JTF. Il doit enquêter sur ces meurtres et traduire en justice toute personne présumée responsable de ces crimes odieux. Les allégations selon lesquelles des membres de la JTF ont violé des femmes doivent également faire l’objet d’investigations, et les auteurs présumés doivent comparaître devant les tribunaux. La sécurité nationale ne saurait être assurée au détriment du respect des droits humains, notamment du droit à la vie, à la vie privée, à la dignité des êtres humains, au logement et du droit de circuler librement.

Selon certaines informations, les membres de la JTF ont menacé d’abattre quiconque ne les avertirait pas de la présence de bombes. Des milliers de personnes vivant à Maiduguri ont déjà quitté la ville et beaucoup continuent de fuir ; des familles entières sont déplacées et quittent leur foyer, ce qui les déstabilise et ajoute au traumatisme émotionnel et psychologique.

Amnesty International et les organisations de défense des droits humains au Nigeria condamnent toutes les exécutions illégales, qu’elles soient le fait des forces armées contrôlées par le gouvernement ou des groupes armés.
Les attaques imputables aux groupes armés n’exonèrent pas le gouvernement nigérian de la responsabilité qui lui incombe de conduire des opérations de sécurité dans le respect du droit national et international et sans fouler aux pieds les droits fondamentaux de son peuple. Les homicides arbitraires et illégaux dont se sont rendues responsables les forces de sécurité ces derniers jours sont révoltants et doivent cesser immédiatement.

Le Nigeria ne doit pas promouvoir la sécurité au détriment des droits humains. Il incombe aux gouvernements de prévenir et de sanctionner les atteintes aux droits humains, mais ils doivent s’en acquitter tout en respectant pleinement les droits fondamentaux, les limites de la légalité, les cadres juridiques établis et l’état de droit. Obligation morale et légale, le fait de respecter les droits fondamentaux s’avère également plus efficace sur le long terme. Les agissements déplorables de la JTF, les exécutions et les détentions illégales, avivent le ressentiment de la population contre les forces de sécurité et minent la confiance placée dans la justice et le gouvernement.

Amnesty International et les organisations de défense des droits humains au Nigeria engagent le président Goodluck Jonathan à mettre immédiatement fin aux atteintes aux droits humains commises par les forces de sécurité et à mettre sur pied des mécanismes chargés d’enquêter sur ces agissements. Il doit déclarer publiquement que toute personne présumée responsable des meurtres qui ont émaillé les opérations menées dans le nord du pays sera déférée à la justice. Enfin, le président doit rendre public le rapport de la commission d’enquête sur les attaques menées par Boko Haram en 2009.


Complément d’information

Plus de 800 personnes, dont 24 policiers, ont trouvé la mort en juillet 2009 au cours d’affrontements qui ont opposé durant une semaine des membres du groupe religieux Boko Haram aux forces de sécurité dans les États de Borno, Kano, Katsina et Yobe. Une commission a été créée en août 2009 pour « enquêter sur les circonstances ayant mené à la crise, notamment le meurtre présumé du dirigeant de Boko Haram et le massacre ou homicide de plus de 17 policiers ». Ni ses conclusions ni ses recommandations n’ont jamais été rendues publiques.

Le 13 juillet 2011, six policiers soupçonnés d’être responsables de l’exécution extrajudiciaire de Muhammad Yusuf ont comparu devant un tribunal. Ils devraient être jugés le 19 juillet.

En juin 2011, le gouvernement fédéral a mis sur pied la Force d’intervention conjointe (JTF) à Maiduguri. Elle est composée de membres de l’armée, de la marine, de l’armée de l’air, de la Direction de la sûreté de l’État et de la police nigériane. Au cours des derniers mois, Amnesty International a reçu de nombreuses informations selon lesquelles les forces de sécurité dans l’État de Borno se sont livrées à des exécutions illégales, à des rafles, à des détentions arbitraires et illégales, à des rackets et à des actes d’intimidation.

Les enquêtes ne semblent pas reposer sur un travail efficace de renseignements : la JTF se contente de boucler des secteurs et de fouiller systématiquement chaque maison, arrêtant et parfois tuant de jeunes hommes. Depuis l’attentat du 9 juillet, ces pratiques s’intensifient.
Depuis juillet 2010, les attentats imputables à des membres présumés de la secte religieuse Boko Haram se sont multipliés. Plus de 250 personnes ont trouvé la mort lors de ces attaques, qui prennent souvent pour cibles des policiers et des représentants du gouvernement. Plusieurs dignitaires religieux ont été tués et des églises ont également été visées. Depuis juin 2011, Boko Haram a également mené des attaques contre des bars et des pubs, faisant un grand nombre de victimes.


Signataires :

Access to Justice

Amnesty International

Bauchi Human Rights Network

Borno Coalition for Democracy and Progress

Centre nigérian pour l’environnement, les droits humains et le développement (CEHRD)

Civil Liberties Organisation Borno state (CLO)

Congrès pour les droits civils (CRC)

Civil Society Legislative Advocacy Centre (CISLAC)

Comité nigérian de défense des droits humains (CDRH)

Fédération des associations des femmes musulmanes au Nigeria (FOMWAN)

Service juridique des droits humains (HURILAWS)

Human Rights Research and Advocacy Centre

Fondation pour l’environnement et le développement social des droits humains (HURSDEF)

Société internationale pour les libertés civiles et la primauté du droit
Avocats sans frontières – Nigeria

Conseil d’aide juridique du Nigeria, État de Borno

Projet de défense et d’assistance juridique (LEDAP)

Network of National Human Rights Institutions in West Africa

Nigeria Bar Association Human Rights Committee, section de Maiduguri

Mouvement humaniste du Nigeria

Forum de solidarité ogoni (OSF)

Forum des patriotes

Social Development Integrated Centre (Social Action)

Projet pour les droits socio-économiques et l’obligation de rendre des comptes (SERAP)

Initiative en faveur de la justice sociale (SJAI)

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