Communiqué de presse

Cambodge. La condamnation de plusieurs militants illustre le piteux état de la justice

Le fait que deux défenseures du droit au logement aient été déclarées coupables par le tribunal municipal de Phnom Penh sur la foi d’accusations forgées de toutes pièces confirme le piteux état du système judiciaire et des principes du droit dans le pays, a déclaré Amnesty International jeudi 27 décembre.

Le matin du 27 décembre, Yorm Bopha a été condamnée à trois ans de prison pour « violences volontaires ». La veille, tard dans la soirée, Tim Sakmony a été reconnue coupable de fausses déclarations et condamnée à une peine de prison avec sursis. Les accusations portées dans les deux cas sont sans fondement et aucun élément de preuve produit lors des procès n’était crédible.

« Ces décisions choquantes montrent pourquoi les Cambodgiens ont raison de ne pas faire confiance à leurs tribunaux », a déploré Rupert Abbott, spécialiste du Cambodge à Amnesty International.

« Amnesty International considère Tim Sakmony et Yorm Bopha comme des prisonnières d’opinion. Elles sont persécutées pour la simple raison qu’elles ont essayé de défendre les droits de ceux qui, autour d’elles, ont perdu leur domicile à cause d’expulsions forcées. »

Yorm Bopha a activement défendu le droit au logement de ses proches et voisins dans l’ancien quartier du lac Boeung Kak à Phnom Penh, d’où quelque 20 000 personnes ont été expulsées de force depuis 2008.
En janvier 2012, Tim Sakmony avait protesté lorsque 300 familles habitant comme elle dans le quartier de Borei Keila ont été victimes d’une expulsion forcée effectuée dans la violence ; elle a par ailleurs réclamé que les logements de substitution qui leur avaient été promis soient mis à leur disposition.

La justice cambodgienne a également marqué un recul jeudi 27 décembre lorsque la Cour d’appel a confirmé la peine de 20 ans de réclusion prononcée contre Born Samnang et Sok Sam Ourn, déclarés coupables de l’homicide du syndicaliste Chea Vichea à la suite d’« aveux » forcés.

« La décision de la Cour d’appel dans l’affaire Chea Vichea est déroutante compte tenu de l’absence d’éléments nouveaux et du fait que les deux accusés ont des alibis crédibles », a expliqué Rupert Abbott.

« Les "aveux" forcés et l’intimidation des témoins sont les marques d’une information judiciaire profondément viciée.

Il est scandaleux que 15 années supplémentaires aient été ajoutées à la peine prononcée contre ces deux hommes pour un crime qu’ils n’ont pas commis, tandis que les tueurs de Chea Vichea courent toujours. »

Ces trois jugements rendus en l’espace de 24 heures sont venus conclure une très mauvaise année pour la justice au Cambodge.

Au cours de la semaine du 17 décembre, les poursuites engagées contre l’ancien gouverneur de la ville de Bavet, dans la province de Svay Rieng, ont été abandonnées sans aucune raison valable. Il était accusé d’avoir blessé trois employées d’usine sur lesquelles il avait tiré en février 2012.

Une enquête sur le meurtre de Chut Wutty, militant écologiste de premier plan, datant d’avril 2012 a été interrompue il y a deux mois. L’homicide d’une adolescente de 14 ans par des membres des forces de sécurité dans le village de Pro Ma (province de Kratie) en mai n’a même pas donné lieu à une enquête.

Parallèlement, le prisonnier d’opinion Mam Sonando, journaliste et propriétaire de station de radio bien connu, condamné à 20 ans de réclusion en octobre sur la base d’allégations de « sécession » sans aucun fondement, attend en détention que son procès en appel soit programmé.

« Au lieu de respecter l’état de droit, les tribunaux cambodgiens ont cautionné injustice après injustice et ont garanti le règne de l’impunité », a poursuivi Rupert Abbott.

« Il faut, pour mettre fin à cette parodie de justice, des pressions des partenaires en matière de développement et, de toute urgence, une action forte de la part gouvernement cambodgien. »

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