« Nous sommes venus ici pour l’éducation et rien d’autre »

Le camp de réfugiés de Pariang se trouve dans une zone déserte du Soudan du Sud, à une heure de route de Yida. Plus de 1 900 élèves de l’enseignement secondaire originaires du Kordofan méridional y sont venus pour poursuivre leur scolarité.

La population nouba du Kordofan méridional accorde une grande importance à l’éducation. La plupart des élèves se sont rendus seuls à Pariang, laissant derrière eux leurs familles dans cette région déchirée par le conflit, où le vrombissement permanent des avions Antonov – qui fait planer la menace d’un bombardement aérien – a forcé de nombreuses écoles à fermer.

Nous avons suivi Louza Omar, une jeune fille de 18 ans originaire de Kauda (Kordofan méridional) qui avait passé le week-end à Yida chez des amis, lors de son trajet jusqu’à Pariang. Elle est arrivée pour la première fois à Pariang le 29 février.

« Il était prévu que je quitte [Kauda] depuis décembre. Mon père est très vieux et avait beaucoup de bétail, mais le bombardement a tué le bétail, si bien qu’il n’a pas pu m’y envoyer. Il ne voulait pas me laisser venir, mais je lui ai parlé de l’importance de l’éducation », nous a raconté Louza.

Quand nous sommes arrivés à Pariang aujourd’hui, cependant, nous avons appris que l’école avait été fermée lundi et ne rouvrirait pas pendant au moins deux semaines. Cet établissement, que les réfugiés du Kordofan méridional étaient temporairement autorisés à utiliser, a été rendu à la population locale lundi, au terme d’un accord de trois mois qui avait été conclu quant à sa jouissance.

Des ONG avaient promis de construire cinq nouvelles écoles pour la population réfugiée, mais à ce jour, une seule structure a été bâtie et elle est dépourvue de bancs et de matériel scolaire. Des projets de construction de dortoirs pour les élèves étaient également en cours, mais les tensions croissantes le long de la frontière entre le Soudan et le Soudan du Sud ont poussé les ONG à retirer leur personnel de Pariang, si bien que les travaux ont été interrompus.

Bien qu’un grand nombre de ces élèves ait plus de 18 ans, ils restent une population vulnérable car ils sont séparés de leurs familles et des systèmes d’accompagnement. Les filles et les garçons dorment dans des parties distinctes du camp, à quatre par tente, à même le sol par une chaleur étouffante.

En raison d’une pénurie d’eau dans le camp, les élèves doivent se lever à 4 heures du matin et faire la queue pendant trois heures pour récupérer leur ration d’eau prévue pour la journée, y compris pour se laver. La partie réservée aux filles comporte trois espaces de douche à la structure fragile et trois latrines exposées aux éléments, qu’elles attendent patiemment d’utiliser avant d’aller à l’école.

Le week-end, les élèves vont chercher du bois ensemble. « Nous partons à 4 heures le week-end pour aller chercher du bois jusqu’à 9 heures. C’est très loin. Pendant la saison humide, nous allons vraiment souffrir. Nous avons besoin de charbon de bois pour nous aider », a ajouté Louza.

Le directeur de l’école du camp a fait part d’autres préoccupations, notamment la piètre qualité de l’enseignement disponible et le manque d’enseignants. Indépendant depuis peu, le Soudan du Sud doit encore produire des manuels d’enseignement secondaire. Pour l’instant, les élèves étudient avec des manuels soudanais, que les enseignants infatigables ont traduits de l’arabe à l’anglais.

À l’approche de la saison des pluies, il est toujours incertain que les réfugiés puissent poursuivre leur scolarité, à laquelle ils sont si attachés.

Louza et les autres élèves ne savent pas trop comment réagir à la fermeture de l’école.

« Il n’y a rien à faire ici ; je ne sais pas quoi faire. Je pourrais retourner à Yida ou dans les monts Nouba [au Kordofan méridional]. Je suis très inquiète pour mes parents et j’ai peur qu’ils ne soient bombardés par des Antonov », a-t-elle déclaré.

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