« Nous ne sommes plus sans voix », disent des manifestants à Shell

Lorsque les actionnaires de Shell se réuniront à Londres et aux Pays-Bas pour l’Assemblée générale annuelle de la société, des centaines de personnes dans le delta du Niger espéreront que leur manifestation organisée il y a quelques semaines au Nigeria suscitera peut-être un débat sur ce qu’elles perdent à cause des activités de Shell.

Le 28 avril 2012, je me suis joint à des représentants de sept communautés touchées et de cinq organisations de la société civile dans le delta du Niger pour manifester à Port Harcourt contre Shell et le gouvernement nigérian. Cette manifestation s’inscrivait dans la semaine d’action mondiale d’Amnesty International (21-29 avril) au cours de laquelle l’organisation a appelé Shell à admettre ses responsabilités, à les assumer et à nettoyer la pollution provoquée par ses déversements de pétrole dans le delta du Niger.

Organiser une manifestation publique contre les deux entités qui sont sans doute les plus puissantes du Nigeria– Shell et le gouvernement fédéral – n’est pas chose aisée dans un pays où les policiers sont toujours prêts à tirer sur les manifestants. Pendant que nous défilions pacifiquement dans les rues de Port Harcourt, je sentais la nervosité monter chez les manifestants au fur et à mesure que la présence policière augmentait. L’ambiance dans les rues et parmi les manifestants était tendue. Des camions entiers de policiers armés nous suivaient partout, dans certains cas avec des chars blindés.

Malgré la présence massive des forces de sécurité, qui était quelque peu intimidante, les manifestants s’amusaient en chantant et en dansant sur des morceaux de musiciens nigérians populaires comme Fela Kuti. Sur le côté, des badauds faisaient signe de la main pour montrer leur soutien et demandaient s’ils pouvaient rejoindre le cortège. Des voitures klaxonnaient en signe de solidarité et des personnes venant de rues transversales et de magasins s’arrêtaient pour lire les messages sur les pancartes et les banderoles.

Les manifestants brandissaient des pancartes et des affiches sur lesquelles figuraient divers messages. Certaines adressées à Shell demandaient « cessez de détruire nos terres », d’autres « arrêtez de tuer nos poissons ». J’ai examiné les visages dans la foule et je me suis rendu compte que, parmi les manifestants, beaucoup étaient des agriculteurs ou des pêcheurs, ainsi que des femmes dont les moyens de subsistance avaient été détruits essentiellement par la pollution de leurs terres et de leur environnement à la suite des déversements de pétrole de Shell. Certains avaient parcouru plusieurs kilomètres pour rejoindre cette manifestation à Port Harcourt car ils la voyaient comme l’une des rares occasions pour eux d’exprimer leur colère contre l’injustice socioéconomique et de réclamer la responsabilisation des entreprises dans un pays où elle n’existe guère.

Le défilé, qui a débuté le matin au siège de l’ONG Environmental Rights Action (ERA), s’est achevé devant les locaux de Shell à Port Harcourt. La scène à l’arrivée mélangeait le courage, la colère et une certaine forme de satisfaction. Le niveau de sécurité dans les locaux de Shell et autour est élevé ; l’entrée principale ressemblait à une forteresse. Cependant, avec toutes les pancartes levées et les banderoles devant eux, les manifestants ont continué d’avancer, obligeant les forces de sécurité et certains employés de la société à regarder et écouter les chansons et les hymnes de protestation derrière l’entrée et devant les portes des locaux.

Celestine Akpobari, membre de l’ONG Social Action, a lu à haute voix la déclaration conjointe signée par Amnesty International et huit organisations nigérianes de la société civile. Pendant cette lecture, la police a accru sa présence sur place, en entourant les manifestants mais en créant un petit passage. La déclaration a été suivie par des cris et des chants de protestation. Les manifestants ont ensuite déposé toutes leurs pancartes et un exemplaire de la déclaration devant l’entrée principale de Shell. Alors que nous défilions tous à travers le petit passage laissé par les policiers puis jusqu’aux bus loués par les organisateurs, j’ai vu une expression de satisfaction sur les visages de nombreux manifestants ; ils rentreraient chez eux avec un message : nous ne sommes plus sans voix !

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