Déclaration publique
ÉFAI
29 juillet 2009
Amnesty International réitère son appel auprès de gouvernements du monde entier afin de les inciter à restreindre l’utilisation des Tasers et autres pistolets paralysants, à la suite de la publication des conclusions de la commission d’enquête Braidwood au Canada, selon lesquelles ces dispositifs sont susceptibles de causer la mort. Cette enquête étant l’une des plus approfondies menées au sujet de ces armes à ce jour, Amnesty International estime que ces conclusions doivent être prises au sérieux.
L’enquête, pilotée par Thomas Braidwood, juge à la retraite, s’est déroulée en 2008 et a porté sur le recours aux Tasers dans la province de Colombie-Britannique. Le rapport en rendant compte a été diffusé la semaine dernière.
Après avoir examiné des éléments fournies par des sources très variées – notamment des études scientifiques, des cardiologues et des experts en électrophysiologie –, le juge Braidwood a conclu que les armes à transfert d’énergie telles que les Tasers étaient susceptibles de perturber le rythme cardiaque au point d’entraîner la mort, y compris chez des personnes en bonne santé, en particulier lorsque les aiguillons délivrant la décharge électrique sont disposés de part et d’autre du torse.
Il a déterminé que le risque d’arythmie dangereuse augmentait chez les personnes : souffrant de troubles cardiovasculaires ; dont le cœur était déjà stimulé par une douleur ou un stress intense ; qui étaient « minces » et présentaient « une distance plus réduite entre l’épiderme et le cœur » ; porteuses d’un stimulateur cardiaque ou ayant été soumises à plusieurs décharges en suivant.
Le rapport recommande que le seuil minimum justifiant l’utilisation d’une arme à transfert d’énergie passe de la « résistance active » (niveau de menace le plus fréquent auquel ces armes avaient été déployées par la police en Colombie-Britannique) aux cas où les individus visés représentent une menace physique – et uniquement lorsque des solutions moins extrêmes ont été épuisées ou se sont avérées inefficaces.
Il préconise également que tous les agents équipés de pistolets incapacitants portent également sur eux des défibrillateurs (dispositifs électriques servant à rétablir un rythme cardiaque normal) et limitent de manière générale à une seule décharge de cinq secondes l’utilisation de ces armes.
Amnesty International estime que les conclusions de l’enquête Braidwood sont particulièrement significatives, puisque les risques potentiels et théoriques décrits dans le rapport semblent se vérifier dans des cas de décès réels.
Ces résultats font écho à un grand nombre des motifs de préoccupation exposés par Amnesty International dans sa récente étude réalisée sur des morts survenues aux États-Unis dans des conditions similaires.
Dans un rapport publié en décembre 2008, intitulé Less than Lethal ? The use of Stun Weapons in US Law Enforcement, Amnesty International a passé en revue des dizaines de morts recensées depuis 2001 et a estimé qu’elles posaient de graves questions sur la sécurité et la fiabilité de ce type d’armes.
Un grand nombre des personnes ayant perdu la vie ont subi des décharges prolongées ou répétées, et une proportion non négligeable de celles-ci souffraient de problèmes cardiaques ou avaient reçu une décharge à la poitrine.
La plupart des 334 personnes examinées dans le cadre de l’étude menée par Amnesty International étaient instables ou en état d’ébriété ; cependant, dans certains cas, les analyses réalisées sur les défunts ont révélé qu’aucune drogue n’était présente dans leur organisme ou qu’ils ne souffraient d’aucun problème de santé sous-jacent mais s’étaient effondrés peu après avoir reçu une ou des décharges.
Une autre source d’inquiétude réside dans le fait que la plupart des personnes citées dans l’étude d’Amnesty International ne semblaient pas représenter une menace grave lorsqu’elles ont reçu une décharge de Taser ; 90 % d’entre elles n’étaient pas armées.
