ONU : Nouveau texte de référence sur la peine de mort

Communication écrite présentée à la 36e session ordinaire du Conseil des droits de l’homme de l’ONU (11-29 septembre 2017)

Amnesty International salue l’abolition récente de la peine de mort au Bénin, en Mongolie et à Nauru. Ces pays montrent qu’il est possible de progresser en matière de droits humains lorsque les autorités en ont la volonté politique. Amnesty International se réjouit également des mesures prises par plusieurs autres États en vue de la suppression de la peine capitale. En Guinée, par exemple, un Code pénal révisé a aboli cette peine pour les crimes de droit commun en octobre 2016.

Cependant, Amnesty International est préoccupée par l’utilisation faite de la peine de mort par la minorité d’États qui continue à recourir à ce châtiment, et souhaite appeler l’attention du Conseil des droits de l’homme de l’ONU sur un certain nombre de violations graves du droit international relatif aux droits humains et des normes connexes, y compris dans des pays qui ont pris volontairement des engagements en ratifiant des instruments internationaux. Amnesty International engage le Conseil à réagir fermement lorsque de telles violations se produisent.

Dans de nombreux cas, la peine de mort est appliquée : dans le cadre de procédures contraires au droit à un procès équitable (notamment lorsque les accusés ont été soumis à des actes de torture ou à d’autres mauvais traitements destinés à leur extraire des « aveux », qui sont ensuite souvent utilisés comme base pour les déclarer coupables) ; à des personnes qui étaient âgées de moins de 18 ans au moment des faits qui leur sont reprochés ; ou à des personnes qui présentent une déficience mentale ou intellectuelle. Dans certains pays, ce châtiment est imposé pour des infractions qui ne relèvent pas de la catégorie des « crimes les plus graves », auxquels son application doit être limitée en vertu du droit international, et il constitue souvent une peine obligatoire. Amnesty International a exprimé à maintes reprises sa préoccupation au sujet du secret entourant l’utilisation de la peine de mort dans un certain nombre de pays, et constate avec inquiétude que les personnes appartenant à des milieux socioéconomiques vulnérables continuent à être désavantagées lorsqu’elles ont affaire à la justice pénale à travers le monde.

Les événements de ces dernières semaines ont montré que certains États faisaient preuve d’un mépris complet à l’égard des obligations qui leur incombent en vertu du droit international dans ce contexte. Cette situation requiert une condamnation et une action internationales.

APPLICATION DE LA PEINE DE MORT AUX PERSONNES ÂGÉES DE MOINS DE 18 ANS AU MOMENTS DES FAITS

L’une des restrictions les plus claires énoncées dans le droit international coutumier et conventionnel est l’interdiction de l’imposition de la peine de mort aux personnes qui étaient âgées de moins de 18 ans au moment des faits reprochés. Un certain nombre d’États continuent à ne pas tenir compte de ces obligations internationales. Ces derniers mois, Amnesty International s’est dite préoccupée de constater qu’un certain nombre d’États, bien que parties à la Convention relative aux droits de l’enfant et à d’autres instruments interdisant expressément l’application de la peine capitale aux mineurs, avaient exécuté – ou prévu d’exécuter – des adolescents et des jeunes hommes qui étaient mineurs au moment de la commission des faits reprochés.

Le 10 août 2017, l’Iran, État partie à la Convention relative aux droits de l’enfant, a ainsi exécuté Alireza Tajiki, âgé de seulement 15 ans au moment de son arrestation et condamné à l’issue d’un procès inique, au cours duquel le tribunal s’est fondé, selon le jeune homme, sur des « aveux » qui lui avaient été extorqués par la torture. Un autre homme – également âgé de moins de 18 ans au moment de l’infraction – a failli être pendu à peine une semaine plus tard. Cette année, au moins quatre autres personnes qui étaient âgées de moins de 18 ans au moment des faits reprochés ont vu à plusieurs reprises une date fixée pour leur exécution, celle-ci étant à chaque fois reportée grâce à des pressions internationales. Amnesty International a reçu des informations crédibles indiquant que deux personnes arrêtées alors qu’elles étaient mineures avaient été exécutées en 2016, et au moins trois autres au cours des cinq premiers mois de l’année 2017, ce qui porte à quatre le nombre total de ces exécutions pour cette année. Au mois d’août 2017, au moins 92 personnes étaient sous le coup d’une condamnation à mort pour des infractions commises alors qu’elles étaient âgées de moins de 18 ans.

