Ouganda. Des personnes détenues au secret ont été torturées

Déclaration publique

AFR 59/006/2007

Amnesty International a condamné, ce vendredi 14 septembre, les actes de torture infligés par des membres de l’Unité d’intervention rapide (RRU) de la police ougandaise à des personnes détenues au secret du 13 au 17 août 2007. Amnesty International demande que le gouvernement ougandais mène sans délai une enquête indépendante et impartiale sur ces faits, et que tout agent de l’Unité d’intervention rapide soupçonné d’avoir pris part à la torture de ces personnes soit relevé de ses fonctions, sans préjudice de toute action en justice.

Le 13 août, 41 personnes ont été arrêtées par des policiers ougandais appartenant à la RRU. Ces personnes ont été arrêtées alors qu’elles marchaient dans Kampala, le long de la route Musajalumbwa ou dans les environs. Les policiers ont frappé ces individus à coups de matraque et de crosse de fusil au moment de leur arrestation, et l’un d’entre eux, Emmanual Tumukende, a eu le bras brisé. Un policier a également donné des coups de pied dans l’aine au réfugié et défenseur des droits humains congolais Masudi Titi. Deux pick-up et une voiture banalisée de la police ont emmené les 41 personnes arrêtées au siège de la RRU à Kireka (Kampala).

Parmi ces personnes figuraient des ressortissants du Kenya, de la République démocratique du Congo, du Rwanda, de la Somalie et de la Tanzanie. Des Ougandais ont également été arrêtés. Tous les détenus ont alors été soumis à une fouille à corps et on leur a pris les objets de valeur qui ne leur avaient pas encore été retirés. Pendant cette fouille, des policiers ont donné des coups de poing et de pied à un des détenus, un demandeur d’asile congolais, et l’ont piétiné.


" Je leur ai demandé d’ajouter sur leur liste les affaires qui m’avaient été confisquées au moment de mon arrestation. Cela les a agacés et ils m’ont répondu que je n’avais pas à leur dire ce qu’ils avaient à faire. Ils ont commencé à [me] frapper, me donnant des coups de pied et me piétinant jusqu’à ce que je crache du sang. Un policier qui assistait à la scène est intervenu. Ils se sont arrêtés et m’ont emmené dans une cellule où étaient enfermées d’autres personnes. J’ai passé cinq jours avec d’autres, sans recevoir aucun soin. Les conditions étaient épouvantables et nous n’avions pas suffisamment de nourriture et d’eau."

(Kahindo Balile, demandeur d’asile congolais)

Cet homme souffre de lésions internes provoquées par les coups qu’il a reçus.

« À chaque fois que je vais aux toilettes ou que je tousse, je vois du sang. Je suis aussi devenu impuissant en raison des nombreux coups que j’ai reçu dans le bas ventre. »

Les 41 personnes ont été détenues au secret pendant cinq jours, 23 d’entre elles ayant été entassées dans une cellule de trois mètres sur trois. Des détenus ont raconté à Amnesty International que certains d’entre eux étaient en captivité avec des soldats de l’armée ougandaise qui les avaient frappés et leur avaient fait nettoyer la cellule. Des policiers assistaient à la scène sans rien dire.

Les détenus congolais étaient plus particulièrement la cible des tortures et violences de l’unité spéciale. Kahindo Balile et au moins trois autres ont été frappés à plusieurs reprises pendant leur détention. Plusieurs détenus ont expliqué à Amnesty International que les policiers s’en étaient pris aux ressortissants congolais pour leur extorquer de l’argent et les dissuader de porter plainte pour les affaires qui leur avaient été volées.

Les 41 détenus ont été privés de tout contact avec leurs familles et leurs avocats qui n’ont pas été autorisés à les voir à Kireka les 13, 15 et 16 août. Les détenus n’ont été présentés à un magistrat que dans l’après-midi du 17 août , après les pressions exercées sur la direction de la police par Refugee Law Project et Amnesty International. Transférés à la prison de Lugazi, à Kampala, les détenus y ont été de nouveau frappés, par des gardiens, avant d’être libérés sous caution le 23 août.

Après avoir examiné trois des détenus, le médecin de l’African Centre for Treatment and Rehabilitation of Torture Victims a fait, pour chacun d’entre eux, le rapport suivant à Amnesty International : « nous concluons qu’à partir des connaissances sur la pratique régionale de la torture, cette personne a été torturée comme il a été allégué. »

Il ne s’agit pas des premiers cas d’actes de torture imputables à l’Unité d’intervention rapide recensés par Amnesty International. Cette unité, appelée jusqu’à récemment l’Unité de lutte contre la délinquance violente (VCCU), est présidée par l’Inspecteur général des forces de police. Elle a été créée en 2003 pour succéder à l’Operation Wembley, brigade anticriminelle très critiquée pour avoir eu comme mot d’ordre non officiel de « tirer pour tuer » et avoir utilisé la torture, d’autres formes de mauvais traitements et la détention au secret.

Ces agissements violent la Constitution ougandaise, la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auxquels l’Ouganda est un État partie. Ces violations sont également contraires au Code de conduite des Nations unies pour les responsables de l’application des lois.

En vertu de la Constitution ougandaise et du droit international, la torture et les autres formes de mauvais traitements sont strictement interdits, en tout temps. Faire en sorte que les détenus soient immédiatement autorisés à entrer en contact avec un avocat, un médecin et des membres de leur famille constitue un bon garde-fou contre la torture.

Amnesty International appelle le gouvernement ougandais à mener sans délai une enquête indépendante et impartiale sur les actes de torture et autres formes de mauvais traitements dont ont été victimes les 41 personnes arrêtées. Il faudrait que les résultats de ces investigations soient rendus publics et que les personnes soupçonnées d’être responsables de ces agissements soient déférées à la justice.

Complément d’information

Depuis le mois de juillet, la police ougandaise procède à de nombreuses arrestations de personnes soupçonnées d’actes criminels, en vue de la réunion des chefs de gouvernement des pays du Commonwealth qui doit se tenir à Kampala en novembre 2007.

L’Unité d’intervention rapide (RRU), connue jusqu’à récemment comme l’Unité de lutte contre la délinquance violente (VCCU), est présidée par l’Inspecteur général des forces de police. Elle a été créée en 2003 pour succéder à l’Operation Wembley, brigade anticriminelle très critiquée pour avoir eu comme mot d’ordre non officiel de « tirer pour tuer » et avoir utilisé la torture, d’autres formes de mauvais traitements et la détention au secret.

Amnesty International et la Commission ougandaise des droits humains ont condamné la VCCU pour de nombreux cas de torture et de maintien de suspects en détention arbitraire prolongée.

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