NIGERIA. Un gouverneur « menace d’exécuter des détenus » afin de désengorger les prisons

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

22 avril 2010

Amnesty International s’est élevée contre une initiative des gouverneurs des États du Nigeria, qui entendraient procéder à l’exécution de condamnés à mort dans le but de désengorger les prisons. L’organisation de défense des droits humains a engagé les autorités à s’attaquer plutôt aux problèmes de fond du système de justice pénale.

Selon des informations publiées dans la presse, le gouverneur de l’État d’Abia (sud-est du pays), Theodore Orji, a fait cette annonce à l’issue d’une réunion qui a rassemblé 36 gouverneurs le 20 avril à Abuja, la capitale du Nigeria.

« Plus des trois cinquièmes des détenus des prisons nigérianes n’ont pas été condamnés pour la moindre infraction, a déclaré Aster van Kregten, responsable des recherches sur le Nigeria au sein d’Amnesty International. Les personnes incarcérées attendent des années, dans des conditions effroyables, avant d’être jugées.

« L’idée que l’exécution de prisonniers permettrait de résoudre ce problème est consternante. »

Selon le ministre nigérian de l’Intérieur, la population carcérale totale s’élève à 46 000 personnes, parmi lesquelles 30 000 environ sont en attente de procès. Très peu ont les moyens de s’offrir les services d’un avocat, et le Conseil d’aide juridique, financé par le gouvernement, ne dispose que d’une centaine d’avocats. Il y a actuellement dans les prisons nigérianes plus de 870 détenus sous le coup de la peine capitale, dont des femmes et des personnes qui étaient mineures au moment des faits pour lesquels elles ont été condamnées.
Les recherches effectuées par Amnesty International montrent qu’un grand nombre de condamnés à mort pourraient être innocents. Dans un système de justice pénale marqué par de graves insuffisances, beaucoup ont été déclarés coupables au terme de procès d’une flagrante iniquité.
Les procès n’arrivent parfois à leur terme qu’au bout de 10 ans, voire davantage, et des condamnés à mort attendent depuis une décennie que leur appel soit examiné. Dans certains cas, les recours ne sont jamais pris en considération car le dossier se perd.
Bien que le droit international interdise d’appliquer la peine capitale pour des crimes commis par des personnes âgées de moins de 18 ans, des mineurs délinquants continuent d’être condamnés à mort au Nigeria.
Deux groupes d’experts mis sur pied par l’ancien président Obasanjo – le Groupe national d’étude sur la peine de mort (2004) et la Commission présidentielle sur la réforme de l’administration de la justice (2007) – ont recommandé d’instaurer un moratoire sur les exécutions, parce que le système de justice pénale ne peut garantir une procédure équitable.
« Les autorités fédérales et celles des États doivent entendre les recommandations formulées par les groupes d’étude qu’elles ont elles-mêmes mis en place, par les ONG locales et par diverses organisations internationales qui, tous, ont constaté que le système judiciaire nigérian était absolument inadapté, a déclaré Aster van Kregten. La surpopulation carcérale persistera tant que ces problèmes de fond n’auront pas été résolus. »

Complément d’information

Lors de sa 44e session ordinaire à Abuja, en novembre 2008, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a adopté une résolution demandant aux États parties à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples d’observer un moratoire sur la peine de mort.
L’Assemblée générale des Nations unies a elle aussi adopté deux résolutions sur l’application de la peine de mort (en décembre 2007 et décembre 2008), demandant aux États qui continuent de recourir à ce châtiment de limiter progressivement son application, de réduire le nombre d’infractions sanctionnées par une sentence capitale et d’instaurer un moratoire sur les exécutions, en vue d’abolir définitivement cette peine.
Le Nigeria n’a pas adopté de moratoire officiel sur les exécutions, mais le ministre fédéral des Affaires étrangères a déclaré en février 2009, lors de la 4e session de l’examen périodique universel des Nations unies, qu’un « moratoire volontaire » était en vigueur.
Toute initiative des autorités – fédérales ou des États – en vue de reprendre les exécutions serait contraire aux engagements prix par le Nigeria au niveau international.

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