Faisant valoir les risques potentiels pour la santé liés à ce type d’armes et le fait qu’elles se prêtent aux abus, Amnesty International continue à demander aux gouvernements et aux autorités chargées de l’application des lois de suspendre leur utilisation ou de la limiter aux situations dans lesquelles leur utilisateur se trouve en danger de mort.
Préoccupations en relation avec le TASER X3
Compte tenu des résultats cités plus haut, Amnesty International déplore le lancement cette semaine d’un nouveau produit Taser International, le TASER X3. Ce dispositif permet aux agents de déclencher trois tirs consécutifs sans avoir à recharger la cartouche et, selon les fascicules de l’entreprise, il est même possible « d’immobiliser simultanément jusqu’à trois sujets avec un seul X3 ». La capacité de tir, unique, des modèles plus anciens actuellement en circulation est décrite sur le site Internet de l’entreprise comme un « inconvénient considérable ».
Au vu des préoccupations de longue date sur les risques potentiels sur la santé de décharges multiples, Amnesty International est troublée par la publicité faite autour de ce nouveau produit conçu afin de pouvoir déclencher plusieurs décharges consécutives coup sur coup.
Bien que les modèles actuels, tels que le Taser X26, permettent aux agents d’infliger plusieurs décharges en appuyant sur la détente à compter du moment où les aiguillons sont en contact avec le sujet visé, ils doivent recharger la cartouche s’ils souhaitent déployer de nouveaux aiguillons. Cela ménage une interruption dans le cas de déploiements multiples d’aiguillons et donne aux agents le temps d’évaluer la situation, ainsi que le requièrent un nombre croissant de procédures en matière de maintien de l’ordre.
Complément d’information
L’enquête Braidwood a été ouverte à la suite de la mort de Robert Dziekanski, immigrant polonais, à l’aéroport de Vancouver en octobre 2007, survenue quelques minutes après que des membres de la Gendarmerie royale du Canada l’eurent soumis à cinq décharges. Il est l’une des 26 personnes mortes au Canada depuis 2003 après avoir été la cible de Tasers. Plus de 360 décès similaires ont été recensés aux États-Unis depuis 2001.
Bien que la plupart de ces décès aient été attribués à des facteurs tels que la consommation de stupéfiants ou l’état connu sous le nom de « délire actif », les experts médicaux et les coroners ayant examiné les défunts ont conclu que les décharges infligées au moyen d’un Taser avaient entraîné ou précipité la mort de plus de 50 personnes aux États-Unis.
La commission d’enquête Braidwood a émis 19 recommandations pour la restriction, la surveillance et les opérations de compte-rendu relatives à l’utilisation de Tasers en Colombie-Britannique. Elles ont semble-t-il été acceptées par le gouvernement de cette province. Le rapport Braidwood a également préconisé de plus amples études de sécurité, notamment une évaluation pour toute nouvelle arme à transfert d’énergie.
Parmi ses conclusions, le rapport remarque qu’un grand nombre des personnes soumises à des décharges de Taser par des policiers étaient psychologiquement instables, et cite les témoignages « unanimes » d’experts de la santé mentale selon lesquels les techniques de désamorcement et d’intervention en cas de crise, et non pas le recours à des armes infligeant des décharges électriques, constituaient la réaction adaptée.
Ce rapport rendu public la semaine dernière portait sur l’utilisation générale et la sécurité des armes à transfert d’énergie. Les conclusions de l’enquête Braidwood se rapportant spécifiquement au cas Dziekanski seront rendues publiques ultérieurement.
Les armes à impulsion électrique projetant des aiguillons, telles que les Tasers, qui perturbent le système nerveux central en provoquant des contractions musculaires incontrôlables, sont connues sous de nombreux noms, dont celui de dispositifs à transfert d’énergie, terme employé par Amnesty International dans la plupart de ses documents à ce sujet. Le rapport qu’Amnesty International a consacré en 2008 aux morts survenues aux États-Unis après que les personnes concernées aient été touchées par un pistolet Taser peut être téléchargé à l’adresse suivante : http://www.amnesty.org/fr/library/info/AMR51/010/2008/en