ONU - Position d’Amnesty sur les propositions de réforme du système de protection des droits humains

Index AI : IOR 41/032/2005

Lundi 11 avril 2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

Document préparé pour la séance informelle de la 61e session de la Commission des droits de l’homme du 12 avril 2005

Amnesty International accueille avec satisfaction le rapport du secrétaire général des Nations Unies intitulé Dans une liberté plus grande : développement, sécurité et respect des droits de l’homme pour tous [1], dans lequel le secrétaire général s’inspire des rapports Un monde plus sûr : notre affaire à tous [2] et Investir dans le développement [3] pour désigner les droits humains comme l’un des trois piliers des Nations Unies concernés par ses propositions pour le sommet des dirigeants mondiaux prévu en septembre 2005 [4].

En particulier, Amnesty International se félicite de la proposition audacieuse du secrétaire général de renforcer le système de protection des droits humains des Nations Unies par la création d’un organisme qui donnerait à ces droits un caractère beaucoup plus impérieux, en ligne avec la primauté que leur accorde la Charte des Nations Unies. En effet, la Commission des droits de l’homme (ci-après dénommée la Commission), principal organe de protection des droits humains de l’ONU, a de plus en plus de mal à répondre efficacement aux violations des droits humains dans le monde. La proposition du secrétaire général de créer un Conseil des droits de l’homme (ci-après dénommé le Conseil) siégeant en permanence et pouvant se réunir tout au long de l’année fait naître de grands espoirs quant à l’amélioration de la capacité des Nations Unies à promouvoir et à protéger les droits humains.

En prévision du débat informel sur la partie du rapport du secrétaire général consacrée aux droits humains, prévu dans le cadre de la 61e session de la Commission des droits de l’homme, Amnesty International souhaite attirer l’attention sur les principes et autres considérations qui devraient être abordés dans ce débat. Globalement, la discussion sur le mandat et les méthodes de travail du nouveau Conseil des droits de l’homme proposé devra s’appuyer sur une analyse des problèmes de la Commission qui ont besoin d’être corrigés, sur une reconnaissance de ses forces actuelles à préserver et à renforcer, et sur une identification des lacunes du système de protection des droits humains des Nations Unies qui devront être comblées par le nouvel organisme créé.

