Nigéria, des milliers d’enfants sont victimes d’enlèvements imputables à des groupes armés

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Les autorités nigérianes manquent de plus en plus à leur devoir de protection envers les enfants : plus de 1 500 élèves ont été victimes d’enlèvements depuis les événements de Chibok et la peur des enlèvements engendre une forte baisse des inscriptions à l’école.

Huit ans après le terrible enlèvement de 276 lycéennes à Chibok par Boko Haram, plus de 1 500 écolières et écoliers nigérians ont été enlevés par des groupes armés et les autorités nigérianes manquent à leur devoir de les protéger, écrit Amnesty International dans une nouvelle enquête.}

Les récents enlèvements sont menés d’une manière de plus en plus effrontée, illustrant l’incapacité des autorités nigérianes à prévenir ces crimes et montrant qu’elles n’ont pas tiré les leçons de l’enlèvement des lycéennes de Chibok il y a huit ans. Pendant ce temps, les familles des enfants kidnappés perdent tout espoir de retrouver leurs êtres chers.

« Le Nigeria manque à son devoir de protéger les enfants vulnérables. En refusant de réagir aux alertes d’attaques imminentes contre des écoles dans le nord du pays, les autorités nigérianes ne font pas barrage aux enlèvements de masse touchant des milliers d’élèves, a déclaré Osai Ojigho, directrice d’Amnesty International Nigeria.

« Dans tous les cas, fait très choquant, les autorités se montrent très réticentes à enquêter sur ces attaques ou à faire en sorte que les auteurs de ces crimes odieux rendent des comptes devant la justice. Chaque nouvelle attaque s’accompagne de nouveaux enlèvements qui privent les jeunes de leur droit à la liberté et laissent les familles des victimes sans espoir d’avoir accès à la justice, à la vérité ou à des réparations.

« Les autorités se montrent très réticentes à enquêter sur ces attaques ou à faire en sorte que les auteurs de ces crimes odieux rendent des comptes »

« Le Nigeria doit sans attendre respecter la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, à laquelle il est partie. Les autorités nigérianes doivent prendre des mesures concrètes en vue de prévenir les enlèvements d’enfants, veiller à ce que les responsables présumés soient jugés dans le cadre de procès équitables et délivrer les centaines d’enfants encore en captivité. »

La recrudescence des enlèvements génère également des fermetures prolongées d’établissements scolaires. Aussi dans les régions touchées constate-t-on une baisse des inscriptions et de l’assiduité à l’école, ainsi qu’une hausse des mariages d’enfants et des grossesses chez les filles en âge d’être scolarisées.

Des enfants oubliés

Sur plus de 1 500 élèves enlevés dans le nord du Nigeria depuis l’attaque de Chibok le 14 avril 2014, au moins 120 demeurent en captivité. Ce sont pour la plupart des filles et on ignore quel sort leur est réservé.

Sur les 276 lycéennes enlevées à Chibok par Boko Haram, 109 n’ont toujours pas réapparu. Sur 102 étudiant·e·s kidnappés au Federal Government College de Birnin Yauri, neuf sont toujours aux mains de leurs ravisseurs. Sur les 121 élèves enlevés au lycée baptiste Bethel, dans l’État de Kaduna, un seul est toujours en captivité.

Cinq des 19 étudiant·e·s enlevés à l’Université de Greenfield ont été brutalement assassinés, tandis que l’un des 333 étudiant·e·s enlevés à Kankara a également été tué. Cinq des 276 étudiant·e·s kidnappés à Dapchi ont été tués, tandis qu’une étudiante, Leah Sharibu, demeure captive. Cinq des 136 élèves kidnappés à l’école islamique Salihu Tanko, à Tegina, ont aussi été tués.

Stigmatisation et traumatisme

L’une des élèves rentrée chez elle* qu’Amnesty International a interviewée s’est plaint de la stigmatisation qu’elle subit au sein de sa communauté locale depuis son retour : « Ils nous appellent les épouses de Boko Haram et nos enfants ne sont même pas autorisés à se mêler avec les autres enfants du village. »

Une autre a raconté : « Je suis heureuse d’être rentrée à la maison, mais c’est difficile sans aucune aide financière. Le gouvernement a promis de nous aider, mais nous attendons toujours. Je veux juste retourner à l’école et poursuivre mes études. J’espère que le gouvernement tiendra sa promesse et nous viendra en aide. »

Amnesty International a interrogé sept parents d’élèves qui sont toujours en captivité : ils ont raconté leur calvaire, marqué par les traumatismes et les frustrations.

Une mère de lycéennes de Chibok qui sont toujours en captivité a déclaré : « Nous avons envoyé nos enfants à l’école, mais ils ne sont ni à l’école, ni à la maison. Je ne sais pas si je reverrai mes filles un jour. Le traumatisme d’être plongée dans l’ignorance, de ne pas savoir où sont mes enfants me tue à petit feu. Je me dégrade socialement et psychologiquement. »

Une autre mère a indiqué : « Il ne semble pas que le gouvernement soit vraiment mobilisé sur cette question et je n’ai plus d’espoir de retrouver ma fille un jour. Je suis déjà fatiguée de devoir solliciter les autorités. Et puis le soutien et la compassion de la communauté déclinent chaque jour. Je suis désespérée ! Désespérée ! »

Une peur constante

Les parents dont les enfants sont encore scolarisés ont toujours peur les jours où leurs enfants vont à l’école que les ravisseurs reviennent les kidnapper. De même, les parents dont les enfants doivent commencer à étudier se retrouvent confrontés à un dilemme : les inscrire ou non. S’ils le font, ils craignent que leurs enfants ne reviennent pas à la maison.

« Les parents dont les enfants sont encore scolarisés ont toujours peur les jours où leurs enfants vont à l’école que les ravisseurs reviennent les kidnapper »

Lors d’un entretien avec Amnesty International, un père de trois enfants dans la localité de Jangebe a déclaré : « Je suis perdu au moment où je vous parle. Mes amis et moi-même réfléchissons à inscrire ou non nos enfants à l’école. Nous craignons qu’ils ne soient enlevés par des bandits. En fait, dans la plupart des localités alentour, les écoles sont fermées par peur des attaques. »

Complément d’information

En avril 2014, 276 lycéennes ont été kidnappées dans un lycée de Chibok, une petite ville située dans le nord-est du Nigeria. Certaines sont parvenues à s’échapper et d’autres ont finalement été relâchées au prix d’une campagne intense menée par des organisations de la société civile et de négociations engagées par les autorités.

Malgré les efforts entrepris pour les libérer, 109 lycéennes enlevées à Chibok sont toujours en captivité, tandis qu’au moins 16 ont perdu la vie après leur enlèvement.

Entre décembre 2020 et octobre 2021, quelque 1 436 élèves, ainsi que 17 enseignant·e·s, ont été enlevés dans des établissements scolaires au Nigeria par des groupes armés.

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