ONU - Déclaration conjointe sur les projets de réforme de la Commission des Droits de l’Homme

Index AI : IOR 41/034/2005

Mardi 12 avril 2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

Dans son message à la Commission, lors de l’ouverture de la session 2005, le secrétaire général des Nations unies a développé avec force sa vision de la nécessité d’une réforme urgente du mécanisme de défense des droits humains.

Saisissons-nous de cette occasion historique pour opérer une refonte du système de défense des droits humains, de façon à ce qu’il protège les droits fondamentaux de tous, dans tous les pays et à tout moment.

Amnesty International, l’Association pour la prévention de la torture, Baha’i International, le Centre pour le droit au logement et contre les expulsions (Centre on Housing Rights and Evictions), la Commission des juristes colombiens, Franciscans International, Human Rights Watch, la Commission internationale de juristes, le Service international pour les droits de l’homme, la Fédération luthérienne mondiale, l’Organisation mondiale contre la torture, le Bureau de la société des amis auprès des Nations unies et Rights Australia saluent la déclaration contenue dans le rapport du secrétaire général, intitulé Dans une liberté plus grande, qui réaffirme avec force que les droits humains et la primauté du droit font intégralement partie des objectifs d’une réforme « vitale et possible » pour le sommet du Millénaire en septembre prochain. Nous partageons l’opinion selon laquelle la sécurité, le développement et les droits humains sont intrinsèquement liés et se renforcent mutuellement. Ainsi, toute commission ayant pour but la paix, toute unité d’assistance à l’instauration d’un état de droit doit avoir une composante forte en matière de droits humains.

Nous partageons les préoccupations du secrétaire général au sujet du manque de crédibilité de la Commission des droits de l’homme. Depuis des années, les ONG dénoncent les insuffisances du principal organe des Nations unies en matière de droits humains, notamment son incapacité à réagir à des situations de violations flagrantes et systématiques de violations des droits humains à travers le monde.

La Commission des droits de l’homme a été affaiblie par un certain nombre d’actions, notamment :

 de la part d’États, cherchant à se faire élire à la Commission non pour renforcer les droits humains, mais pour se protéger des critiques ou critiquer d’autres pays ;
de la part d’États utilisant les règles de la procédure pour empêcher tout débat sur certaines préoccupations légitimes en matière de droits humains ;

 du fait de l’affaiblissement et de l’abaissement des normes relatives aux droits humains ; et

 d’une sélectivité inacceptable et de la mise en place d’une double échelle de valeurs qui ont fait que de nombreuses situations préoccupantes au plan des droits humains n’ont pas été prises en compte.

Ainsi que nous l’a dit le secrétaire général lui-même, ces dérives ont entaché la réputation des Nations unies.
Nous saluons l’occasion qui nous est donnée de passer en revue les réussites et les échecs de la Commission et de mettre en place un système capable de réagir promptement aux besoins des victimes de violations des droits humains et de leurs défenseurs.

Toute réforme doit se traduire par un renforcement du système des Nations unies dans le domaine des droits humains. La réforme doit aboutir à ce que le principal organe de défense des droits humains des Nations unies soit systématiquement et efficacement saisi de toutes les violations des droits humains dans tous les pays, sur la base d’informations rassemblées par des experts et des rapporteurs indépendants, notamment les organes créés en vertu d’instruments internationaux, les procédures spéciales, les équipes pays des Nations unies et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Les organisations non-gouvernementales et les défenseurs des droits humains peuvent compléter les sources officielles, à travers leur connaissance et leur expérience de travail avec et pour les victimes. Le système des droits humains doit s’appuyer sur toutes ces sources d’information.

L’efficacité et la légitimité de tout organe de défense des droits humains dépend en grande partie de l’engagement démontré de ses membres en faveur de la défense des droits humains, de leur volonté de répondre de leurs obligations en matière de droits humains et de leur coopération effective avec les mécanismes de défense des droits humains. Par coopération, nous entendons réagir pleinement et promptement aux communications, faciliter les visites, notamment en adressant des invitations permanentes aux responsables de l’examen de questions thématiques au titre des procédures spéciales, en mettant en application leurs recommandations et en soumettant des rapports en temps voulu aux organes créés en vertu d’instruments internationaux.

Le nouvel organe devra être conçu de telle sorte qu’il attire en son sein des personnes ayant fait la preuve de leur engagement en faveur des normes les plus élevées de respect des droits humains. Son mandat et ses méthodes de travail devront également être envisagés de manière à renforcer sa légitimité et son efficacité.

