OMC - Amnesty International demande aux membres de l’OMC de respecter leurs obligations lors des négociations de Hong Kong

Index AI : IOR 30/016/2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

Au moment où les représentants de 148 gouvernements s’apprêtent à se réunir à Hong Kong pour la sixième conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Amnesty International craint que les négociations sur les propositions d’accords commerciaux ignorent le devoir qu’ont les États membres de respecter les droits humains.

Les accords commerciaux ont offert de nouvelles possibilités à certains et peuvent avoir des conséquences bénéfiques sur les droits humains, mais il leur arrive aussi d’être associés à des inégalités croissantes et à la dégradation des conditions sociales, notamment au refus des droits humains pour les catégories les plus pauvres et les plus marginalisées de la population.

L’évaluation des effets de la libéralisation du commerce se concentre généralement sur ses conséquences en terme de croissance économique d’ensemble. Les gouvernements n’ont guère - voire pas du tout - effectué d’études sur les effets potentiels de cette libéralisation du commerce sur les droits humains, en particulier pour déterminer quelles mesures complémentaires sont nécessaires pour que toutes les catégories de la société, notamment les personnes marginalisées, les pauvres et ceux qui souffrent d’une discrimination systématique, puissent bénéficier des accords commerciaux.

Tous les membres des Nations unies se sont engagés, aux termes de la Charte, à prendre des mesures tant conjointes qu’indépendantes pour parvenir à une observation et un respect universel des droits humains pour tous, sans distinction. Tous les gouvernements ont le devoir d’éviter que leurs actions débouchent sur des atteintes, des violations ou des refus dans le domaine des droits humains, y compris les droits des populations d’autres pays relevant de leur zone d’influence. Selon Amnesty International, pour respecter cette obligation, tous les États doivent mener des évaluations exhaustives sur les conséquences de nouveaux accords commerciaux en termes de droits humains, avant de les conclure. En outre, en ce qui concerne tous les accords déjà conclus, les gouvernements doivent étudier de près leurs conséquences, prenant des mesures nécessaires pour que nul ne soit dans l’incapacité de bénéficier de ses droits humains à cause d’un accord commercial.

Ces évaluations doivent prendre en compte le droit d’une population à participer à la conduite des affaires publiques, en particulier le droit des personnes les plus vulnérables : les plus marginalisées. Ces études doivent permettre de recueillir des éléments empiriques fiables grâce à une évaluation publique, transparente et indépendante, fondée sur des renseignements réunis par un processus participatif et consultatif impliquant les personnes concernées, notamment les femmes, les minorités, les populations indigènes et autres groupes souffrant de discrimination.

Amnesty International est particulièrement préoccupée par les règles strictes de propriété intellectuelle, liées au commerce. La stricte application de ces règles aux brevets pharmaceutiques peut empêcher (et de fait, empêche souvent) l’accès de tous à des médicaments essentiels. Lorsque des accords commerciaux entraînent une régression de l’accès aux médicaments essentiels, les gouvernements qui mettent en œuvre ces accords risquent de violer le droit au meilleur état de santé possible.

L’Accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) reste problématique en pratique pour de nombreux pays en voie de développement, malgré l’adoption de la déclaration de Doha sur l’ADPIC et la santé publique. Cette déclaration réaffirme la capacité d’un État à utiliser toutes les possibilités de l’ADPIC pour réduire le coût des médicaments.

Le 30 août 2003, le Conseil général de l’OMC a pris la décision d’appliquer le paragraphe 6 de la déclaration de Doha sur l’ADPIC, visant à permettre aux pays dénués d’industrie pharmaceutique d’obtenir des médicaments génériques sous licence obligatoire. Cependant, de nombreux experts considèrent que cette décision correspond à un processus trop lourd pour résoudre correctement le problème de l’accès des pauvres aux médicaments.

À présent que les Pays les moins avancés (PMA) ont obtenu un délai supplémentaire de sept ans pour mettre l’ADPIC en œuvre, il est essentiel qu’ils profitent pleinement de ce délai pour mener des évaluations efficaces sur les conséquences de ces propositions de règles de propriété intellectuelle dans le domaine des droits humains, et pour prendre toutes les mesures, juridiques ou autres, pour profiter pleinement de la souplesse de l’accord.

Amnesty International demande à tous les dirigeants des 148 gouvernements de placer leurs obligations en matière de droits humains au centre de leurs préoccupations, à l’occasion de la prochaine réunion de l’OMC.

Amnesty International demande ainsi aux 148 gouvernements :

 De faire en sorte que les PMA profitent pleinement du délai de sept ans avant de respecter les obligations de l’ADPIC.

 Que les pays développés coopèrent avec au moins un PMA en l’aidant à développer ses bases et processus technologiques, et en menant, en coopération avec les autres institutions et organes concernés, une étude d’impact en termes de droits humains - afin que le respect des obligations liées à l’ADPIC n’ait pas d’effet négatif sur les droits humains des populations.

 De s’engager à mener des évaluations participatives sur les effets en termes de droits humains de tout nouveau traité commercial avant de le conclure ou de revoir des traités existants.

 De faire en sorte que toutes les décisions prennent en compte les échanges avec les organes gouvernementaux responsables du respect des obligations en matière de droits humains, qui complèteront ces décisions. Les gouvernements pourraient, par exemple, nommer au moins un expert en droits humains dans leur délégation.

 D’offrir un soutien politique, afin que les organes et organisations concernées des Nations unies puissent se fonder sur des expertises existantes et des bonnes pratiques dans le monde entier, pour identifier un modèle efficace d’évaluation d’impact en termes de droits humains, ce qui implique le développement d’une méthodologie appropriée, avec des indicateurs et repères relatifs aux droits humains.

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