Les critiques formulées par de hauts responsables nigérians concernant un rapport d’Amnesty International rendant compte d’atteintes aux droits humains attribuées à la police et l’armée nationales sont une tactique de diversion – montrer l’organisation du doigt quand les forces de sécurité devraient plutôt s’attacher à mettre de l’ordre dans leurs rangs.
Toute personne lisant ce rapport, publié sous le titre Nigeria : Trapped in the cycle of violence, peut constater qu’Amnesty International condamne les actions illégales perpétrées par Boko Haram avec autant de fermeté que celles commises par les forces gouvernementales.
Ce document reflète pleinement l’attachement profond d’Amnesty International aux notions d’objectivité et d’impartialité dans le cadre de ses recherches, de ses analyses et de son travail de plaidoyer sur les questions relatives aux droits humains.
Lors de la préparation du rapport, les chercheurs d’Amnesty International ont recueilli les propos de victimes de violences commises tant par Boko Haram que par les forces de sécurité. Ils ont parlé à des magistrats, des médecins, des enseignants, des professionnels de la santé et du monde de l’éducation, des journalistes, des avocats et des représentants d’organisations non gouvernementales de défense des droits humains.
Le rapport final présente des éléments rassemblés à l’occasion de nombreuses missions effectuées au Nigeria sur une période de deux ans, entre 2010 et 2012. Il contient des informations obtenues par le biais d’entretiens téléphoniques et s’appuie sur des affaires pénales, des articles de droit, des documents d’orientation, des rapports médicaux, des vidéos et photos.
Il comporte en outre des renseignements fournis par des représentants de l’armée, de la police et de plusieurs autres branches des pouvoirs publics à la suite de rencontres organisées avec des délégués d’Amnesty International en juillet 2012 dans le but d’évoquer les conclusions et observations préliminaires de ceux-ci.
En août 2012, une synthèse de neuf pages a été envoyée par coursier à des représentants des forces de sécurité et du gouvernement nigérians. Elle contenait les conclusions d’Amnesty International et une liste de plus de 90 cas, précisant l’identité de la personne appréhendée, l’autorité ayant procédé à l’arrestation et d’autres informations pertinentes.
La synthèse incluait en outre des requêtes en faveur de l’ouverture d’enquêtes sur les cas mentionnés et invitait les autorités à faire part de leurs réactions et commentaires. Amnesty International n’a reçu aucune réponse ; elle aurait pourtant fait état de la moindre remontée dans le rapport final.
Afin de protéger les personnes concernées, le nom complet des victimes ne figure pas dans le rapport rendu public en novembre.
Le 1er novembre 2012, à la suite du lancement officiel du rapport, le procureur général fédéral a rencontré des représentants d’Amnesty International au nom du président et du commandant en chef des forces armées nigérianes. Il a affirmé que toutes les violations des droits humains attribuées aux forces de sécurité donneraient lieu à une enquête, et que le Nigeria était déterminé à faire en sorte que les forces de sécurité opèrent à tout moment dans le respect de l’état de droit et des droits humains.
Le procureur général fédéral a par ailleurs déclaré que tout acteur de l’État soupçonné d’avoir porté atteinte aux droits fondamentaux serait traduit en justice. Amnesty International se félicite de cette annonce et espère que les autorités prendront des mesures concrètes dans les meilleurs délais afin de s’attaquer au véritable problème, et qu’elles s’engageront à mener une enquête approfondie sur les violations des droits humains et à traduire les auteurs présumés en justice.
Le gouvernement et les forces de sécurité du Nigeria doivent prendre conscience du fait que la population ne sera véritablement en sécurité que lorsque tous les habitants du pays auront l’assurance que non seulement le risque d’attaques par Boko Haram a diminué, mais également que les forces de sécurité – celles-là mêmes qui sont chargées d’assurer leur protection – ne porteront pas atteinte à leurs droits fondamentaux.
Complément d’information
Amnesty International a rencontré des représentants de l’armée et de la police, des ministres et divers responsables, dont le ministre de la Police, le ministre de l’Intérieur, l’assistant spécial auprès du procureur général fédéral, l’inspecteur général de la police, des représentants du bureau du conseiller national en matière de sécurité, le porte-parole du quartier général des services de défense et le chef de la police de l’État de Borno.
Notre synthèse a été – selon la société de coursiers – reçue par les services ci-après en août 2012 :
– Ministre de la Police (remise le 27 août à 12 h 34) ;
– Procureur général fédéral (remise le 27 août à 12 heures) ;
– Ministre de l’Intérieur (remise le 27 août à 11 h 20) ;
– Ministre des Affaires étrangères (remise le 27 août à 12 h 58) ;
– Conseiller national pour la sécurité (remise le 31 août à 10 h 30) ;
– Quartier général des services de défense (remise le 27 août à 12 h 50) ;
– Inspecteur général de la police (remise le 27 août à 14 h 20) ;
– Directeur général du Service de sécurité de l’État (remise le 29 août à 16 h 25) ;
– Responsable de l’administration carcérale (remise le 28 août à 10 h 56) ;
– Chef de la police de l’État de Borno (remise le 29 août à 12 heures)
– Chef de la police de l’État de Kano (remise le 27 août à 11 h 17).
Une synthèse a également été envoyée au commandant de la Force d’intervention conjointe de l’État de Borno mais elle a été retournée à l’envoyeur, le destinataire ayant refusé d’en accuser réception.