Nos organisations soutiennent l’appel du secrétaire général en faveur du remplacement de la Commission des droits de l’homme par un nouvel organe, bénéficiant d’une plus grande autorité grâce à un statut plus élevé au sein des Nations unies, qui puisse, en tant qu’organe permanent, se réunir chaque fois que cela est nécessaire pour traiter du respect des droits humains dans le monde.

Nous demandons aux États de s’engager rapidement à la mise en place d’un tel organe de défense des droits humains. Nous leur demandons de donner le coup d’envoi à la mise en place d’un processus global, impliquant la société civile, pour débattre du projet et lui donner forme.

Un nouvel organe permanent devra donner à la communauté internationale la possibilité de :

 réagir rapidement aux crises des droits humains tout au long de l’année, en effectuant un travail de surveillance, en adoptant des résolutions et en alertant la communauté internationale ;

 réagir efficacement aux signaux d’alerte en agissant préventivement au niveau du système des Nations unies et de ses agences et à celui de la communauté internationale sur la base des rapports du Haut-Commissariat aux droits de l’homme établis par ses représentants sur le terrain, les observateurs chargés de veiller au respect des droit humains, les missions et rapports des responsables au titre des procédures spéciales et les ONG ;

 assurer un suivi et veiller à la mise en application des décisions et engagements spécifiques des pays, ainsi que des recommandations des responsables au titre des procédures spéciales et organes créés en vertu d’instruments internationaux ; et

 surtout, fournir un cadre permettant une surveillance globale et continuer de faire progresser les normes relatives au respect des droits fondamentaux des personnes.

La contribution des ONG est essentielle à l’action à toutes les étapes du système des Nations unies dans le domaine des droits humains. Les organisations non-gouvernementales doivent pouvoir participer pleinement à l’action de ce nouvel organe de défense des droits humains, au moins au même niveau et sur la même base que dans la commission actuelle.

Les procédures spéciales, notamment les rapporteurs spéciaux pour certaines questions ou certains pays, les experts indépendants et les groupes de travail, apparaissent comme l’un des outils les plus créatifs et les plus pratiques de la Commission. Le système des procédures spéciales fait partie intégrante du système des Nations unies dans le domaine des droits humains et ne doit pas seulement être maintenu, mais renforcé de façon significative lors de la création de tout nouvel organe.

La Commission actuelle peut être fière du développement et de l’adoption d’un certain nombre de mesures clés en matière de droits humains, notamment la Déclaration universelle des droits humains et les deux Pactes. Le rôle de mise en place d’un certain nombre de normes doit être conservé par le nouvel organe de défense des droits humains.

Les victimes comptent également sur l’impact grandissant des organes de suivi des traités relatifs au respect des droits humains. Cependant, avec des ratifications en hausse, ces organes experts sont confrontés à une sérieuse surcharge de travail. Les États parties et le secrétaire général doivent travailler de concert avec les ONG et autres acteurs au renforcement des organes de surveillance des traités et leur permettre de fonctionner dans le cadre d’un système fort, professionnel et unifié, avec des membres dont l’engagement, l’indépendance et le professionnalisme sont reconnus au plus haut niveau.

Nous partageons également la vision du rôle dirigeant de la haut-commissaire et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme en matière de protection des droits humains et renforcement des capacités à protéger ces droits, grâce en particulier à une présence accrue sur le terrain et plus significative en matière de droits humains. Le Haut-Commissariat est essentiel pour faire en sorte que le travail des responsables au titre des procédures spéciales et des organes créés en vertu d’instruments internationaux se traduise par des changements aussi bien sur le terrain qu’au sein des Nations unies dans le cadre de la prévention des conflits et de la réponse aux crises. Nous attendons avec impatience la présentation du projet de la haut-commissaire au secrétaire général d’ici au 20 mai. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme reçoit un maigre 2 p. cent du budget régulier des Nations unies. Le fossé entre attentes et ressources est énorme. Le plan d’action de la haut-commissaire doit amener les États à augmenter de façon importante le budget régulier du Haut-Commissariat de façon à ce que celui-ci puisse exercer le rôle dirigeant qui lui revient, de protection et renforcement des capacités dans les différents pays du monde.

Aujourd’hui nous est offerte une occasion rare d’apporter une amélioration fondamentale au mécanisme de défense des droits humains, en s’appuyant sur la vision claire que la protection des droits humains est au cœur des Nations unies. Nous nous joignons au secrétaire général pour appeler les États membres à relever le défi et à transformer rapidement les paroles en actes.

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