NIGÉRIA : Pas d’impunité pour Charles Taylor

Amnesty International renouvelle son appel au gouvernement nigérian pour qu’il arrête Charles Taylor, inculpé de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et d’autres violations graves du droit international humanitaire par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone.
« Lorsque le président Olusegun Obasanjo a offert "asile" à Charles Taylor le mois dernier, nous avions dit clairement que cela constituait une violation du droit international », a déclaré Amnesty International ce mardi 12 août 2003 après le départ de Charles Taylor du Libéria.
Le gouvernement nigérian doit arrêter Charles Taylor et le remettre au Tribunal spécial ou bien ouvrir une enquête en vue de déterminer si des poursuites pénales ou une procédure d’extradition doivent être entamées devant les tribunaux nigérians.
« Au lieu de chercher à mettre un terme à l’impunité régnante, le Nigéria l’encourage et perpétue ainsi l’un des facteurs ayant le plus contribué à l’apparition de nouveaux conflits en Afrique de l’Ouest, a déclaré Amnesty International. Le Nigéria met aussi en péril l’importante contribution apportée par le Tribunal spécial à la justice, la réconciliation et une paix durable en Sierra Leone. »
L’inculpation rendue publique par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone le 4 juin 2003 accuse Charles Taylor de faire partie des personnes portant la plus grande part de responsabilité dans les crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés en Sierra Leone au cours du conflit armé interne qui a sévi dans ce pays. Parmi ces crimes, on peut citer les meurtres systématiques et généralisés de civils, l’amputation délibérée des membres, le viol et autres formes de violence sexuelle, l’utilisation d’enfants soldats, les enlèvements et le travail forcé.
Le droit international exige que les personnes soupçonnées d’être responsables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et d’autres violations du droit international fassent l’objet d’une enquête et, s’il existe suffisamment de preuves recevables, qu’elles soient traduites en justice.
« Tout État partie aux Conventions de Genève - comme c’est le cas du Nigéria - a l’obligation de traduire en justice devant ses propres tribunaux les personnes ayant commis ou ordonné de sérieuses violations des Conventions, ou de les extrader vers un autre pays susceptible de les juger et d’accord pour le faire, ou de les transférer à une Cour pénale internationale », a déclaré l’organisation.
Le gouvernement du Nigéria est également lié par la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En outre, en ratifiant le statut de Rome de la Cour pénale internationale, le Nigéria s’est engagé à mettre un terme à toute impunité pour les crimes de droit international.
« Nul, quel que soit son statut - et cela inclut les chefs d’État - ne peut bénéficier d’une immunité quelconque pour les crimes les plus graves au regard du droit international, a ajouté Amnesty International. Il ne saurait y avoir d’impunité pour de tels crimes. »
Amnesty International a exprimé sa consternation à la fois au président John Kufuor du Ghana, pays dont les autorités n’ont pas arrêté Charles Taylor alors qu’il se trouvait à Accra le 4 juin, et au président Obasanjo, auteur de l’offre d’"asile" du 6 juillet. L’organisation a également appelé d’autres États d’Afrique de l’Ouest et d’ailleurs à remplir leurs obligations en matière de droit international et à coopérer pleinement avec le Tribunal spécial pour la Sierra Leone.
Le secrétaire général des Nations unies et le Conseil de sécurité ont exprimé de façon constante leur soutien au Tribunal spécial pour la Sierra Leone et demandé à tous les États de coopérer pleinement avec lui.
En outre, le 11 mars 2003, jour d’entrée en fonction des juges de la Cour pénale internationale, le secrétaire général a déclaré : « Il y a des moments où l’on nous dit que la justice doit être mise de côté dans l’intérêt de la paix. Il est vrai que la justice ne peut être dispensée que dans une société pacifiée. Mais nous sommes arrivés à la conclusion que l’inverse est également vrai : il ne saurait y avoir de paix durable sans justice. »
« Nous attendons des Nations unies qu’elles renouvellent ce message auprès du gouvernement nigérian », a déclaré Amnesty International.
Toutes les parties au conflit interne armé du Libéria doivent également être tenues de rendre compte de leurs actes au regard des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis. Des milliers de civils ont été tués, des femmes et des jeunes filles violées, des enfants de moins de dix-huit ans forcés de s’enfuir. Ces crimes ont été commis en toute impunité.
« Le simple départ de Charles Taylor n’apportera pas une paix juste et durable au Libéria, a déclaré Amnesty International. Les Libériens - qui, tout comme leurs voisins de la Sierra Leone, ont si terriblement souffert - doivent voir les responsables des crimes perpétrés contre eux obligés de répondre de leurs actes. »
Le secrétaire général des Nations unies ainsi que le haut-commissaire aux droits de l’homme ont déclaré à plusieurs reprises que les auteurs de ces crimes au Libéria seraient tenus de rendre des comptes à titre individuel.
« Il doit y avoir une enquête approfondie et indépendante sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité qui se sont produits pendant le conflit du Libéria ; les personnes soupçonnées d’être responsables doivent être traduites en justice, a conclu Amnesty International. Il est essentiel que les négociations actuellement en cours pour un accord de paix au Libéria prévoient que soit mis un terme à l’impunité régnante en ce qui concerne les atteintes aux droits humains fondamentaux. »

Index AI : AFR 44/024/2003

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