Nigeria. Les forces de sécurité recourent à la violence contre des manifestants

Déclaration publique

ÉFAI-
13 octobre 2009

Amnesty International condamne le recours excessif à la force par des membres des forces de sécurité dans le quartier du front de mer de Bundu, à Port Harcourt, dans l’État de Rivers, le 12 octobre. Au moins trois personnes ont été tuées et onze gravement blessées lorsque des soldats de la Force d’intervention conjointe (JTF) et des policiers ont fait usage d’armes à feu pour disperser la foule.

Les autorités gouvernementales, accompagnées d’une quarantaine de policiers et de soldats lourdement armés, s’étaient rendues dans le quartier de Bundu le 12 octobre pour estimer la valeur des constructions visées par des projets de démolition. Des groupes d’hommes, de femmes et d’enfants se sont opposés aux policiers et aux soldats, bloquant l’entrée de leur quartier en signe de protestation.

Selon des témoins oculaires, deux véhicules blindés ont foncé dans la foule. Les soldats et les policiers ont ensuite commencé à tirer. La plupart ont tiré en l’air, mais plusieurs agents des forces de sécurité auraient tiré directement sur la foule qui les entourait. Des balles perdues auraient pénétré dans des maisons, des boutiques et des voitures ; un homme a expliqué à Amnesty International que sa sœur avait été touchée à la jambe alors qu’elle se trouvait à l’intérieur de la maison. Des personnes blessées par les tirs se seraient jetées à l’eau pour s’échapper par les mangroves. Onze personnes ont été soignées à l’hôpital pour des blessures causées par des armes à feu. Amnesty International a également reçu des informations selon lesquelles des soldats auraient frappé plusieurs personnes.

Vingt-trois hommes ont été arrêtés et ont comparu devant le tribunal de première instance n°4 de Port Harcourt le 13 octobre où ils ont été inculpés de complot, trouble à l’ordre public et destruction de biens publics. Ils ont ensuite été transférés à la prison de Port Harcourt.

Selon les autorités de l’État de Rivers, à leur arrivée dans le quartier les forces de sécurité ont essuyé des tirs venant de personnes « qui profitent de l’anarchie qui règne dans le quartier du front de mer de Bundu » et ont dû utiliser leurs armes pour se protéger. Les habitants du quartier et les ONG locales réfutent cet argument. Il n’y a eu aucun blessé parmi les soldats et les policiers.

C’était la deuxième fois en une semaine que les autorités tentaient de se rendre dans le quartier pour procéder à une évaluation des biens voués à la démolition. Le 6 octobre, elles en avaient été empêchées par des habitants.

Amnesty International appelle le gouvernement de l’État de Rivers et l’État fédéral à veiller à ce que les forces de sécurité n’aient recours à la force que dans le cadre d’actions menées dans le respect des normes du droit international relatif aux droits humains.

Le recours intentionnel à l’usage meurtrier d’armes à feu n’est admis que lorsque cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines. Amnesty International demande instamment au gouvernement d’ouvrir dans les meilleurs délais une enquête sur les morts et blessures provoquées par l’usage d’armes à feu par la police et la Force d’intervention conjointe. Les agents soupçonnés d’avoir eu recours à une force excessive doivent être jugés lors de procès équitables, conformes aux normes internationales et excluant le recours à la peine de mort.

Complément d’information

Ces évènements se sont produits une semaine seulement après l’acceptation par de nombreux militants du delta du Niger de l’amnistie accordée par le président Yar’Adua à ceux qui acceptaient de déposer leurs armes. Beaucoup ont réintégré leurs communautés et regagné leurs quartiers, notamment celui de Bundu.

Le quartier de Bundu est l’un des plus grands quartiers du front de mer de Port Harcourt. Le gouvernement de l’État de Rivers a entamé la démolition des maisons de plusieurs quartiers situés en bord de mer et offert une compensation financière aux propriétaires de biens situés dans ces quartiers. Aucun relogement n’est proposé. Les habitants qui ne sont pas propriétaires de leur logement ou de leur boutique ou qui sont dans l’incapacité de produire un titre de propriété ne reçoivent aucune compensation financière et ne bénéficient pas non plus d’un relogement.

Le gouverneur Ameachi a souvent annoncé son intention de démolir tous les quartiers du front de mer pour« assainir et mettre un frein aux activités criminelles ». Très récemment, en août 2009, le quartier en bord de mer de Njemanze a été détruit. De nombreuses personnes qui vivaient là n’ont pas obtenu de relogement adéquat. Les prochains habitants menacés d’expulsion sont ceux d’Abonnema Wharf.

Aucune expulsion ne devrait avoir lieu avant que n’aient été explorées toutes les autres alternatives possibles, sans qu’une véritable consultation de la population concernée n’ait été organisée et tant que des garanties adéquates de procédure n’ont pas été mises en place. Toutefois, parmi les personnes confrontées à une menace d’expulsion, beaucoup affirment que la consultation organisée par le gouvernement de leur État n’était pas appropriée. Le gouverneur Ameachi a annoncé qu’il n’indemniserait que les propriétaires, pas les locataires ni les propriétaires de biens construits sans permis. Selon ONU-Habitat (Programme des Nations unies pour les établissements humains) au moins 200 000 personnes seront affectées si le gouvernement de l’État de Rivers procède aux démolitions prévues dans les quartiers du front de mer.

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