Amnesty International exhorte les gouvernements et les autres participants au débat sur la réforme du système de protection des droits humains à aborder les points suivants :
• Avant tout, la réforme doit remédier au déficit de légitimité de la Commission. En effet, la politique de coercition et l’existence de deux poids deux mesures ont empêché la Commission des droits de l’homme de répondre aux violations graves et généralisées des droits humains dans beaucoup de pays, et même souvent de discuter de ces violations. Le nouvel organisme de protection des droits humains devrait donc être conçu de manière à pouvoir répondre à toutes les violations des droits humains dans tous les pays et à tout moment.
• Le Conseil des droits de l’homme devrait occuper, au sein des Nations Unies, une place à la mesure de l’importance que la Charte des Nations Unies accorde au respect des droits humains en en faisant l’un des buts de l’ONU.
• Les règles de tenue des séances du Conseil devraient permettre l’examen et l’analyse systématiques de la situation des droits humains dans tous les pays et offrir la possibilité de réagir rapidement à toute situation de crise. En effet, la rigidité excessive des règles actuelles pour la convocation de sessions extraordinaires rend difficile l’examen, dans un délai raisonnable, des crises relatives aux droits humains même les plus graves.
• Le Conseil des droits de l’homme devrait siéger toute l’année afin de pouvoir tenir des sessions plus courtes mais plus fréquentes.
• Les gouvernements, en qualité de membres ou d’observateurs, ainsi que les ONG, devraient avoir plus de possibilités de participer de manière substantielle aux délibérations du Conseil. En effet, actuellement, seul un très petit nombre de gouvernements ou d’ONG - voire aucun - peut suivre l’examen des plus de 100 résolutions et décisions examinées pendant les six semaines de la session de la Commission. Par ailleurs, il faudrait veiller particulièrement à permettre aux pays les moins développés de s’impliquer davantage dans les activités de l’organe de protection des droits humains.
• Le Conseil devrait pouvoir condamner les violations des droits humains chaque fois que la gravité d’une situation l’exige.
• Il devrait pouvoir surveiller et évaluer l’application de ses décisions et recommandations par les gouvernements.
• Il devrait avoir à sa disposition des méthodes pour aider les États membres à respecter les droits humains, conformément aux normes internationales, notamment par l’intermédiaire de mesures de renforcement de la capacité des États à protéger les droits humains et l’état de droit. Il devrait disposer, pour répondre aux violations des droits humains et pour faire appliquer les normes et les engagements relatifs à ces droits, d’un éventail de méthodes plus large que celui dont dispose actuellement la Commission avec sa distinction stricte et artificielle entre les points 9 et 19 de son ordre du jour.
• Des mesures doivent être prises pour dépolitiser l’examen des questions thématiques et, encore plus, l’examen de la situation des différents pays. À l’heure actuelle, l’analyse et la réponse politique qu’elle entraîne sont mêlées car la Commission examine la situation des pays largement sur la base de propositions de résolutions. Or, ces deux processus pourraient être séparés. Des méthodes plus objectives et plus transparentes d’analyse et de discussion de la situation des droits humains dans les pays devraient être envisagées. Les décisions politiques du Conseil devraient s’appuyer fermement sur une analyse objective et transparente de la situation en question.
• Le Conseil devrait mieux utiliser les informations et les analyses relatives aux droits humains disponibles dans le système des Nations Unies. Pour cela, il devrait notamment s’appuyer davantage sur les rapports et les recommandations des procédures spéciales, des organes de suivi des traités et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Il faudrait prévoir des moyens efficaces de compléter ces informations et analyses quand elles sont incomplètes ou inexistantes. Il conviendrait aussi de réfléchir à la manière dont les informations et analyses disponibles pourraient être soumises au Conseil des droits de l’homme le plus efficacement possible. Par exemple, la proposition de publier un rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde formulée par le Groupe de personnalités de haut niveau dans son rapport mérite d’être étudiée avec attention.
• Le Conseil des droits de l’homme devrait conserver le système des procédures spéciales créé par la Commission des droits de l’homme. Il faudrait trouver des moyens de renforcer et de soutenir le travail de ces procédures spéciales, notamment par des mesures encourageant les États à répondre pleinement et rapidement à leurs communications, à prendre en compte et à appliquer leurs recommandations, et à mieux dialoguer avec elles, par exemple en leur adressant des invitations permanentes et en prenant sans délai des mesures pour faciliter leur venue chaque fois qu’elles demandent à se rendre sur leur territoire.
• Si la Commission des droits de l’homme était remplacée par un Conseil des droits de l’homme, les Nations Unies devraient maintenir le statut consultatif des ONG, actuellement basé sur l’article 71 de la Charte de l’ONU, ainsi que les meilleures pratiques et les activités coutumières des ONG, qui jouent un rôle essentiel dans le dynamisme de la Commission. Le Conseil devrait continuer de tenir régulièrement des réunions offrant aux ONG et aux institutions nationales de défense des droits humains l’occasion de contribuer à ses délibérations.
• Si le nombre de membres du Conseil était limité, ses règles d’élection et ses méthodes de travail devraient favoriser la nomination et l’élection de gouvernements ayant fait la preuve de leur engagement en faveur de la promotion et de la protection des droits humains. Amnesty International ne considère pas qu’il soit efficace d’imposer des critères spécifiques pour les membres. Toutefois, elle est fermement convaincue que le fait d’être membre du principal organe de défense des droits humains des Nations Unies confère à chaque État membre une responsabilité particulière en ce qui concerne le renforcement de la protection des droits humains et des normes relatives à ces droits aux niveaux national et international. Les membres du Conseil et les candidats à celui-ci pourraient être invités à s’engager chaque année à œuvrer dans ce sens. Le processus de réforme devrait considérer la question de l’attribution des sièges comme faisant partie intégrante d’un vaste ensemble de réformes exhaustives destinées à renforcer les mécanismes actuels de protection des droits humains des Nations Unies ; la question des membres ne devrait pas être abordée séparément des autres questions.
• Les membres du Conseil devraient être élus dans le cadre d’élections opposant plusieurs candidats, départagés en premier lieu en fonction de leur engagement en faveur de la promotion et de la protection des droits humains. Les méthodes de travail du Conseil devraient décourager les candidatures motivées par la seule volonté d’échapper aux critiques ou de critiquer les autres à des fins politiques. Elles devraient aussi décourager la solidarité de bloc et les querelles politiques intestines, qui ont été des obstacles à une promotion et une protection efficaces des droits humains au sein de la Commission des droits de l’homme.
• Le Conseil devra disposer de moyens suffisants en termes financiers et de personnel pour pouvoir fonctionner efficacement. Ses besoins dans ce domaine devront être examinés indépendamment des demandes de ressources supplémentaires du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Les besoins financiers du Conseil des droits de l’homme et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme sont complémentaires, mais distincts.
• Il faudrait se pencher sur les relations entre le Conseil des droits de l’homme et les autres organes des Nations Unies s’intéressant aux droits humains. Par exemple, le débat sur le mandat et les méthodes de travail de ce Conseil est une bonne occasion d’améliorer la place accordée aux droits fondamentaux des femmes.
• Le Conseil des droits de l’homme devrait conserver la même souplesse que la Commission dans ses méthodes de travail en ce qui concerne l’élaboration de normes.

Amnesty International se réjouit de l’occasion qui lui est offerte de contribuer au débat sur la réforme du principal organe de protection des droits humains des Nations Unies. Elle considère qu’il incombe à tous les gouvernements et organisations qui ont critiqué la Commission des droits de l’homme de contribuer positivement à ce débat. L’organisation soutient le secrétaire général quand il exhorte les États membres des Nations Unies à parvenir rapidement à un accord de principe sur la création d’un Conseil des droits de l’homme, mais elle engage également les États membres à veiller à ce que l’organe créé contribue efficacement à la promotion et à la protection de tous les droits humains dans tous les pays et à tout moment.

Notes

[1A/59/2005 en date du 21 mars 2005.

[2Un monde plus sûr : notre affaire à tous. Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement

[3Investir dans le développement : Plan pratique pour réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement

[4Les deux autre piliers sont le développement et la sécurité.

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