Des personnes âgées de moins de 18 ans au moment de la commission de l’infraction risquent actuellement d’être exécutées très prochainement en Arabie saoudite, État également partie à la Convention relative aux droits de l’enfant. Abdulkareem al Hawaj, un jeune musulman chiite, a vu sa condamnation à mort confirmée le 10 juillet ; il avait été déclaré coupable un an plus tôt, à l’issue d’un procès inique, en raison de sa participation présumée à des manifestations anti-gouvernementales qui ont eu lieu en 2012, alors qu’il avait 16 ans. Trois autres jeunes gens condamnés à mort sont en instance d’exécution et affirment qu’on les a torturés pour les contraindre à « avouer » : il s’agit d’Abdullah Hasan al Zaher, Ali Mohammed Baqir al Nimr et Dawood Hussein al Marhoon, arrêtés pour des infractions qui auraient été commises alors qu’ils étaient respectivement âgés de 16, 17 et 16 ans.

Amnesty International croit savoir que des personnes âgées de moins de 18 ans lors de la commission des faits reprochés sont sous le coup d’une condamnation à mort au Bangladesh, aux Maldives, au Nigeria, au Pakistan et en Papouasie-Nouvelle-Guinée, États qui sont tous parties à la Convention relative aux droits de l’enfant et à d’autres instruments relatifs aux droits humains.

MENACE DE REPRISE DES EXÉCUTIONS, EN VIOLATION DE LA SUSPENSION DEMANDÉE PAR LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Amnesty International est vivement préoccupée par des propos tenus le 6 août 2017 par le président des Maldives, qui a annoncé que la peine de mort serait appliquée dans le pays « d’ici fin septembre ». La reprise des exécutions aux Maldives, après plus de 60 ans d’interruption, serait une grave régression pour ce pays, où la crise politique actuelle a entraîné la suspension du Parlement et le harcèlement, l’intimidation et l’arrestation de certains ses membres. Trois hommes risquant d’être exécutés très prochainement ont saisi le Comité des droits de l’homme (ci-après, « le Comité »), faisant état de violations des droits qui sont les leurs en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel les Maldives sont un État partie. Le Comité a demandé aux Maldives de suspendre l’exécution ce ces hommes dans l’attente de l’examen de leur communication. Dans son Observation générale n 33, le Comité indique expressément que « [l]’inobservation de ces mesures provisoires est incompatible avec l’obligation de respecter de bonne foi la procédure d’examen des communications individuelles établie par le Protocole facultatif ».

Lorsque les États prennent librement et volontairement des engagements au titre du droit international, ils acceptent également des obligations et des devoirs et sont tenus de respecter, de protéger et de réaliser les droits humains et de mettre en place au niveau national des mesures et des dispositions législatives compatibles avec leurs obligations conventionnelles.

En vertu du droit international et des normes connexes, l’abolition de la peine de mort est un objectif à atteindre. Il est temps pour les pays qui maintiennent ce châtiment de se rallier au mouvement mondial en faveur de l’abolition.

Les pays qui maintiennent la peine de mort ne sont pas les seuls qui bafouent ou risquent de bafouer leurs engagements au titre du droit international. L’année dernière, le gouvernement des Philippines a pris des mesures en vue de rétablir ce châtiment. Un texte législatif à cet effet a été adopté par la Chambre des Représentants le 7 mars 2017 et un projet de loi distinct est actuellement à l’étude au Sénat. Les Philippines sont parties au Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. L’article premier de cet instrument interdit les exécutions et demande aux États parties d’abolir la peine de mort. En vertu de cet article, les États parties sont également tenus de ne pas rétablir ce châtiment, conformément à l’avis des rédacteurs selon lequel cela serait contraire à l’objet et au but mêmes du Deuxième protocole facultatif. Les obligations découlant du Protocole ne sont sujettes à dérogation à aucun moment, et le Protocole n’autorise pas non plus les États parties à le dénoncer.

RECOMMANDATIONS

1. Amnesty International invite tous les États qui n’ont pas encore aboli la peine capitale à  :

− établir immédiatement un moratoire sur l’application de la peine de mort, en vue de l’abolition de ce châtiment ;

− respecter pleinement leurs obligations conventionnelles, notamment en s’abstenant d’appliquer la peine capitale aux personnes âgées de moins de 18 ans lors de la commission des faits reprochés, et coopérer pleinement avec les organes et mécanismes des Nations unies.

2. Amnesty International appelle tous les États qui ont aboli la peine de mort à ne pas la rétablir, et à partager leur expérience en ce qui concerne l’abolition, notamment en expliquant les difficultés qu’ils ont rencontrées dans ce contexte et la façon dont ils les ont surmontées.

3. Amnesty International exhorte tous les États à prendre sans délai des mesures efficaces pour que les autres États honorent leurs engagements internationaux, y compris celui de garantir la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort.

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