Nigeria. La décision de l’État d’Imo concernant la peine de mort met en péril la vie des victimes

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Jeudi 7 mai 2009, Amnesty International s’est dite consternée par la décision de l’Assemblée de l’État d’Imo d’adopter un projet de loi prévoyant la peine de mort pour toute personne reconnue coupable d’enlèvement ou dont les locaux sont utilisés par un ravisseur pour retenir quelqu’un en otage. L’organisation a exhorté le gouverneur de l’État d’Imo, Ikedi Ohakim, à ne pas promulguer ce projet de loi.

« L’enlèvement est un crime terrible, source d’angoisse tant pour les victimes que pour leurs familles », a déclaré Aster van Kregten, responsable des recherches sur le Nigeria à Amnesty International. « Toutefois, élargir le champ d’application de la peine capitale à ce crime est une mesure régressive qui, loin d’apporter une protection aux victimes, ne fait que les exposer à de plus grands risques. »

« Cette loi peut avoir pour effet d‘inciter les ravisseurs, persuadés qu’ils n’ont " rien à perdre ", à tuer, ce qui se traduirait par une augmentation des meurtres de victimes, de passants innocents et de policiers s’efforçant d’appréhender les criminels. »

D’après Amnesty International, faire de l’enlèvement un crime passible de la peine de mort va à l’encontre de la tendance nationale et mondiale en faveur de l’abolition de ce châtiment, et risque d’encourager des comportements encore plus violents chez les ravisseurs.

« L’expérience a montré que la menace de la peine de mort n’est pas une réponse efficace à la criminalité violente et qu’elle peut en fait exacerber la violence dans une société », a poursuivi Aster van Kregten.

Le maintien de la peine capitale n’a pas fait baisser le nombre de meurtres ou de vols à main armée au Nigeria. Entre 1970 et 1999, plus de 2 600 condamnés à mort ont été exécutés. Pourtant, le taux de criminalité n’a pas diminué.

Selon des études américaines, la peine de mort n’a pas d’effet dissuasif en ce qui concerne le meurtre. Aux États-Unis, le taux moyen d’homicides est plus élevé dans les États qui recourent à la peine de mort que dans ceux qui n’appliquent pas ce châtiment.

Dans les pays l’ayant aboli, le nombre d’homicides a souvent chuté. Au Canada, 27 ans après la suppression de la peine capitale, le taux d’homicides a baissé de 44 p. cent.

« Pour faire preuve de fermeté face aux crimes violents comme l’enlèvement, il convient de renforcer la capacité de la police à repérer les crimes potentiels avant qu’ils ne se produisent et à les prévenir, a confié Aster van Kregten.

« Le gouvernement fédéral doit mettre l’accent sur la formation et les ressources de la police afin de développer la compétence et l’efficacité des investigations. C’est le meilleur moyen pour commencer à protéger les citoyens nigérians contre la criminalité violente – au lieu de proposer des remèdes aussi épidermiques et surannés que la peine de mort. »

Lors de la 4e session de l’Examen Périodique Universel (EPU) des Nations unies à Genève le 9 février 2009, le ministre nigérian des Affaires étrangères a déclaré : « Le Nigeria continue d’observer un moratoire qu’il s’est lui-même imposé sur l’application de la peine de mort ».

« La récente déclaration du gouvernement nigérian dans le cadre d’un forum de l’ONU quant à l’application de ce moratoire a été très largement saluée. Aussi sommes-nous fort déçus de voir l’État d’Imo prendre des mesures allant à l’encontre de cette position », a conclu Aster van Kregten.

« Les gouvernements des États nigérians doivent faire feu de tout bois pour faire écho au moratoire volontaire respecté au niveau fédéral, et non tenter de le fragiliser. »

Note aux rédacteurs
• 139 pays ont aboli la peine capitale en droit ou en pratique. L’Afrique a pratiquement mis fin aux exécutions, puisque seuls quatre des 53 États membres de l’Union africaine auraient ôté la vie à des prisonniers en 2008 : le Botswana, l’Égypte, la Libye et le Soudan.
• En novembre 2008, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, lors de sa 44e session ordinaire à Abuja, a adopté une résolution demandant aux États parties à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples d’observer un moratoire sur la peine de mort.
• Au Nigeria, deux groupes d’experts mis sur pied par l’ancien président Obasanjo – le Groupe national d’étude sur la peine de mort (2004) et la Commission présidentielle sur la réforme de l’administration de la justice (2007) – ont recommandé d’instaurer un moratoire sur les exécutions.
• L’élargissement du champ d’application de la peine de mort va à l’encontre des engagements internationaux souscrits par le Nigeria en matière de droits humains. Adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 8 décembre 1977, la résolution 32/61 précisait : « […] le principal objectif à poursuivre en matière de peine capitale est de restreindre progressivement le nombre de crimes pour lesquels la peine capitale peut être imposée, l’objectif souhaitable étant l’abolition totale de cette peine ».
• Le Comité des droits de l’homme, qui supervise la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) par les États parties, a appelé tous les États à diminuer le nombre de crimes passibles de la peine de mort et à les limiter aux « crimes les plus graves », conformément à l’article 6-2 du PIDCP, en vue d’abolir ce châtiment. Le Nigeria a ratifié le PIDCP en 1993.
• En octobre 2008, un rapport conjoint d’Amnesty International et du Projet de défense et d’assistance juridique (LEDAP), intitulé Nigeria : Waiting for the hangman (AFR 44/020/2008), engageait les autorités nigérianes à instaurer un moratoire sur les exécutions, dans le droit fil des recommandations de leurs propres experts.

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