Nigeria : Un nombre croissant d’actes d’intimidation, d’arrestations et de raids provoquent la peur des journalistes

• Les arrestations de journalistes instaurent un climat de peur, ayant un effet dissuasif sur les médias
• Au moins 4 journalistes ont été arrêtés arbitrairement en 2018
• Les descentes de police dans des locaux de médias intensifient le climat de peur

Les mesures de répression exercées par les autorités nigérianes sur la presse, avec notamment des descentes de police dans des locaux de médias et des arrestations arbitraires de journalistes, ont un effet très dissuasif sur la population en l’empêchant de s’exprimer librement, a déclaré Amnesty International le 24 janvier 2019.

Alors qu’Amnesty International lance sa campagne Press for freedom pour défendre la liberté d’expression au Nigeria, l’organisation fait état d’au moins quatre arrestations de journalistes en 2018, chiffre qui a doublé depuis 2017. Au cours de la seule première semaine de 2019, les forces de sécurité ont fait une descente dans les bureaux du journal Daily Trust à Abuja et à Maiduguri ; elles y ont arrêté deux journalistes et ont saisi des ordinateurs et des téléphones portables.

« Nous lançons cette campagne parce qu’un climat de peur s’installe dans les salles de presse au Nigeria et que les journalistes ont de plus en plus de mal à faire leur travail. Face à des critiques, les autorités réagissent de plus en plus en procédant à des arrestations, des descentes de police et à des manœuvres d’intimidation, a déclaré Osai Ojigho, directrice d’Amnesty International Nigeria.

« Au Nigeria, les journalistes sont la cible d’attaques et sont confrontés à des risques accrus simplement parce qu’ils ont publié des articles et qu’ils ont demandé des comptes aux autorités. Ceci est tout à fait inacceptable. Les autorités doivent immédiatement mettre un terme au climat hostile auquel sont exposés les journalistes ».

Amnesty International s’est penchée sur les cas de journalistes qui ont été arrêtés, menacés ou qui ont fait l’objet de manœuvres d’intimidation au cours de ces cinq dernières années. Les recherches ont montré une augmentation inquiétante des menaces et des attaques des autorités à l’égard des journalistes nigérians qui ont exprimé des opinions critiques vis-à-vis du gouvernement dans les médias traditionnels ou sur les réseaux sociaux.

Dans certains cas, les forces de sécurité ont intimidé des journalistes qui avaient posé des questions approfondies ou critiqué des politiques gouvernementales.

Des journalistes arrêtés de façon arbitraire et menacés

En 2018, les journalistes Tony Ezimakor du Daily Independent, Musa Abdullahi Kirishi du Daily Trust, Samuel Ogundipe du Premium Times et Olanrewaju Lawal du Daily Sun ont été arrêtés à différents moments, simplement pour avoir fait leur travail.

En 2017, Dapo Olorunyomi, l’éditeur du journal en ligne Premium Times, et Evelyn Okakwu, une journaliste-correspondante, ont été arrêtés après que des forces de sécurité ont fait irruption dans le siège du journal le 19 janvier 2017. Ils ont été arrêtés peu de temps après que le journal a publié un article affirmant que le chef d’état-major des armées du Nigeria n’avait pas déclaré une propriété qu’il possédait à Dubaï, en violation du Code d’éthique de l’armée. Tous deux ont été libérés plus tard sans inculpation.

Le 23 juillet 2016, Abiri Jones, l’éditeur du Weekly Source a été arrêté par des membres du Service de sécurité de l’État, la police secrète nigériane. Il a été détenu au secret sans pouvoir consulter un avocat ni entrer en contact avec sa famille pendant deux ans. Il a été remis en liberté le 15 août 2018.

En août 2016, un mandat d’arrêt a été émis contre le journaliste Ahmed Salkida après qu’il a diffusé des informations sur le conflit en cours avec Boko Haram. Il a été accusé de « liens » avec Boko Haram. Bien qu’il n’ait pas été inculpé, il a depuis lors reçu des menaces de mort.

En octobre 2018, l’éditeur Ja’afar Ja’afar du journal en ligne Daily Nigerian a également reçu plusieurs menaces de mort, qui ont également visé sa famille, après qu’il a publié des vidéos d’un gouverneur en fonction qui aurait reçu un pot-de-vin.

« Les autorités fédérales et des États doivent veiller à ce que les journalistes soient en mesure d’exercer leur droit à la liberté d’expression, conformément au droit international relatif aux droits humains et à la Constitution du Nigeria. Le gouvernement doit faire en sorte que les personnes qui expriment des opinions qui lui déplaisent ne soient ni harcelées ni intimidées par des représentants de l’État », a déclaré Osai Ojigho.

Raids et saisies

Au cours des deux dernières années, deux stations de radio critiques à l’égard du gouvernement ont été contraintes d’interrompre la diffusion de leurs émissions. Les autorités de l’État ont démoli les locaux des stations de radio Breeze FM à Lafiya, dans l’État de Nassarawa, et de Fresh FM à Ibadan, dans l’État d’Oyo, pour des violations présumées du droit foncier. Les deux stations avaient déjà fait l’objet de harcèlement par les autorités et étaient la cible d’une campagne visant à faire taire toute contestation.

En janvier 2017, les forces de sécurité ont fait une descente dans les bureaux du journal Premium Times à Abuja où des journalistes ont été bloqués pendant plusieurs heures.

En juin 2014, des militaires ont tenté d’empêcher la distribution de plusieurs publications en saisissant les exemplaires des journaux nigérians Leadership, Daily Trust, The Nation et Punch. Ils ont également harcelé des distributeurs de ces journaux afin d’empêcher la population d’acheter des exemplaires.

« Les autorités doivent cesser immédiatement leur campagne visant à museler la presse et faire taire les voix critiques. »

« Les journalistes doivent être libres d’enquêter et de couvrir des questions de droits humains et d’intérêt général. Les autorités doivent cesser immédiatement leur campagne visant à museler la presse et faire taire les voix critiques. Personne ne doit être sanctionné pour avoir posé des questions ou exprimé un avis concernant le gouvernement », a déclaré Osai Ojigho.

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